Le style Bazoum Mohamed a ceci d’inédit et de rafraîchissant qu’il tord le cou à une coutume qui veut qu’en Afrique tout peut être relativisé, toléré et finalement acté par la communauté internationale.
Les coups d’État, les violations des droits de l’homme, la corruption sont banalisés et constituent des pratiques qui ne heurtent pas plus le sens commun que les consciences.
Si le style diplomatique du Président Bazoum Mohamed contribue à exposer des faits sans trop de langue de bois, cela peut participer à l’amélioration des pratiques politiques et encourager les peuples à croire davantage en leur capacité à faire avancer la bonne gouvernance en Afrique en général et au Sahel en particulier.
Les peuples sahéliens prennent progressivement conscience de leur communauté de destin et s’affranchissent des carcans de supposées souverainetés dont l’utilisation abusive entrave leur progression sur la voie du développement économique, social et politique. Il serait naïf et contre-productif que les Maliens et les Nigériens s’engouffrent dans une guéguerre de patriotismes ridicules. La vision supranationale clairvoyante qui a présidé aux propos du président Bazoum Mohamed ne distingue en rien la sécurité des citoyens de ces deux pays, qui est l’affaire de tous les Sahéliens. La paix, la sécurité et la stabilité des deux pays sont effectivement indissociables, pour des raisons géographiques, historiques et socioculturelles.
Les questions de sécurité et de stabilité sont par essence des problématiques sous-régionales et internationales qui transcendent les frontières des Etats et ne concernent pas seulement la souveraineté du pays le plus exposé mais bien l’ensemble de l’espace du G5 Sahel. Le Président Bazoum Mohamed est par conséquent légitime à se préoccuper des évolutions politiques au Mali et au Tchad. Ses positions sur la situation dans ces deux pays vont dans le sens des intérêts des peuples du Sahel en général.
Les relations internationales, la diplomatie disposent de codes et usages qui autorisent à rappeler les lignes rouges dont le franchissement constitue un risque majeur non seulement pour celui qui les franchit mais également pour ses voisins, la sous-région et le continent dans son ensemble.
Par ses propos, le Président Bazoum Mohamed dénonce une pratique installée qui veut qu’en Afrique tout peut être admis, attestant l’idée que le continent ne serait pas tenu d’obéir aux standards classiques de la vie internationale. Le Président Bazoum plaide ainsi en faveur de plus de considération pour l’Afrique afin qu’elle s’insère davantage dans la scène internationale, selon les mêmes critères et valeurs que le reste du monde.
Le ton franc et direct du Président Bazoum Mohamed ne doit être interprété comme une atteinte aux intérêts du peuple malien, qui sont, à cet égard, les mêmes que ceux des Nigériens. Des propos similaires pourraient être tenus sur les militaires Nigériens si des situations identiques devaient se présenter.
Ces propos du Président nigérien ont été tenus en marge d’un sommet du G5 Sahel dont l’objet est de mutualiser les moyens des Etats pour venir à bout de l’insécurité au Sahel. Mutualiser les moyens, c’est également élaborer des stratégies qui font nécessairement appel à des formes d’intelligence politique aussi variées qu’il existe d’acteurs impliqués dans cette question.
Abdoulahi ATTAYOUB
Consultant Lyon 12 juillet 2021