février 2020 - Page 38 sur 49 - Journal du niger

Turquie: acquittement du mécène Osman Kavala dans un procès emblématique

Un tribunal turc a acquitté mardi plusieurs figures majeures de la société civile, dont le célèbre mécène Osman Kavala, une décision inattendue annoncée à l’issue d’un procès emblématique de l’érosion des libertés en Turquie.

Le tribunal de Silivri, près d’Istanbul, a acquitté M. Kavala et huit co-accusés qui comparaissaient mardi « en l’absence de preuves suffisantes » pour appuyer les accusations de « tentative de renversement du gouvernement », selon une correspondante de l’AFP.

Les accusés étaient poursuivis pour leur implication dans des manifestations antigouvernementales en 2013, connues sous le nom de mouvement de Gezi, visant l’actuel président Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre.

Pour nombre d’ONG, ce procès, qui reposait sur peu d’éléments concrets, visait à envoyer un message d’intimidation à la société civile pour dissuader toute nouvelle manifestation d’envergure contre le président Erdogan qui dirige la Turquie depuis 2003.

Le tribunal a par ailleurs ordonné la remise en liberté de M. Kavala, un homme d’affaires et philanthrope incarcéré depuis plus de deux ans dans le cadre de cette affaire qui a suscité la vive inquiétude des ONG et des pays occidentaux quant à la situation des libertés en Turquie.

Après l’annonce de cette décision, les dizaines de personnes présentes au tribunal pour soutenir les accusés ont applaudi à tout rompre, selon la journaliste de l’AFP.

Le tribunal a en outre dissocié les dossiers de sept autres accusés qui n’étaient pas présents au tribunal, dont le journaliste Can Dündar, qui s’est exilé en Allemagne.

Son emprisonnement a fait de M. Kavala le symbole de la répression orchestrée contre la société civile en Turquie, en particulier depuis une tentative de putsch en 2016 contre M. Erdogan suivie de purges massives.

M. Kavala, connu des cercles intellectuels en Europe, était notamment accusé d’avoir financé le mouvement de Gezi. Il risquait la prison à vie.

– « Immenses souffrances » –

« Les acquittements prononcés aujourd’hui sont la bonne décision. La remise en liberté d’Osman Kavala n’a que trop tardé », a déclaré à l’AFP la représentante en Turquie de l’ONG Human Rights Watch, Emma Sinclair-Webb.

« Toute cette affaire a causé d’immenses souffrances à ceux qui ont été visés à tort, à commencer par Osman Kavala. C’est un procès dont le seul but était de s’en prendre à des défenseurs des droits humains », a-t-elle ajouté.

Le mouvement de Gezi a commencé avec un sit-in pour défendre le parc de Gezi, l’un des rares espaces verts au cœur d’Istanbul. Après une répression brutale, il s’est transformé en mouvement plus global contre M. Erdogan.

Hétéroclite, le mouvement rassemblait pêle-mêle des militants écologistes, des étudiants manifestant pour la première fois, des associations défendant les droits des femmes ou encore des musulmans anticapitalistes.

L’affaire est brusquement revenue sur le devant de la scène en 2018 lorsque le président Erdogan a commencé à présenter le mouvement Gezi comme une « tentative de coup d’Etat » préfigurant une tentative de renversement, bien réelle celle-là, en juillet 2016.

Dans son acte d’accusation de 657 pages, le procureur présentait le mouvement de Gezi comme une opération pilotée de l’étranger pour nuire à la Turquie.

En décembre, la Cour européenne des droits de l’Homme avait réclamé la libération immédiate de M. Kavala, soulignant l’absence de « faits, informations et preuves » dans l’acte d’accusation.

Parmi les éléments de l’accusation figurait une carte de la répartition des abeilles sur le territoire turc, trouvée dans le téléphone de M. Kavala. Le document a été présenté comme une preuve que le mécène entendait redessiner les frontières du pays.

Le président Erdogan a plusieurs fois attaqué nommément M. Kavala, l’accusant de « financer les terroristes » et d’être « le représentant en Turquie » du milliardaire américain d’origine hongroise George Soros, bête noire de plusieurs dirigeants autoritaires dans le monde.

La décision rendue mardi intervient quelques jours après l’acquittement de la célèbre romancière Asli Erdogan dans un autre procès symbolique où elle était accusée d’activités « terroristes ».

Procès fixé au 3 mars pour deux chercheurs français détenus en Iran

Le procès de deux universitaires français détenus en Iran depuis juin, Fariba Adelkhah et Roland Marchal, accusés de crimes contre la sécurité nationale de l’Etat, s’ouvrira le 3 mars à Téhéran, a déclaré mardi leur avocat à l’AFP.

Franco-iranienne, Mme Adelkhah est poursuivie pour « propagande contre le système » politique de la République islamique d’Iran et « collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale ». Seul ce dernier chef d’accusation est retenu contre M. Marchal, son compagnon.

« La date du procès a été fixée pour le 13 Esfand (du calendrier iranien, soit le 3 mars) à 09h00 », a dit Me Saïd Dehqan, joint au téléphone par l’AFP.

Le procès doit avoir lieu devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran.

Affirmant avoir « vu leur acte d’accusation » lundi au greffe de ce tribunal, Me Dehqan a nié que les deux chercheurs aient été jugés et condamnés comme l’avait affirmé plus tôt mardi le porte-parole de l’Autorité judiciaire, Gholamhossein Esmaïli.

Mme Adelkhah et M. Marchal « ont été jugés en présence de leur avocat, condamnés, et purgent actuellement leur peine », a dit M. Esmaïli lors de sa conférence de presse hebdomadaire télévisée sans fournir la moindre explication supplémentaire sur le verdict supposé avoir été prononcé à l’encontre des deux Français.

