Voter pour un candidat d’extrême gauche en Thuringe ou s’abstenir et faire le jeu de l’extrême droite ? Le parti conservateur d’Angela Merkel va devoir résoudre ce dilemme mercredi pour sortir du blocage cette région d’Allemagne.
Pour la deuxième fois en un mois, les élus du Parlement de ce Land d’ex-RDA vont tenter d’élire leur président.
En février, l’élection surprise du candidat du petit parti libéral FDP, grâce aux voix de la droite conservatrice CDU et de l’extrême droite AfD, avait provoqué un séisme en Allemagne.
L’élection de Thomas Kemmerich grâce aux suffrages de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), devenue la deuxième force politique régionale, avait en effet brisé un tabou datant de l’après-guerre.
– Malédiction –
Face au tollé, le dirigeant libéral avait dû renoncer 24 heures après à ses fonctions, plongeant les institutions dans la paralysie.
Cette crise politique a eu des répercussions jusqu’à la tête de la CDU, la dauphine d’Angela Merkel, Annegret Kramp-Karrenbauer, renonçant à présider le parti et à viser la chancellerie en 2021, faute d’autorité sur ses troupes en Thuringe.
Et jusqu’au bout une malédiction a semblé s’acharner sur cette région, parmi les plus défavorisées d’Allemagne. Le nouveau coronavirus a en effet menacé dans les dernières heures la tenue du scrutin.
Un membre du groupe CDU, potentiellement exposé au Covid-19, a dû subir un dépistage, qui s’est révélé mardi soir négatif. Dans le cas contraire, l’élection aurait été reportée sine die.
Cette dernière menace dissipée, l’élection va opposer Bodo Ramelow (Die Linke, extrême gauche), président sortant de la région, à Bjorn Höcke, dirigeant local de l’AfD.
Agé de 47 ans, M. Höcke est le chef de file de la frange la plus radicale de l’AfD, « L’Aile », surveillée par les services de renseignements.
Violemment xénophobe, cette branche de l’AfD n’hésite pas à remettre en cause la culture de la repentance pour les crimes nazis, socle de l’identité allemande d’après-guerre.
M. Ramelow, 64 ans, qui a perdu sa majorité de gauche lors des élections en octobre, devrait recevoir le soutien des sociaux-démocrates du SPD et des écologistes. Mais il a besoin de 4 voix supplémentaires pour atteindre la majorité absolue de 46 voix.
Les libéraux, que l’élection M. Kemmerich a plongé dans une crise aiguë, devraient eux s’abstenir.
Tous les regards sont donc tournés vers les conservateurs de la CDU, les faiseurs de rois de cette élection.
– « Chaos » –
Le parti d’Angela Merkel, qui élira le 25 avril un nouveau président et probable candidat à la chancellerie l’an prochain, a jusqu’ici toujours exclu de voter pour des candidats de l’extrême gauche, du fait notamment de ses liens présumés avec l’ancien régime est-allemand.
Les candidats à la succession de Mme Kramp-Karrenbauer partagent cette réticence.
Friedrich Merz, ennemi juré de la chancelière et tenant d’un retour aux sources conservatrices du parti, comme les candidats supposés plus modérés, Armin Laschet, dirigeant de la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, et Norbert Röttgen, ex-ministre de l’Environnement, réprouvent tout vote pour Die Linke.
Des cadres de la CDU, dont le chef de file des jeunes du parti, Tilman Kuban, militent eux aussi pour que leurs élus s’abstiennent.
Mais sur le plan local, les prises de position sont plus ambiguës.
Sans donner de consigne claire en faveur de Die Linke, plusieurs dirigeants, comme le nouveau chef de file de la CDU en Thuringe, Mario Voigt, ont ainsi appelé ces derniers jours les élus à « ne pas se soustraire à leurs responsabilités ». Les électeurs « veulent que cesse le chaos », a-t-il fait valoir.
M. Ramelow se veut lui aussi confiant. Politicien madré, il pense, après avoir consulté l’ensemble des groupes hors AfD, pouvoir obtenir « suffisamment de suffrages des groupes parlementaires démocratiques » pour être élu.