Spécialiste des maladies infectieuses, qui se dit « pêcheur de microbes » depuis plus de 30 ans à Marseille, le professeur Didier Raoult a défendu jeudi devant Emmanuel Macron son pari controversé de lutter contre le Covid-19 avec la chloroquine.
Derrière son apparence de druide fantasque, ce fils de médecin militaire né en 1952 à Dakar (Sénégal) est l’un des experts mondiaux des maladies infectieuses et tropicales, à la tête de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, dans la deuxième ville de France.
Depuis le début de l’épidémie et des polémiques entourant la chloroquine, il s’amuse de ceux qui s’échinent à battre en brèche ses travaux. « De petits marquis parisiens », balaie d’un revers de main celui qui a préféré délaisser son fauteuil au sein du conseil scientifique Covid-19 chargé de conseiller le gouvernement.
Fin février, via une vidéo provocatrice, il annonce la « fin de partie » contre le nouveau coronavirus parti de Wuhan en Chine : associée à l’azithromycine, un antibiotique, l’hydroxychloroquine, un dérivé synthétique de la quinine prescrit depuis plusieurs décennies contre le paludisme, serait l’arme fatale pour inhiber le virus en quelques jours.
Trop facile pour être vrai ? Dans une de ses premières communications, Didier Raoult affirme que sur 24 patients traités à l’IHU Méditerranée Infection avec de l’hydroxychloroquine, 75% présentaient une charge virale négative au bout de six jours. Mais les critiques affluent, dénonçant le manque de rigueur dans ces études et le très faible nombre de patients concernés.
Pendant 48 heures, une vidéo virale l’accuse même de diffuser des fake news. Mais le professeur ne baisse pas la tête : « Elle a été vue 450.000 fois sur Facebook, ça m’a fait une publicité considérable, qu’ils continuent à dire des horreurs comme ça », se gaussait-il mi-mars.
– Collectionneur de virus –
L’intervention du président américain Donald Trump, le 19 mars, en soutien de ce traitement à la chloroquine, alimente définitivement la polémique. Même si la Food and Drug Administration (FDA), l’organisme fédéral qui supervise la commercialisation des médicaments aux Etats-Unis, tempère aussitôt l’enthousiasme présidentiel.
Et jeudi, c’est le président Emmanuel Macron, multipliant les consultations avant une prochaine allocution, qui est venu lui rendre visite dans son IHU, après avoir rencontré dans la matinée des chercheurs du Kremlin-Bicêtre.
Collectionneur de bactéries et de virus – il en a plus de 3.000 parmi les plus dangereux au monde – dans ses locaux de Marseille, au coeur de l’hôpital de la Timone, le Pr Didier Raoult s’était déjà fait remarquer par ses découvertes.
Spécialiste mondial des Rickettsies, ces bactéries intracellulaires à l’origine notamment du typhus, il a aussi décrypté le génome de la bactérie à l’origine de la maladie de Whipple, près d’un siècle après l’apparition de cette pathologie.
Dans ses laboratoires, il a multiplié les trouvailles. Comme Mimivirus, ce virus géant qu’il identifie en 1992 et baptise en l’honneur de « Mimi l’amibe », ce héros inventé par son père quand celui-ci lui racontait des histoires pour lui expliquer l’évolution. Puis c’est Spoutnik qu’il repère, grâce à Mimivirus : ce virus nain est exceptionnel car virophage, capable d’infecter un autre virus pour prospérer.
Avec ses équipes, il identifie des dizaines de nouvelles bactéries pathogènes, dont deux portent son nom aujourd’hui : Raoultella planticola et Rickettsia raoultii.
Pionnier de la paléomicrobiologie, Didier Raoult est d’abord un chercheur. Mais aussi un bâtisseur : c’est lui qui a proposé au ministre de la Santé Jean-François Mattei, au début des années 2000, de créer sept « infectiopôles », « des forteresses à la Vauban » contre les maladies infectieuses.
Dix ans plus tard, six IHU sont créés en France, chacun sur un thème différent : Imagine à Paris, sur les maladies génétiques ou Méditerranée Infection, à Marseille, qu’il dirige depuis 2011.
Arrivé à Marseille à l’âge de neuf ans avec ses parents, de retour d’Afrique, Didier Raoult est parti bourlinguer sur un navire de la marine marchande, à 18 ans. Il a passé son bac littéraire à 20 ans, en candidat libre, avant de faire médecine. Aujourd’hui marié à une psychiatre et père de deux enfants, il s’est fait un nom à force de travail et de prises de position tonitruantes, comme quand il a dénoncé l’interdiction du voile à l’université, en 2016. Ou quand il a exprimé ses doutes face au réchauffement climatique et à ces modèles mathématiques catastrophistes qui ne seraient qu’une forme moderne de « divination ».