Au contraire, a déclaré M. Dehqan, « nous sommes en train de préparer notre défense » en vue du procès.

Dans son compte-rendu de la conférence de presse de M. Esmaïli, Mizan Online, l’agence officielle de l’Autorité judiciaire, ne mentionne pas les propos du porte-parole sur la condamnation des deux chercheurs du Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris.

– Refus des « ingérences » –

Citant le porte-parole, Mizan écrit que « l’acte d’accusation (contre Mme Adelkhah et M. Marchal) a été émis », que « les suspects sont en prison et (que) leur procès aura lieu le (3 mars) en présence de leur avocat ».

Mme Adelkhah est une anthropologue renommée, spécialiste du chiisme. M. Marchal est lui spécialiste de la Corne de l’Afrique.

Paris ne cesse de réclamer leur libération, mais face à ces demandes répétées, Téhéran dénonce régulièrement ce qu’il présente comme une ingérence dans ses affaires intérieures.

L’Iran ne reconnaît pas la double nationalité. Les arrestations d’étrangers en Iran, notamment binationaux, accusés souvent d’espionnage, se sont multipliées depuis le retrait unilatéral en 2018 des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien et le rétablissement de dures sanctions américaines contre Téhéran.

M. Esmaïli a encore répété mardi que l’Iran n’acceptait pas les ingérences étrangères dans ses affaires judiciaires internes. « Nous nous souvenons que c’est la France qui a protégé l’un des plus grands suspects de crimes liés à la sûreté de l’Etat dans notre pays, Rouhollah Zam, jugé » à huis clos en Iran, a-t-il ajouté.

M. Zam est un opposant iranien qui était exilé en France.

En octobre dernier, les Gardiens de la Révolution, armée idéologique de la République islamique, ont annoncé l’avoir arrêté en Irak après l’avoir attiré dans un piège.

– Echange de prisonniers –

Selon Me Dehqan, Mme Adelkhah a mis fin le 12 février à la grève de la faim qu’elle observait depuis le 24 décembre pour protester contre son incarcération.

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a qualifié début février d' »insupportables » les détentions de Fariba Adelkhah et Roland Marchal.

Le comité de soutien des deux chercheurs estime que les charges retenues contre eux sont fabriquées de toutes pièces et ne cesse de réclamer leur libération immédiate.

Selon Jean-François Bayart, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et membre de ce comité, l’Iran détient « dix à quinze » ressortissants étrangers, souvent binationaux, comme l’universitaire australienne Kylie Moore-Gilbert et l’Irano-Britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe, employée de la Fondation Thomson Reuters.

Par ailleurs, M. Esmaïli a annoncé mardi que Téhéran avait libéré la veille un Allemand détenu en Iran et purgeant une peine de prison de 3 ans dans le cadre d’un échange de prisonniers avec Berlin, après l’élargissement et le retour en Iran d’un Iranien détenu en Allemagne où il était menacé d’extradition vers les Etats-Unis.

L’ENA, n’a, par son statut, pas d’équivalent en Europe et dans le monde: bref tour d’horizon

L’ENA, qu’Emmanuel Macron veut « réformer », forme les élites de la République et leur fournit un « statut », sans équivalent en Europe et dans le monde, hérité de l’histoire des grands corps de l’État, comme l’ensemble des grandes écoles (ENS, Polytechnique…).

Contrairement aux énarques, la très grande majorité des hauts fonctionnaires européens doivent suivre un long cursus hiérarchique, leur interdisant une rapide carrière au sommet.

« Dans la plupart des pays européens, les fonctionnaires, même +hauts+, sont des cols blancs qui ne jouissent d’aucun prestige social particulier (…). En France être énarque c’est posséder un statut qui garantit dès l’entrée l’appartenance à la haute fonction publique », explique à l’AFP Jean-Michel Eymeri-Douzans, professeur des universités et président du groupe européen de l’administration publique.

Les énarques « ont vocation à des carrières sommitales quasi-immédiates: conseil d’État ou inspection des finances à 28 ou 30 ans, ministre à 35 et… président de la République à 39 », ajoute ce spécialiste, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.

L’ENA, tout comme ses répliques africaines héritées du passé colonial de la France (Tunisie, Tchad, Sénégal…), dont le concours d’entrée s’est démocratisé et qui compte des élèves boursiers, recrute essentiellement dans les classes sociales privilégiées.

Bref tour d’horizon, s’appuyant sur des données de l’Institut Montaigne, de l’université de Bourgogne, de l’Institut européen d’administration publique de Maastricht (IEAP), des travaux de M. Eymeri-Douzans, ainsi que d’un rapport du Sénat daté de 2001:

– Allemagne:

Dans ce pays fédéral, il n’existe pas de système de classes préparatoires ni de grande école centrale. La haute fonction publique (höherer Dienst) est surtout formée dans les universités: Berlin, Munich, Bonn, Cologne, Freiberg, Göttingen où les étudiants obtiennent un diplôme et, de préférence, un doctorat après avoir réussi un ou deux « Staatsexam » (examen d’État). Chaque ministère organise ses concours d’entrée, très sélectifs.

Les carrières sont lentes: on commence dans un bureau de l’administration d’un Land et on devient chef de bureau dans les très gros ministères après 40 ans. Les directeurs de ministères allemands ont plus de 55 ans.

Il existe néanmoins une formation parallèle dans des établissements spécialisés: la « Bundesakademie » (ou BAkÖV) à Brühl, qui forme les fonctionnaires fédéraux, la « Führungsakademie » de Stuttgart, pour les Länder et les fonctions de direction, et les hautes écoles spécialisées dans une quinzaine de Länder. Depuis les années 2000, la Hertie School of Governance, inspirée des écoles politiques publiques américaines, sorte de « Sciences Po » allemand, forme de plus en plus de futurs hauts fonctionnaires.

