Les présidents français Emmanuel Macron et nigérien Mahamadou Issoufou se sont voulus mobilisateurs dimanche à Niamey pour renforcer la lutte contre le jihadisme au Sahel, au cours d’une cérémonie d’hommage aux 71 militaires nigériens tués par des jihadistes en décembre
M. Macron bouclait par un détour au Niger une visite de 48 heures en Côte d’Ivoire où il a acté la fin du Franc CFA qui laissera la place en 2020 à l’Eco.
Il s’est incliné devant les tombes des soldats nigériens moins d’un mois après s’être recueilli devant les cercueils des 13 soldats français tués au cours d’un accident d’hélicoptères au Mali, en zone de combat. Le président français a ensuite à nouveau tenu un discours volontaire au risque de froisser encore ses alliés.
« Nous sommes à un tournant de cette guerre. Il nous faut (…) redéfinir plus clairement les objectifs » à l’occasion du sommet de Pau (sud-ouest de la France) le 13 janvier, a affirmé le président Macron.
« Il faut définir de manière beaucoup plus claire les objectifs militaires, politiques et de développement pour les 6, 12 et 18 prochains mois », a-t-il insisté.
« Je vois dans trop de pays prospérer sans condamnation politique claire des sentiments anti-français Je ne peux pas accepter d’envoyer nos soldats sur le terrain dans les pays où cette demande (de présence française) n’est pas clairement assumée », a poursuivi Emmanuel Macron.
« Quand il parle de clarification, le président Macron vise IBK (Ibrahim Boubacar Keita, le président malien) et Kaboré (Roch Marc Christian Kaboré, le président burkinabè) », avait récemment précisé une source sécuritaire à l’AFP.
Sur la même longueur d’ondes que Macron, le président Issoufou a révélé que la France et les pays du Sahel lanceraient à Pau « un appel à la solidarité internationale pour que le Sahel et la France ne soient pas seuls dans ce combat ».
Il a rappelé que le Niger consacrait « 19% de ses ressources budgétaires dans le combat contre le terrorisme », soulignant aussi que la « France emploie beaucoup de ressources ».
Menace planétaire
« La menace du terrorisme est une menace planétaire, elle nécessite une riposte à l’échelle de la planète », a-t-il poursuivi. « Si les Européens ne s’engagent pas, ils auront à faire cette guerre sur leur territoire », a-t-il lancé.
Les deux présidents se sont embrassés à deux reprises au cours d’une cérémonie empreinte d’émotion. Le président Macron a souligné que les soldats français et nigériens étaient des « frères d’armes » et lancé : « Nous sommes là aujourd’hui pour nous incliner devant vos martyrs, nous serons la demain pour célébrer les victoires ».
L’invitation par le président français au sommet de Pau avait été mal ressenti par beaucoup, certains y voyant une « convocation » teintée d’attitude néo-coloniale.
Le président Keïta a semblé faire allusion à cette tension samedi sur TV5, en indiquant que les pays unis dans la force militaire G5 Sahel souhaitaient « un partenariat respectable et respectueux ». De source diplomatique, tous les pays devraient toutefois être présents à Pau.
Avant d’arriver à Niamey, le président Macron s’était également recueilli en hommage à des soldats tués, cette fois à Bouaké, deuxième ville de Côte d’ivoire et ancienne capitale de la rébellion.
Hommage aussi à Bouaké
Neuf soldats français et un Américain y avaient été tués en 2004, par un bombardement de l’armée ivoirienne. Un épisode charnière de la décennie de crise ivoirienne et un dossier qui garde de nombreuses zones d’ombre.
Les présidents Macron et Ouattara ont dévoilé une stèle et déposé des gerbes aux couleurs ivoiriennes et françaises. Cet acte doit « œuvrer à l’essentiel travail de réconciliation dont la République de Côte d’Ivoire a tant besoin et qui est le chemin sur lequel elle avance », avait dit M. Macron la veille.
Les dernières heures de M. Macron, en Côte d’Ivoire ont été plus festifs avec un accueil par des dizaines de milliers de personnes.
« ADO ! ADO ! Macron ! Macron ! », scandait la foule en honneur au président français et son homologue ivoirien Alassane Dramane Ouattara, dit « ADO ».
« C’est la première fois depuis que la Côte d’Ivoire existe qu’un président français vient à Bouaké. Et il vient pour construire notre marché, seul lieu d’activité à Bouaké », a jubilé Sanata Traoré, commerçante, devant le futur marché dont M. Macron a posé la première pierre.
D’un coût de 60 millions d’euros, financé par la France, le site, qui sera le plus grand marché couvert d’Afrique de l’Ouest, rassemblera 8.500 commerçants sur près de 9 hectares.
Objectif : relancer l’activité économique jadis florissante et faire oublier le passé de Bouaké, ville de casernes régulièrement secouée par des mouvements de grogne de militaires.
Les deux présidents ont posé la première pierre lors d’une cérémonie expédiée au pas de course. Le temps, tout de même pour le président Macron de recevoir en cadeau un… cheval.
Après l’étape nigérienne, Emmanuel Macron est reparti dimanche en début de soirée pour la France.