Au Niger, l’enquête judiciaire se poursuit après l’audit réalisé sur les marchés publics au ministère de la Défense. La police judiciaire a déjà entendu plusieurs protagonistes. La justice a été saisie sur la base d’un rapport d’audit définitif qui n’est pas le rapport provisoire, médiatisé jusque-là. Ce rapport, daté du 29 mars, prouve que des négociations entre les autorités et les fournisseurs ont eu lieu et qu’elles ont abouti à des promesses de remboursements partiels.
Après le choc provoqué par le premier rapport audit de février, le gouvernement a demandé aux fournisseurs de s’expliquer. L’objectif était alors de trouver une solution à l’amiable. Durant trois semaines, les fournisseurs ont donc été appelés un à un au ministère de la Défense.
Sur les irrégularités constatées dans la procédure de passation de marchés, les fournisseurs ont unanimement reconnu les griefs, selon le document consulté par RFI.
A propos des surfacturations pointées par les enquêteurs, ils reconnaissent les chiffres mais rejettent le qualificatif de surfacturation. Ils demandent la prise en compte de nouvelles charges aléatoires dans le calcul de leur marge. Après discussion, ils se seraient engagés finalement à rendre une partie de l’argent, environ 25 % de ce qu’ils auraient trop perçu, selon le rapport d’audit provisoire.
Concernant le matériel payé et non livré, des engagements ont, là aussi, été pris pour que ce matériel arrive rapidement ou qu’il soit remboursé. Dans la liste du matériel non livré, on trouve des munitions, des pièces détachées pour véhicules blindés, des camions et camions grue, mais aussi le système anti-missile de l’avion présidentiel par exemple. Si chaque société et son représentant se sont engagés à livrer le matériel ou à le rembourser, trois sociétés n’ont pas fait de proposition, et pour cause, elles n’ont pas de représentant à Niamey et deux d’entre elles sont situées en zone franche. Selon le rapport final d’audit, elles ont reçu l’équivalent de plus de deux millions d’euros d’avance sans livrer quoi que ce soit.
Reste que si ce matériel a été commandé, on peut penser qu’il était nécessaire. « Sa non-livraison met forcément à mal l’outil militaire », commente un analyste qui s’inquiète aussi d’apprendre que deux hélicoptères Mi-35M ont été bloqués en Russie pour procédure douteuse au lieu de combattre au Niger.
Sur la base de ces négociations, le manque à gagner pour l’État pourrait être revu à la baisse. Si les fournisseurs honorent leurs engagements de paiement, la perte pour l’Etat ne serait que de 45 milliards de FCFA au lieu de 76 milliards, soit environ 70 millions d’euros au lieu de 110 millions. Néanmoins, ceci n’enlève rien aux irrégularités constatées sur lesquelles la justice doit aujourd’hui se prononcer.