Le procès de l’ancien président arménien Serge Sarkissian, accusé de détournements de fonds publics, doit débuter mardi dans la capitale arménienne, près de deux ans après un soulèvement populaire qui l’avait chassé du pouvoir.
Agé de 65 ans, Serge Sarkissian a été inculpé en décembre et il lui est interdit de quitter le territoire de cette ancienne république soviétique du Caucase. En cas de condamnation, il risque jusqu’à huit ans de prison.
Selon les procureurs, l’ex-dirigeant a participé à l’élaboration d’un mécanisme dans lequel une entreprise privée a vendu du carburant à un prix bien supérieur au marché à un programme d’aide agricole du gouvernement arménien.
Les bénéfices de cette combine, près de 489 millions de drams (946 millions d’euros au taux actuel), ont été reversés à de hauts fonctionnaires et hommes d’affaires impliqués, affirment les procureurs.
Alors que l’accusation n’a fourni aucun élément prouvant que Serge Sarkissian ait touché directement une partie de cet argent, ce dernier, et son parti politique, ont dénoncé une affaire « fabriquée visant à faire taire l’opposition » et mettant en danger la démocratie.
L’enquête visant M. Sarkissian — qui faisait profil bas depuis sa démission en 2018 — l’a remis sur le devant de la scène et sous les critiques du Premier ministre, Nikol Pachinian, qui lui a succédé.
Né dans la région séparatiste du Haut-Karabagh, toujours en guerre contre l’Azerbaïdjan voisin, Serge Sarkissian a occupé diverses hautes fonctions de l’Etat avant de devenir président entre 2008 et 2018.
– Révolte populaire –
En avril 2018, sa tentative d’accéder au poste de Premier ministre, dont les pouvoirs venaient d’être renforcés, s’est heurtée à un important mouvement d’opposition qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes.
Cette tentative de M. Sarkissian, qui arrivait au terme de son deuxième mandat présidentiels, a cristallisé la frustration de la population de ce pays pauvre de près de 3 millions d’habitants, à l’économie fragile, où la corruption gangrène de nombreux secteurs.
Après plusieurs semaines d’une mobilisation pacifique menée par Nikol Pachinian, alors député, le mouvement a poussé au départ M. Sarkissian, dont la démission a été célébrée par des milliers de personnes en liesse dans les rues d’Erevan.
Depuis, Nikol Pachinian a été élu Premier ministre et mène une croisade contre la corruption.
Après avoir commencé sa carrière au Parti communiste, Serge Sarkissian s’est fait connaître en rejoignant, à la fin des années 1980, les séparatistes arméniens combattant contre l’armée azerbaïdjanaise dans le Haut-Karabagh.
Ce conflit, non résolu, a fait plus de 30.000 morts. Le long du front, les échanges de tir meurtriers sont encore fréquents.
En 2008, l’élection de M. Sarkissian a été suivie d’échauffourées entre la police et des militants d’opposition dénonçant un vote truqué. Ces affrontements, parmi les pires de l’histoire récente arménienne, ont fait dix morts, dont deux policiers.
Pendant ses deux mandats, Serge Sarkissian a joué un jeu d’équilibriste entre l’Occident et Moscou, l’ancienne capitale du temps de l’URSS.
En 2013, après une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine, il a finalement refusé de signer un accord d’association avec l’Union européenne, pourtant négocié de longue date, et a opté pour un ralliement à l’Union économique eurasiatique soutenue par le Kremlin.
Au début de son premier mandat, Serge Sarkissian a également tenté, en vain, de normaliser les relations entre Erevan et la Turquie, mises à mal par la question du génocide des Arméniens par les Ottomans lors de la Première guerre mondiale.
Un autre ex-président arménien, Robert Kotcharian, fait également face à des poursuites criminelles. Il est soupçonné d’avoir truqué l’élection de 2008 en faveur de son successeur, Serge Sarkissian.