– Royaume Uni:

Les représentants du « Senior Civil Service » sont très majoritairement formés à Oxford et Cambridge, après une éducation déjà très sélective dans des écoles privées de renom, ces universités n’accueillant qu’à peine 7% des étudiants britanniques. Si la diversité sociale des recrutements s’accroît, 65% de tous ceux en poste sont encore diplômés d' »Oxbridge » et issus de la haute ou très haute bourgeoisie. Certains sont également formés à la London school of economy and political science (LSE) qui est l’équivalent de Sciences Politiques Paris, et a été créée sur son modèle.

– Espagne:

Il n’existe pas de concours d’entrée à l’Instituo Nacional de Administracion Publica (INAP), situé à Madrid, chargé de la formation initiale et continue des fonctionnaires et qui organise les concours pour intégrer les administrations. Etudiants en droit, en relations internationales, économie ou ingénierie se préparent à ces concours spécialisés très sélectifs, souvent à l’issue d’une formation de plusieurs années.

– L’Italie:

A l’instar de l’ENA, la Scuola Nazionale dell’Amministrazione – SNA IT, qui a remplacé en 2013 la Scuola Superiore della Pubblica Amministrazione, fondée en 1957 – remplit les fonctions de sélection et de formation des hauts fonctionnaires de l’administration via un concours central. Calquée sur le modèle français, sous l’autorité de la présidence du Conseil des ministres, elle recrute des cadres italiens, européens et étrangers et est partiellement délocalisée, entre Rome, Caserte (Campanie), Bologne et Acireale en Sicile.

– Suède

Après une formation universitaire, les étudiants effectuent des stages dans les très grosses agences publiques et les tout petits ministères. La formation se fait donc sur le tas et les hauts fonctionnaires travaillent tout de suite au contact des ministres.

– États-Unis:

Il n’existe pas d’école centralisée mais une fabrique à élites administratives, la Kennedy School of Government (HKS), au sein de l’université de Harvard, fondée en 1936 et qui forme surtout les dirigeants étrangers. Même s’il existe de très nombreuses écoles d’administration publique et que les hauts fonctionnaires proviennent d’horizons très variés, la très haute fonction publique (« schools of government », équivalents de Sciences Politiques dans le monde anglophone) reste assez homogène: le passage par des écoles privées puis les grandes universités de l’Ivy League – les huit meilleures universités – est pratiquement obligé. Harvard et Yale ont notamment formé les quatre derniers présidents: Barack Obama, George Bush père et fils, Bill Clinton.

Les Etats-Unis combinent aussi le spoil system (un nouveau gouvernement substitue les fonctionnaires en place par des fonctionnaires au nombre de ses partisans) pour l’accès aux emplois très supérieurs avec une forme de système de carrière à la française ou à l’allemande pour les emplois de direction intermédiaire.

– Corée du Sud:

C’est le National Human Resources Development Institute (NHI), basé à Jincheon, au sud de Séoul, qui forme les hauts fonctionnaires. Les plus hautes fonctions s’adressent à une soixantaine de directeurs généraux d’agences gouvernementales centrales et provinciales et aux cadres supérieurs des institutions publiques.

Présidentielle au Togo: à Sokodé la rebelle, le calme retrouvé au prix d’une lourde répression

Quelque chose d’irréel flottait dans l’air à Sokodé, l’indomptable ville rebelle du centre-nord du Togo, lorsque le président Faure Gnassingbé, en campagne pour un quatrième mandat samedi prochain, y a été acclamé par une foule en transe.

« Comment ne pas être surpris en étant accueilli comme vous l’avez fait aujourd’hui? », a réagi le chef de l’Etat devant la foule la semaine dernière. Ces dernières années, sur ces terres récemment acquises à l’opposition, sa démission avait été réclamée à cor et à cri lors d’autres rassemblements.

En effet, la deuxième ville du Togo a été, dès le mois d’août 2017, le bastion de la contestation politique qui a ensuite gagné tout le pays, après un demi-siècle de la même famille au pouvoir.

Des jeunes avaient érigé des barricades le long de la route nationale qui traverse la ville, mis le feu aux postes de police et attaqué les forces de sécurité.

Mais le nouveau maire de Sokodé, Ouro Gbele Tchanile, est catégorique: « La paix est revenue » et « la crise fait partie du passé ».

Pour le meeting du parti au pouvoir, Unir (Union pour la République), les habitants sont venus par milliers, pour écouter leur président exprimer ses regrets sur le sang versé depuis les premières manifestations populaires d’août 2017 – une vingtaine de morts au total dont au moins dix à Sokodé.

Qu’importe que les supporters aient été fortement encouragés à participer à cette liesse populaire à coups de billets de 2.000 CFA (trois euros), que des bus aient été affrétés des villages environnants avec la promesse d’un repas, que les écoles aient été libérées et que, selon des lycéens interrogés par l’AFP, les professeurs aient pris soin de marquer leur présence dans les rangs.

Un certain enthousiasme populaire était là, et beaucoup se sont dits « touchés » par la minute de silence en mémoire des victimes des manifestations.

« A chaque fois que nous nous opposons avec violence (…) c’est toujours le Togo qui perd », a rappelé le président, au pouvoir depuis 2005, après avoir succédé à son père, Gnassingbé Eyadéma.

– Couvre-feu –

Il y a quelques années, c’était un autre leader qui haranguait les foules à Sokodé, appelant au soulèvement populaire. Mais Tikpi Atchadam, le leader du Parti national panafricain (PNP), fils du pays, a été accusé d’avoir enflammé la jeunesse Tem majoritairement musulmane et se cache désormais au Ghana, selon ses proches.

