Pour certains Gambiens, le respect des précautions sanitaires contre les coronavirus, comme la distanciation sociale, semble ridicule et sans imagination.« Dire aux gens de se tenir à au moins un mètre les uns des autres, ce n’est pas possible, du moins, cela ne vas pas durer longtemps dans notre société », estime Muhammed Janneh, tout en écoutant attentivement la voix féminine à la radio qui diffuse des messages sur les précautions à prendre pour éviter de contracter le Covid-19.
Des directives et règles sanitaires recommandées par l’OMS sont diffusées toutes les heures pour rappeler au public gambien de se laver les mains régulièrement à l’aide de désinfectants, de tousser ou d’éternuer dans le creux du coude, d’éviter de toucher régulièrement les yeux et de respecter la distanciation sociale ou physique.
C’est la dernière de ces mesures de précaution avec laquelle M. Janneh a un problème et il n’est pas le seul à son avis.
Antou Ceesay, un de ses voisins, marque son accord avec l’idée que les responsables de la santé prétendent qu’ils ne savent pas que le fait d’encourager les gens à garder leur distance physique de la personne suivante est un exercice futile. « Les gens, dit Ceesay, vont socialiser de toute façon ».
Janneh et Ceesay, environ la soixantaine, affirment n’avoir jamais assisté récemment à des scènes où il est demandé aux gens de na pas se réunir et de socialiser, comme savent si bien le faire les Africains.
S’exprimant en wolof (langue locale), les deux hommes ont désapprouvé l’idée de dire aux gens de rester à la maison et de s’abstenir d’encourager des amis et d’autres connaissances à leur rendre visite et de compromettre les mesures de sécurité mises en place pour minimiser la propagation de la maladie respiratoire qui est maintenant une pandémie.
« C’est comme si on demandait à un coq d’arrêter de chanter », ironise Ceesay, rappelant son point de vue sur la nature prétendument ridicule d’une telle précaution.
Bien que ces sentiments à l’égard de la distanciation sociale ne soient en aucun cas universels en Gambie, les marchés et les parkings constituent un moyen pour mesurer de manière fiable l’indifférence apparente, sinon le mépris absolu avec lequel les gens lancent des appels à la distanciation sociale.
Les lieux publics sont pleins à craquer alors que les gens continuent à y affluer comme si de rien n’était, dans un pays où les cas de coronavirus sont passés de 10 à 17 en trois jours.
Loin d’abandonner les vieilles habitudes, les gens, notamment les jeunes hommes et femmes non découragés par les avertissements sur les risques et les dangers inhérents à contracter le Covid-19, continuent de fréquenter les grands groupes de discussions et autres événements sociaux, malgré leur interdiction par l’Etat et dont l’application fait défaut.
Les marchés de Serrekunda et des villes périphériques n’ont jamais été aussi bondés de monde qui fait ses achats quotidiens de nourriture et d’autres articles.
La Gambie a enregistré un décès lié au Covid-19, un prêcheur musulman du Bangladesh qui était en mission dans le pays en mars et qui a rendu l’âme quelques heures après avoir été testé positif.
Cela fait longtemps depuis que le pays a enregistré son premier cas de Covid-19, et les autorités sanitaires s’efforcent d’introduire des tests de masse dans la ville de Bakau, à 13 km au sud de la capitale, Banjul, suite à une augmentation du nombre d’infections en mai.
C’est également la première transmission communautaire depuis la première confirmation du virus dans le pays.
Reconnaissant la tâche gigantesque consistant à transformer l’attitude de l’opinion publique pour la convaincre de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter que la maladie ne prenne pied en Gambie, les journalistes de la radio sont dans la guerre de l’information avec les responsables de la santé pour être des porte-voix et reprendre des messages comme « le Covid-19 est réel », ou encore « suivez les directives de santé pour être en sécurité ».
Cependant, cette partie de la campagne contre la maladie ne semble pas convaincre certaines couches de la population qui persistent dans les vieilles habitudes fondées sur des convictions personnelles.
Les sceptiques du Covid-19 ou les Saint Thomas ne manquent pas et ils prêtent une oreille attentive aux théories du complot suggérant que la maladie a été « préparée dans un laboratoire chinois » et est maintenant utilisée comme un moyen pour dépeupler le monde.
D’autres estiment que la décision de fermer les mosquées procède également d’une conspiration contre l’islam. Cette mesure a divisé les leaders d’opinion musulmans en Gambie, avec le commun ne sachant plus à quel saint se vouer.
« C’est inévitable, les foules doivent se rassembler dans les marchés et autres endroits », soutient un homme d’âge moyen, faisant la queue devant une banque pour percevoir son salaire qu’il attend depuis pas mal de temps.