L’arrêt de la centrale de Fessenheim, « événement historique » selon les termes de la ministre Elisabeth Borne, annonce un long processus de démantèlement, qui a déjà connu bien des précédents à l’étranger.
Un arrêt « historique »?
Cette fermeture scelle le vaste programme d’équipement nucléaire décidé par Paris dans le contexte du choc pétrolier et lancé en 1977 avec la mise en route de Fessenheim.
« Oui c’est historique: c’est l’arrêt des deux premiers réacteurs qui ont été le départ du parc français », souligne Thierry Charles, directeur adjoint de l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN).
Pays le plus nucléarisé au monde, la France a décidé de réduire la part de l’atome dans sa production électrique, de 72% aujourd’hui à 50% d’ici à 2035.
Dans l’Hexagone, la dernière fermeture remontait au surgénérateur Superphénix, en 1997. Auparavant, c’est le réacteur de Chooz A (Ardennes), fonctionnant à eau sous pression comme Fessenheim mais plus « petit » (300 mégawatts électriques et non 900 MWe), qui avait été arrêté, en 1991, et dont le démontage se poursuit.
Pourquoi fermer une centrale?
De nombreux pays ont fermé des réacteurs, pour raisons énergétiques, politiques ou économiques.
Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, fin 2017, 614 réacteurs de production électrique avaient été mis en service dans le monde, dont 342 à eau sous pression (REP) et 115 à eau bouillante (REB), lancés pour l’essentiel dans les années 1970 à 1990. Aujourd’hui, 50 REP et 40 REB sont fermés.
L’Allemagne, après l’accident de Fukushima en 2011, s’est donnée jusqu’à 2022 pour sortir du nucléaire.
La Suisse en a décidé de même, tout en maintenant dans l’immédiat certains sites. En décembre, après 47 ans de service, la centrale de Mühleberg a été déconnectée du réseau en raison de la cherté de son entretien.
Toujours en décembre, la Suède a fermé un réacteur, pour raisons économiques, après 43 ans, tout en prévoyant de garder l’atome.
Aux Etats-Unis, l’administration admet que des réacteurs puissent aller à 80 ans, mais certains ferment avant, en général pour des questions de rentabilité, note l’IRSN.
En France, EDF avait initialement envisagé des durées de vie de 40 ans, avant d’émettre le souhait, en 2009, qu’elles soient prolongées. Tricastin a été la première, en 2019, à subir la visite de sûreté des 40 ans.
Combien de temps prévoir pour le démontage?
A Fessenheim, une fois effectué l’arrêt, manœuvre régulièrement pratiquée pour les maintenances, EDF prévoit une phase préparatoire de cinq ans au cours de laquelle il faudra sortir les combustibles, refroidis en piscine puis évacués vers le bassin de l’usine de La Hague.
Il devra dans le même temps constituer un épais dossier pour obtenir le décret de démantèlement, à l’horizon 2025. Une étape fastidieuse car impliquant examens techniques et études de risques, recensement des matériels, etc.
« L’exploitant doit justifier l’ensemble des opérations, du début à la fin, et démontrer que des parades permettent de protéger les opérateurs et l’environnement », explique M. Charles, de l’IRSN.
Une fois approuvé, le démantèlement pourra commencer, pour environ 15 ans.
« Vu l’expérience à l’international, 20 ans au total c’est cohérent », estime M. Charles.
Restera ensuite la douloureuse question des déchets.
A Fessenheim, sur 380.000 tonnes de déchets prévus par EDF, 18.400 tonnes devraient être radioactives, dont 200 tonnes (400 m3) hautement radioactives destinées à être enfouis en couche géologique profonde (projet Cigeo prévu dans la Meuse).
Après Fessenheim, à qui le tour ?
Pour descendre à 50% de nucléaire, 12 réacteurs de plus devront fermer d’ici à 2035.
A quel rythme? Le projet de feuille de route énergétique de la France en prévoit deux en 2027-28, voire deux en 2025-26 selon la demande de courant.
« EDF aura à organiser tous les chantiers pour pouvoir les gérer. Il faut être certain que l’industrie autour pourra répondre », souligne M. Charles. « Le côté positif est que l’arrêt de Fessenheim, qui servira de tête de série, permettra au tissu industriel de s’habituer, et d’avoir une vision sur les dates d’arrêt facilitera le plan de charge ».
EDF a proposé au gouvernement d’étudier l’arrêt de « paires de réacteurs » sur les sites de Blayais, Bugey, Chinon, Cruas, Dampierre, Gravelines et Tricastin. Des sites qui en sont dotés chacun d’au moins quatre, l’idée étant d’éviter la fermeture de centrales entières.