Le processus de paix en Afghanistan paraît chaque jour plus hypothétique, les Etats-Unis ayant annoncé mercredi une première frappe aérienne contre les talibans depuis l’accord de Doha alors que les insurgés ont tué au moins 20 soldats et policiers afghans.
Mardi, après « une très bonne conversation » avec le mollah Baradar, principal négociateur du processus de Doha, le président Donald Trump avait déduit que les talibans « veulent mettre fin à la violence ». Mais sur le terrain, la réalité semble toute autre.
Les insurgés n’ont cessé de multiplier les attaques contre les forces afghanes, depuis qu’ils ont mis fin lundi à une trêve partielle qui avait duré neuf jours.
Cette diminution des combats, exigée par Washington, leur a permis de signer un accord historique samedi à Doha, dans lequel Washington s’est engagé à retirer les troupes étrangères d’Afghanistan sous 14 mois, en échange du respect par les insurgés de certaines garanties, dont leur participation à un dialogue inter-afghan sur l’avenir du pays, censé démarrer le 10 mars.
En outre, « les dirigeants des talibans avaient promis à la communauté internationale qu’ils réduiraient la violence et non qu’ils augmenteraient les attaques », a pointé sur Twitter le colonel Sonny Leggett, porte-parole des forces américaines en Afghanistan.
Or la violence est encore montée d’un cran: au moins 20 policiers et soldats ont été tués lors d’attaques talibanes dans la nuit de mardi à mercredi.
« Des combattants talibans ont attaqué au moins trois avant-postes de l’armée dans le district d’Imam Sahib à Kunduz, tuant au moins dix soldats et quatre policiers », a indiqué Safiullah Amiri, membre du conseil provincial de Kunduz (Nord).
La police locale et un cadre du ministère de la Défense ont confirmé ce bilan.
Dans l’Oruzgan (Sud), « six policiers ont été tués et sept blessés » par les talibans à Tarinkot, a indiqué Zergai Ebadi, porte-parole du gouverneur de la province.
– ‘Défendre nos partenaires afghans’ –
Mardi déjà, un porte-parole du ministère afghan de l’Intérieur dénombrait 33 attaques talibanes contre les forces des sécurité afghanes dans 16 des 34 provinces du pays.
Le colonel Leggett a lui fait état, « sur la seule journée du 3 mars », de 43 attaques des talibans contre des points de contrôle des forces afghanes dans le Helmand, province du Sud considérée comme un des principaux fiefs des insurgés.
En retour, « les Etats-Unis ont conduit mercredi une frappe aérienne à Nahr-e Saraj, dans le Helmand, contre des combattants talibans qui attaquaient activement les forces de sécurité afghanes. C’était une frappe défensive », a tweeté le militaire américain.
« Nous sommes engagés pour la paix, mais nous avons la responsabilité de défendre nos partenaires afghans », a-t-il poursuivi pour justifier cette première frappe américaine depuis les accords de Doha, mais également leur « première frappe contre les talibans » depuis le début de la trêve partielle, il y a « 11 jours ».
Cette détérioration sécuritaire fait peser des craintes sur le dialogue inter-afghan, censé réunir talibans, gouvernement afghan, opposition et société civile. Des pourparlers historiques, les talibans refusant depuis 18 ans de reconnaître les autorités de Kaboul, qu’ils qualifient de « marionnette » des Etats-Unis.
Mais au-delà de la situation sécuritaire, d’autres obstacles s’annoncent: le président afghan Ashraf Ghani rejette l’un des principaux points de l’accord de Doha, la libération de jusqu’à 5.000 prisonniers talibans en échange de celle de jusqu’à 1.000 membres des forces afghanes aux mains des insurgés.
Selon les talibans, qui font désormais de cette mesure un préalable à tout démarrage des discussions inter-afghanes, le mollah Baradar a demandé à M. Trump de « ne laisser personne prendre des mesures qui enfreignent les termes de l’accord ».