Il envoie encore quelques messages audio sur Whatsapp dans l’espoir de continuer la lutte, mais son parti est désormais divisé et, explique l’un de ses anciens collaborateurs à l’AFP: « Depuis qu’il est en exil, il faut être honnête, la mayonnaise ne prend plus. »

Car s’il est vrai que Sokodé a renoué avec le calme, cela a été fait au prix d’une répression féroce, et les stigmates et la peur sont encore très présents parmi la population.

L’armée togolaise quadrille toujours la ville et des véhicules remplis de soldats cagoulés et équipés d’armes automatiques sillonnent les rues en continu.

Le couvre-feu imposé à la nuit tombée n’a jamais été levé, les habitants dénoncent des fouilles dans les maisons et des « bastonnades ».

Le quartier Kpalo-Kpalo, l’un des points chauds de la ville où le PNP tenait ses réunions, est bouclé par les soldats et le parti d’opposition, malgré son existence légale, n’a pas de siège. Ses membres doivent se réunir clandestinement.

– ‘On vit cachés’ –

« On vit cachés, on ne peut même plus s’exprimer en tant que leader du PNP », explique à l’AFP un cadre local du mouvement sous couvert de l’anonymat.

« Je suis l’un des rares à pouvoir vous répondre hors de prison, la plupart de mes collaborateurs ont été arrêtés », ajoute-t-il.

Depuis novembre 2019, une cinquantaine de personnes, accusées de préparer une insurrection armée, ont été arrêtées à Lomé et Sokodé, mais aussi au Bénin et au Ghana voisins.

Elles appartiendraient au mystérieux groupe de la « Tiger Revolution », une branche soi-disant radicalisée du PNP, qui rassemblerait les déçus de l’immobilisme d’Atchadam. Le PNP dénonce une machination destinée à « décapiter le parti ».

Exhibés à la télévision nationale avec des amulettes mystiques, des machettes et des kalachnikovs, les accusés ont déclaré devant les caméras avoir projeté de déstabiliser le pays.

« Le calme est revenu, mais c’est un calme précaire. Nous nous sentons stigmatisés en tant que musulmans et Tem, et les tensions peuvent éclater à tout moment », reconnaît un jeune partisan du PNP. « Il y a encore beaucoup de paranoïa et de méfiance entre les jeunes et les forces de l’ordre ».

« Qui veut la paix prépare la guerre », répète le maire dans son bureau à la peinture jaune écaillée, pour justifier la forte présence militaire. « Le tourisme s’est arrêté, le commerce a beaucoup souffert, le développement n’est pas possible sans sécurité ».

Les affiches de campagne d’Unir martèlent qu’il faut « croire en notre futur », et le président-candidat a promis la création de 500.000 emplois directs d’ici à 2022 pour apaiser les frustrations d’une jeunesse frappée par un chômage massif et une grande pauvreté.

En attendant, l’Eglise catholique, avec le soutien notamment de l’ONG Catholic Relief Services (CRS) tente de son côté d’impulser un dialogue réunissant les leaders politiques, religieux et les membres de la société civile.

« Nous essayons d’insister sur le ‘vivre ensemble’ dans nos prêches, dans nos homélies », explique l’évêque de Sokodé, Mgr Célestin-Marie Gaoua. « Les élections c’est l’affaire des politiciens, nous, nous essayons de construire un climat de paix, avant et après ».

Dans un hôpital de Shanghai, cocktail de traitements contre le coronavirus

Médecine traditionnelle, injection de plasma ou encore corticoïdes: dans le principal hôpital de Shanghai qui accueille les malades contaminés par le nouveau coronavirus, un cocktail de traitements est proposé aux malades.

La perspective d’un vaccin contre la pneumonie Covid-19 est encore lointaine. Les médecins, en Chine comme ailleurs, sont contraints d’utiliser d’autres méthodes dans l’espoir de guérir les patients.

C’est le cas au Centre clinique de santé publique de Shanghai — ville la plus peuplée de Chine (24 millions d’habitants). La structure jaune, construite lors de l’épidémie du Sras (2002-2003), a été agrandie ces dernières semaines pour faire face à l’afflux de malades.

Mais ses médecins le reconnaissent : le coronavirus, qui a déjà contaminé plus de 72.000 personnes en Chine, dont près de 1.900 mortellement, pousse le système de santé dans ses retranchements.

« Accueillir autant de cas graves en même temps est un grand défi », déclare à travers son masque facial Lu Hongzhou, le directeur adjoint de l’hôpital, lors d’une visite organisée par les autorités pour la presse.

– ‘Très bon effet’ –

Jusqu’à présent, Shanghai a recensé 333 personnes contaminées, dont un mort. Le Centre clinique de santé publique a accueilli 96% d’entre elles, et compte actuellement 184 patients, les autres étant guéries.

Pour les soigner, l’hôpital utilise notamment des médicaments antiviraux, des corticoïdes (anti-inflammatoires), et fait appel à la médecine traditionnelle chinoise.

« Nous avons des traitements personnalisés pour les patients gravement atteints, car l’état de santé de chacun est différent », souligne Lu Hongzhou.

Selon lui, deux malades qui n’avaient pas réagi aux antiviraux se sont vus administrer un traitement de médecine traditionnelle chinoise (MTC), après quoi leur état s’est amélioré.

« Combiner médecine occidentale et chinoise a un très bon effet », se félicite-t-il, soulignant que 90% de ses patients sont traités en partie grâce à la MTC.

Son collègue Shen Yinzhong, directeur des services médicaux, souligne toutefois que l’hôpital doit réaliser « davantage de tests cliniques pour s’assurer de son innocuité et de son efficacité ».

– Plasma –

Comme d’autres hôpitaux, celui de Shanghai injecte également aux patients du plasma sanguin prélevé sur d’ex-malades. Il est censé contenir des anticorps permettant de diminuer la charge virale de ceux gravement atteints.

