Le Niger traverse une période difficile sur le plan énergétique depuis la suspension de l’approvisionnement en électricité par le Nigeria, son principal fournisseur. La directrice générale de la NigELEC, la société nationale d’électricité, a récemment alerté sur le déficit des exercices 2023 et 2024, qui pourrait s’aggraver en l’absence de l’interconnexion au Nigeria. Mais est-ce vraiment une solution viable de dépendre du voisin nigérian, qui a rompu unilatéralement les accords de coopération régionale ?
Le potentiel solaire du Niger : une opportunité pour l’indépendance énergétique
Pour certains observateurs, il est temps que le Niger prenne son destin en main et se dote d’une indépendance énergétique totale, en exploitant ses propres ressources et en mobilisant ses citoyens. Le pays dispose en effet d’un potentiel solaire considérable, qui pourrait lui permettre de couvrir ses besoins en électricité et de réduire sa vulnérabilité aux aléas extérieurs.
La mise en service de la centrale solaire de Gorou Banda, d’une capacité de 20 MW, en est un exemple encourageant. Grâce à l’engagement des agents de la NigELEC, cette centrale a permis d’améliorer la disponibilité énergétique de la région du fleuve, qui souffrait de délestages fréquents.
L’Urgence Énergétique : une stratégie participative et responsable pour le Niger
Mais le gouvernement ne doit pas s’arrêter là. Les autorités gouvernementale doivent déclarer l’urgence énergétique et mettre en œuvre rapidement une stratégie efficace, impliquant les citoyens et responsabilisant tous les acteurs. Il s’agit de stimuler le financement participatif de l’énergie, d’inventer de nouveaux modes d’usages plus économes en énergie, d’entamer une réflexion sur les systèmes alternatifs de climatisation ou de construction, d’impulser le développement de micro-réseaux urbains par l’entreprenariat privé encadré, d’agir pour le reboisement des rues et des maisons, d’initier la multiplication d’ilots de fraîcheur dans les villes, d’adapter les horaires de travail, de favoriser le raccordement au réseau des systèmes photovoltaïques de faible puissance, entre autres.
La perte d’énergie solaire à Niamey : un gaspillage inacceptable
Il s’agit aussi de ne pas gaspiller l’énergie solaire disponible, qui est une richesse nationale. Lors d’un récent séjour à Niamey, un expert en énergie a constaté avec stupéfaction la perte journalière d’énergie de la ville, avec plusieurs centaines de lampadaires solaires hors service, probablement par défaut de batteries. Sur chaque petite portion comptabilisant des lampadaires en défaut cumulant une puissance de 1 kWc (une dizaine de lampadaires de 100 Wc), il est possible de produire une énergie annuelle d’environ 1 628 kWh/an, correspondant à la consommation moyenne annuelle d’électricité de 25 citoyens. De l’énergie solaire exploitable est donc perdue tous les jours dans un pays en déficit d’électricité. La mairie aurait pu exploiter par différentes voies cette énergie, en la réinjectant dans le réseau ou en la mettant à disposition des habitants pour des usages divers.
La souveraineté énergétique du Niger : un enjeu de sécurité et de stabilité
Mais au-delà de ces mesures, le Niger doit affirmer sa souveraineté énergétique et s’affranchir totalement de toute importation d’électricité, y compris dans les zones rurales, a fortiori la capitale Niamey qui doit être totalement indépendante de toute importation d’électricité à l’avenir. Déjà, en 2019, un analyste politique alertait sur cette nécessité, en ces termes : « Est-il crédible que la capitale du Niger ne soit pas indépendante énergétiquement ? » Cela pourrait être même une question de sécurité et de stabilité, au vu de l’émergence des groupes terroristes dans la région . Même dans le cadre de programmes régionaux de marché électrique, à l’exemple du WAPP, le Niger doit être en position exclusive d’exportateur et non de dépendant.
Le chemin vers l’autonomie énergétique est certes semé d’embuches et coûte cher souvent, mais la liberté et le respect n’ont pas de prix. Le Niger a les moyens de relever ce défi, mais il faut qu’il y ait le courage politique suffisant pour le faire.