Ancien chef de l’armée ayant débarqué il y a un an en politique, le centriste Benny Gantz se veut pragmatique et rassembleur, deux qualités dont il aura besoin pour tenter de former un gouvernement, après sa désignation par le président israélien lundi.
A 60 ans, le chef de « Bleu-Blanc », formation qui rassemble des élus des deux bords, a reçu le soutien de 61 élus, plus que l’inamovible Benjamin Netanyahu, Premier ministre depuis plus d’une décennie.
La mission de M. Gantz, désormais: mettre fin à la plus grave crise politique de l’histoire d’Israël.
Ce père de quatre enfants, à l’attitude décontractée et abordable, n’avait aucune expérience politique lorsqu’il s’est jeté dans l’arène il y a un an pour former Kahol Lavan -« Bleu-Blanc » en français, les couleurs du drapeau israélien.
Mais en fédérant les opposants à M. Netanyahu, il a réussi à rivaliser aux législatives d’avril, puis à celles de septembre 2019.
Lors du 3e scrutin du 2 mars, son parti a paradoxalement reculé, obtenant 33 sièges contre 36 pour le Likoud du Premier ministre sortant, mais Benny Gantz a reçu au final le soutien de 61 députés, contre 58 pour M. Netanyahu.
Son but est clair: chasser Benjamin Netanyahu, inculpé pour corruption et dont le procès, repoussé pour cause de pandémie mondiale, est désormais prévu dans deux mois.
« Le monde doit savoir que nous sommes pragmatiques et voyons uniquement le bien de l’Etat sans se préoccuper d’intérêts personnels », argue M. Gantz, disant vouloir restituer un sens de « l’honneur » à la fonction de Premier ministre.
Pur « sabra » –terme désignant les juifs nés en Israël–, ce fils d’immigrants rescapés de la Shoah est né le 9 juin 1959 à Kfar Ahim, un village du sud.
En 1977, il rejoint l’armée. Parachutiste, il gravit les échelons et obtient le grade de général en 2001 avant de devenir chef d’état-major de 2011 à 2015.
Dans un pays où l’armée est fédératrice, cet homme de 1,95 m aux yeux bleus bénéficie d’une aura conférée par ses faits d’armes et son rang d’ancien commandant des armées.
« Il n’a pas laissé de traces indélébiles dans l’armée, mais a conservé une image de stabilité et d’honnêteté », selon Amos Harel, journaliste spécialiste des affaires militaires au quotidien Haaretz.
S’il propose une vision plus libérale de la société que M. Netanyahu, et souhaite mettre en place un gouvernement laïc favorable au mariage civil, ce qui n’est pas d’usage en Israël, il soigne, comme le Premier ministre, son image de faucon.
Il affirme vouloir conserver le contrôle militaire israélien sur la majeure partie de la Cisjordanie occupée, annexer la vallée du Jourdain et mettre fin aux attaques à partir de Gaza.
Lors de la dernière guerre dans l’enclave contrôlée par les islamistes palestiniens du Hamas (2014), c’est lui qui était aux commandes et s’est targué du nombre de « terroristes » tués dans un clip de campagne, sans évoquer les victimes civiles.
Il a accusé le gouvernement actuel de « faire trop de concessions » et promis d’imposer « une politique de dissuasion » contre le Hamas à qui Israël a livré trois guerres depuis 2008.
Cultivant son image de « dur à cuire », M. Gantz a multiplié les appels du pied en direction de l’électorat de droite, poussant M. Netanyahu à le qualifier de « pâle imitation ».
Benny Gantz est titulaire d’une licence d’histoire de l’université de Tel-Aviv, d’un master en Sciences politiques de l’université de Haïfa (nord) et d’un master en gestion de ressources nationales de la National Defense University aux Etats-Unis.
Soutenu à la fois par la Liste unie des partis arabes israéliens et par le nationaliste Avigdor Lieberman, qui a par le passé refusé de participer à un gouvernement soutenu par les partis arabes, M. Gantz arrivera-t-il à former un gouvernement stable?
L’ancien militaire avait un temps écarté un scénario: celui d’un gouvernement d’union avec Benjamin Netanyahu à sa tête, l’inculpation du Premier ministre sortant le disqualifiant à ses yeu. Avant de finalement l’appeler à le rejoindre dans le gouvernement qu’il entend former.