« Nous sommes convaincus que cette méthode peut être très efficace », indique Lu Hongzhou dans les couloirs de son établissement, où des spécialistes d’autres structures hospitalières ont rejoint l’équipe soignante, qui ne peut plus prendre de congés.

Les médecins et infirmières qui s’occupent des malades portent des combinaisons intégrales. Mais les journalistes n’ont pas été autorisés à voir les patients, l’hôpital évoquant un risque sanitaire.

Pour protéger le personnel, des dizaines de chambres ont été mises en « pression négative », un système de ventilation permettant à l’air de pénétrer mais pas d’en sortir.

« Les gouttelettes nocives exhalées par les patients sont aspirées et filtrées », explique M. Lu. Le but: empêcher toute fuite d’agents infectieux.

Syrie: bombardements incessants du régime, exode massif

Deux mois après la reprise de son offensive pour reprendre la région d’Idleb en Syrie, le régime de Bachar al-Assad bombarde sans cesse ce dernier grand bastion des jihadistes et des rebelles poussant à la fuite près d’un million de personnes.

La Haut-commissaire de l’ONU Michèle Bachelet, s’est dite « horrifiée » par ces violences dans le nord-ouest du pays en guerre et a réclamé des « couloirs humanitaires » pour faciliter le « passage des civils en toute sécurité ».

Avec les combats et les frappes menées quotidiennement par le régime Assad et son allié russe, environ 900.000 personnes ont été déplacées dans la grande région d’Idleb et ses environs depuis le 1er décembre, en vaste majorité des femmes et des enfants, a affirmé l’ONU lundi, réitérant un appel pour un cessez-le-feu.

Cette vague d’exode en seulement un peu plus de deux mois est sans précédent depuis le début du conflit dévastateur en Syrie qui a jeté à la rue des millions de personnes et fait plus de 380.000 morts depuis 2011.

Les personnes déplacées « sont traumatisées et forcées de dormir dehors par des températures glaciales car les camps (de déplacés) sont pleins », a déploré le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock, dans un communiqué.

« Les mères brûlent du plastique afin de réchauffer les enfants. Des bébés et de jeunes enfants meurent à cause du froid », s’est-t-il insurgé.

Quotidiennement dans la province d’Idleb et ses environs, ce sont les mêmes scènes d’exil dont sont témoins les correspondants de l’AFP. Les routes sont envahies par des camions et des voitures bourrés d’affaires empilées à la hâte par des civils cherchant à trouver refuge dans des secteurs jugés plus sûrs, près de la frontière turque.

Exposées à la neige, à la pluie et à des températures hivernales extrêmes, les familles les plus chanceuses trouvent une place dans les camps de déplacés informels où s’entassent déjà des dizaines de milliers de personnes.

Les autres passent la nuit dans leur voiture, ou montent une tente sommaire au milieu des champs.

– Ecoles et hôpitaux bombardés –

« La violence dans le nord-ouest de la Syrie est aveugle », a dit M. Lowcock. « Des établissements de santé, des écoles, des zones résidentielles des mosquées et des marchés ont été frappés ».

Mais le régime ne semble pas prêt à arrêter son offensive malgré les appels à un cessez-le-feu et après que ses forces, aidées par la Russie, l’Iran et le Hezbollah libanais, ont repris plus de 70% du territoire.

Lundi, M. Assad a averti qu’il comptait poursuivre l’assaut. « La bataille pour la libération des provinces d’Alep et d’Idleb se poursuit. »

Ce sont les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda) qui dominent plus de la moitié de la province d’Idleb et des secteurs attenants dans celles d’Alep, de Hama et de Lattaquié. Ces territoires accueillent aussi d’autres groupuscules jihadistes, mais aussi des factions rebelles.

Plus de 380 civils ont péri depuis mi-décembre dans les violences, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Les forces gouvernementales concentrent actuellement leurs opérations dans l’ouest de la province d’Alep, a indiqué l’OSDH en faisant état de raids aériens russes mardi dans l’ouest d’Alep et dans secteurs d’Idleb.

Les prorégime tentent de progresser « en direction de la montagne Cheikh Barakat », qui domine de vastes régions dans l’ouest d’Alep et le nord d’Idleb, près de la frontière turque, d’après le directeur de l’Observatoire, Rami Abdel Rahmane.

– Craintes pour les déplacés –

Si le régime reprend Cheikh Barakat, ces régions « pourraient se retrouver à portée de l’artillerie du régime », selon M. Abdel Rahmane. Or c’est là que se trouvent « des camps de déplacés qui accueillent des dizaines de milliers de personnes ».

Dimanche les forces du régime ont conquis toutes les localités aux abords de la métropole d’Alep, sécurisant la ville du pays en éloignant jihadistes et rebelles qui tiraient des roquettes et obus meurtriers.

« Nous sommes pleinement conscients que cette libération ne signifie pas la fin de la guerre », a martelé lundi M. Assad. « Mais cette libération signifie certainement qu’on leur a fait mordre la poussière en prélude à la défaite totale, tôt ou tard ».

Pour des experts, jihadistes et rebelles pourraient préserver une partie de la province d’Idleb.

La guerre en Syrie a été déclenchée par la répression de manifestations prodémocratie pacifiques, mais elle s’est ensuite complexifiée avec l’intervention d’acteurs régionaux et internationaux, outre les groupes jihadistes.

Un couple de danseuses rafraîchit l’étiquette du bal viennois

Le Bal de l’Opera, ce sera robe longue pour Iris et frac noir pour Sophie, premier couple de même sexe choisi pour ouvrir le prestigieux rendez-vous viennois, où le plaisir de valser l’emporte sur « ce qu’il y a dans le pantalon ».

Jeudi soir, devant quelque 5.000 spectateurs aux balcons de l’institution lyrique, et plus de deux millions devant leur télévision, ce qui avait commencé comme un pari deviendra réalité: les deux amies seront alignées parmi les couples triés sur le volet pour l’événement dansant de l’année.

« C’est le bal des bals (…) et nous nous sommes dit +imaginons qu’on envoie une candidature+ », raconte Iris Klopfer, arrivée à Vienne avec sa partenaire, Sophie Grau, pour les répétitions précédant le grand soir.

Originaires d’Allemagne, les étudiantes de 22 et 21 ans sont complices depuis leurs années lycée mais ne sont en couple que sur les parquets de danse et pas dans la vie.

Amatrice de bals, Iris a entraîné son amie dans la sélection drastique à laquelle sont soumis les aspirants débutants et débutantes, ces passionnés de valses, de polonaises, de quadrilles qui ouvrent, dans une chorégraphie parfaitement réglée, les nombreux bals qui se tiennent à Vienne chaque hiver.

« Ce que nous voulions au départ, c’est juste danser ici, rien de plus », explique Sophie Grau, cheveux courts et lunettes à monture sombre. Mais les deux élues souhaitent dire aussi « que ce que tu as dans le pantalon importe peu, pas plus que le corps dans lequel tu es né ».

– Guideur et guidé –

Les organisateurs du bal assurent n’avoir accordé aucun passe-droit aux jeunes femmes, ni modifié les critères de sélection qui incluent une parfaite maîtrise de la valse à gauche, dite « valse viennoise », avec son redoutable croisé de jambe.

Au grand soulagement de Maria Grossbauer, ordonnatrice de la soirée, Iris et Sophie « ont elles-mêmes souhaité qu’une des dames porte un frac noir et que l’autre dame porte une robe blanche », code vestimentaire indispensable à l’harmonie visuelle de la chorégraphie exécutée par les 144 couples.

Pour le reste, Mme Grossbauer dit « se réjouir » d’une brise de modernité, somme toute évidente à ses yeux : « Nous sommes en 2020. Elles sont les bienvenues, comme tous les couples le sont ».

Une évolution « totalement normale » aussi pour le directeur de l’Opéra Dominique Meyer, qui voit dans le couple de danseuses « un message clair contre l’homophobie ».

Radieuses lors de la répétition à laquelle l’AFP a assisté, parfaitement à l’aise parmi les autres débutants et débutantes venus de 11 pays, le duo questionne aussi les rapports traditionnellement établis entre partenaires dans les danses de salon.

« Je sais guider, elle sait guider », observe Iris Klopfer.

« Tout le monde peut apprendre à guider et toute le monde peut apprendre à se laisser guider », observe Sophie Grauer. « L’important, c’est le plaisir qu’on éprouve à danser ensemble ».

« Reine de la nuit », c’est le thème choisi pour le Bal de l’Opéra 2020. Inspiré de « La flûte enchantée » de Mozart, il va comme un gant aux deux têtes d’affiche de l’édition. Plus de 450 bals se tiennent à Vienne chaque hiver, déclinaison locale des festivités de carnaval, dont la tradition remonte au 19ème siècle.

Coronavirus: à travers la planète, les quartiers chinois touchés par la panique

De San Francisco à Melbourne, les quartiers chinois des grandes mégapoles sont étrangement paisibles, désertés par des visiteurs qui ont cédé à la panique depuis l’apparition du nouveau coronavirus en Chine.

« L’alarmisme est omniprésent », se lamente Max Huang, propriétaire du restaurant Juicy Bao, dans le quartier chinois historique de Melbourne.

Son établissement fait partie des dizaines de restaurants que compte le plus vieux « Chinatown » d’Australie qui a vu le jour lors de la ruée vers l’or dans les années 1850.

Même si l’épicentre de l’épidémie du Covid-19 se situe à plus de dix heures d’avion et que l’Australie ne connaît qu’une poignée de cas, la communauté chinoise est stigmatisée, comme un peu partout dans le monde, depuis l’apparition en Chine de ce virus qui a fait près de 1.900 morts.

A Melbourne, les rues sont donc étonnamment paisibles et même la danse du dragon du Nouvel An lunaire n’a pas réussi à attirer les foules.

Les commerçants affirment que leurs revenus ont chuté de plus de la moitié, les obligeant à réduire considérablement les heures de travail de leur personnel… une situation que l’on retrouve à travers tous les quartiers chinois de la planète.

Dans le quartier de Richmond à Vancouver, il est désormais aisé d’obtenir une table au restaurant de l’Empire des fruits de mer.

– Aucun touriste chinois –

« Normalement, nous aurions de longues files d’attente d’environ cinq à dix tables mais aujourd’hui, il n’y a aucune queue », fait remarquer le directeur général adjoint Ivan Yeung.

« Certaines personnes ont déjà annulé leurs fêtes ou repas de groupes. Beaucoup de restaurants connaissent la même situation », se désole-t-il, tout en souhaitant un rapide retour à la normale.

Dans plusieurs pays, l’interdiction d’entrée pour les personnes en provenance de la Chine a durement frappé certains quartiers.

« D’habitude, à cette heure-ci, nous avons des touristes chinois mais là, nous n’en avons aucun », remarque Tony Siu, directeur du populaire restaurant cantonnais R&G Lounge à San Francisco.

En Australie, cette interdiction du territoire a été aggravée par le fait que près de 100.000 étudiants chinois n’ont pas pu rentrer à temps pour commencer leur année universitaire.

« Nos principaux clients viennent de Chine… (c’est pourquoi) c’est très difficile », explique Su Yin, dont le stand de crêpes se situe au pied d’une université de Melbourne qui compte de nombreux étudiants chinois.

Dans l’espoir de rassurer de potentiels clients, certains commerçants ont apposé des affiches stipulant que leurs locaux locaux sont régulièrement désinfectés à titre préventif.

– « Peur des Chinois » –

Certains sont même allés jusqu’à fournir de la solution hydroalcoolique pour les clients et à demander à leur personnel de porter des masques et des gants en caoutchouc.

Mais ces mesures ne remportent pas un grand succès face à la xénophobie qui contribue à aggraver la situation.

Rebecca Lyu, une Chinoise étudiant à Londres, explique avoir eu le plus grand mal à convaincre ses amis de venir dîner ou faire du shopping en sa compagnie.

« Certains de mes amis ont refusé aller manger dans des restaurants de Chinatown parce qu’ils ont peur du virus », déplore-t-elle.

A San Francisco, le magasin de souvenirs de Fred Lo est habituellement très fréquenté par les touristes européens et sud américains mais « depuis deux semaines, il y a beaucoup moins de monde, au moins 50% de moins, même si personne n’est malade ou n’a été en Chine », constate-t-il.

M. Lo estime que les temps sont encore plus durs qu’à ses débuts en 1975.

« Ce n’est pas juste qu’autant de personnes aient peur des Chinois », souligne-t-il.

Ce commerçant, également président de la Chambre de commerce chinoise de Melbourne, regrette que le message qu’il martèle « nous allons bien, n’ayez pas peur » ne soit pas entendu.

A Londres, David Tang a bien remarqué que les personnes l’évitent depuis quelques semaines mais il essaie d’en prendre son parti.

« Je prends le train tous les matins. Un jour, la semaine dernière, tout le monde était debout et il y avait un siège vide à côté de moi » raconte-t-il, alors « j’en ai ri ».

A « mini-Kaboul », 40 ans de vie au Pakistan pour des réfugiés afghans

A « mini-Kaboul », un marché de Peshawar, la capitale du Nord-Ouest pakistanais, tout rappelle l’Afghanistan. Les vendeurs en sont tous originaires, à l’instar des millions de réfugiés afghans vivant au Pakistan, certains depuis maintenant quatre décennies.

Des enfants afghans poussent des chariots de fruits. Le dari, l’une des principales langues afghanes, inusitée au Pakistan, est omniprésent. Le « kabuli palao », plat national afghan, un riz assaisonné garni de viande, est roi.

« Nous avons passé une vie entière ici », observe Niaz Mohammed, un travailleur journalier de 50 ans originaire du Nangarhar, province de l’Est afghan frontalière avec le Pakistan.

Lui affirme avoir fui son pays dans les années 1980, alors que l’Afghanistan s’embrasait après l’invasion soviétique de Noël 1979. Quarante ans et des dizaines de milliers de morts plus tard, la violence ne s’est toujours pas atténuée.

« Nous avons eu des mariages ici, nos enfants sont nés ici. (…) Nous travaillons ici, alors qu’il n’y a pas de paix en Afghanistan, poursuit Niaz Mohammed. Nous sommes heureux ici. »

Lundi, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, en visite pour trois jours au Pakistan, à salué « l’énorme générosité » des Pakistanais, qui « n’ont pas seulement ouvert leurs frontières », mais aussi « leurs maisons et leurs cœurs » aux Afghans.

Car le Pakistan est l’un des plus grands pays d’accueil au monde, avec 2,7 millions de réfugiés afghans, enregistrés ou sans papiers, selon Islamabad.

Beaucoup vivent dans des camps, tandis que d’autres se sont construit une nouvelle vie, davantage insérés dans l’économie pakistanaise.

– Suspicion –

A « mini-Kaboul », les 5.000 échoppes sont tenues par des Afghans. Mais leur statut a toujours été temporaire. Les autorités fixent régulièrement des dates limites pour leur départ du Pakistan, qu’elles repoussent à mesure que le conflit s’aggrave en Afghanistan.

De nombreux Pakistanais considèrent ces réfugiés avec suspicion, les soupçonnant d’encourager l’extrémisme et la criminalité, et demandent qu’ils soient renvoyés chez eux.

Lundi, le deuxième vice-président afghan Sarwar Danish a également accusé des groupes insurgés de se servir de camps de réfugiés au Pakistan comme de « camps d’entraînement » pour combattants actifs en Afghanistan, ce que nie Islamabad.

« Il n’y a pas de sanctuaire (pour extrémistes, NDLR) ici », lui a répondu le Premier ministre pakistanais Imran Khan.

Au quotidien, les Afghans du Pakistan vivent en citoyens de seconde classe. Même ceux qui ont passé des décennies dans le pays ne peuvent posséder de terres ou une voiture. Très récemment, ils ont obtenu le droit d’ouvrir un compte bancaire.

Peu après son arrivée au pouvoir mi-2018, Imran Khan avait indiqué vouloir leur accorder la citoyenneté pakistanaise. Mais l’indignation avait été si forte que la mesure est depuis lors enterrée.

Nombre de réfugiés interrogés par l’AFP à Peshawar affirment malgré tout bien se sentir dans leur pays d’adoption.

Javed Khan, 28 ans, est né au Pakistan. Il s’est marié à une Pakistanaise, avec qui il a eu trois enfants. « Je ne partirai que si le Pakistan m’y force », assure-t-il.

La situation pourrait évoluer, alors que Donald Trump a récemment assuré qu’un accord était « très proche » entre Etats-Unis et talibans, permettant aux troupes américaines de se retirer d’Afghanistan en échange de garanties sécuritaires des insurgés.

Ceux-ci,dans un second temps, doivent discuter avec le gouvernement de Kaboul, dont ils n’ont jamais reconnu la légitimité.

– « Je ne veux pas revenir » –

Les deux parties n’en ont qu’après « leur propre intérêt », commente Mohammed Feroz, dubitatif quant à l’impact qu’un tel accord aurait sur sa vie. « Personne ne se soucie de nous. Pour nous, Dieu est le seul espoir », poursuit ce propriétaire d’un négoce d’habits dans « mini-Kaboul », arrivé à il y a 40 ans au Pakistan.

Même si la paix arrivait finalement, la plupart des réfugiés disent vouloir rester au Pakistan, car les opportunités économiques y sont meilleures.

Dans le camp de Khurasan, à la sortie de Peshawar, environ 5.000 Afghans vivent dans le dénuement.

Yaseen Ullah, 26 ans, sa mère et ses huit frères et sœurs, y partagent une petite maison en pisé de deux pièces sans eau courante. Malgré la dureté de leur vie, ils ne souhaitent pas non plus rentrer en Afghanistan.

Là-bas, « je n’ai pas de travail. Qu’est-ce que j’y ferai? », questionne ce chiffonnier de 26 ans.

Niaz Mohammed, père de sept enfants, tous nés dans un camp de réfugiés et qui parlent la langue pachtoune avec un accent pakistanais, est au diapason car il doit selon lui « nourrir (sa) famille ».

« Je le dis du fond du cœur, je préfère rester ici, confesse-t-il. Je ne veux pas revenir ».

En Algérie, les réseaux sociaux, garants de la mémoire d’une contestation inédite

Caisse de résonance du « Hirak », les réseaux sociaux ont façonné et accompagné ce mouvement de contestation antirégime inédit en Algérie, face à un discours officiel faisant fi de l’ampleur de la mobilisation populaire.

« Les réseaux sociaux ont permis de suivre le Hirak en continu et en temps réel, à différents endroits simultanément », explique à l’AFP Zahra Rahmouni, journaliste indépendante en Algérie.

« Ils ont montré la répression policière, brisé les préjugés et contrecarré un discours » qui voulait minorer ce mouvement de protestation non-violent déclenché le 22 février 2019, souligne la journaliste trentenaire.

Depuis un an, Zahra Rahmouni informe en direct ses abonnés sur Facebook, Instagram et Twitter, tout en se documentant elle-même sur ces plateformes.

Lieux d’expression du mécontentement commun, les réseaux sociaux ont été les chambres d’écho d’appels à manifester, les laboratoires des slogans de chaque marche hebdomadaire et les garants du caractère pacifique du « Hirak ».

Dans ce pays de 42 millions d’habitants, 23 millions sont des utilisateurs actifs des médias sociaux, selon le rapport 2019 de la plateforme de gestion des réseaux sociaux Hootsuite et de l’agence digitale We Are Social.

– Black-out médiatique –

« Qu’ils dégagent tous! » « Algérie libre et démocratique! » « Je suis un membre du Hirak! » « Tu n’es pas mon Président! », adressé au chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune, successeur d’Abdelaziz Bouteflika élu en décembre lors d’un scrutin massivement boycotté par la population. Autant de mots-dièse devenus des cris de ralliement de la contestation, lancés à la fois dans la rue et sur la toile.

A l’instar de ce qui se passe sur le terrain, la mobilisation virtuelle est disparate et dispersée, sans leadership, mais elle est opiniâtre, visible sur l’ensemble du territoire et réunit les générations.

Si « les réseaux sociaux ont permis à des Algériens d’exprimer une forme d’engagement politique interdite dans l’espace public, ils ont surtout été une alternative au déficit (d’informations) laissé par de nombreux médias », explique à l’AFP le politologue algérien Chérif Dris.

Face au black-out médiatique des chaînes privées -proches du pouvoir- et de la télévision publique, qui a fait l’impasse quasiment toute l’année sur les manifestations, les réseaux sociaux sont devenus une des principales sources d’information.

En présentant la réalité du terrain dans différentes régions du pays, « ils ont participé à forger la légitimité du mouvement et à déconstruire le discours officiel », observe Chérif Dris.

Mais ils ont aussi nourri des débats enflammés au sein même du « Hirak », comme en témoigne la vive polémique qui a opposé l’écrivain franco-algérien Kamel Daoud, qui a décrété « l’échec provisoire » du mouvement, à des détracteurs le qualifiant de « traître ».

Sur Facebook et Twitter, les échanges ont fusé: les uns constructifs, les autres virulents.

– Mémoire collective –

Bien que polluées par une désinformation massive des pro et antirégime, les nouvelles partagées sur les réseaux, une fois passées au crible, sont porteuses d’une mémoire collective.

Soucieux de conserver une trace du flot d’informations généré par le « Hirak », un groupe de chercheurs a lancé dès février 2019 une collecte d’archives.

Photos, vidéos, tracts, communiqués et déclarations sont récupérés au fur et à mesure que se développe le mouvement, principalement sur les réseaux sociaux.

Pages Facebook d’organisations comme le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), pages anonymes ou groupes créés à la hâte pour faire vivre le débat, constituent une précieuse base de données.

« Au travers des photos de slogans collectées, nous pouvons observer l’évolution des revendications », constate Sarah Adjel, doctorante en histoire et cofondatrice du projet « Algérie: initiative d’archives collectives ».

« Le déliement de la parole qui s’exprime sur les réseaux sociaux est fascinant », affirme-t-elle.

La collecte d’archives est, selon Sarah Adjel, une garantie face à toute « tentative de falsification de l’histoire ».

A long terme, l’ambition est que les documents conservés soient accessibles aux Algériens.

Du côté des autorités, aux tentatives de perturber internet lors des premières marches du « Hirak » ont succédé des offensives de trolls prorégime sur Facebook et Twitter.

Plusieurs activistes ont par ailleurs payé le prix de leur liberté de ton sur les réseaux sociaux, en étant poursuivis à cause de publications Facebook, selon le CNLD.

Dans un communiqué, Human Rights Watch a dénoncé la mise en examen d’un jeune romancier, Anouar Rahmani, pour « insulte au président de la République » et « atteinte à la sûreté de l’Etat », après qu’il eut moqué M. Tebboune sur Facebook.