Filingué, 11 février 2025 – Sous un ciel où le vent du désert sculpte les dunes avec une patience millénaire, Filingué se prépare à accueillir un événement dont l’ampleur dépasse la simple cavalcade d’étalons lancés à pleine vitesse. En effet, le festival hippique « Dokin Iska Dan Filingué » s’apprête à lever le voile sur une 8ᵉ édition empreinte d’une nouvelle gravité.
Autrefois célébration festive et effervescente, où chants, danses et compétitions culturelles se mêlaient aux ruades des chevaux exaltés, cette année, l’événement se fait plus solennel. La fête s’efface au profit d’un impératif plus pressant : la paix et la cohésion sociale dans une région marquée par les soubresauts de l’instabilité.
« Dokin Iska Dan Filingué » : un festival sous le signe du devoir et de la résilience
En plus, la voix grave et mesurée de M. Assoumana Malam Issa, ancien ministre de la Renaissance Culturelle et président du comité d’organisation, ne laisse place à aucun doute : cette édition sera différente. Il n’est plus question d’exubérance ni de célébrations enflammées. Le contexte exige une retenue, une lucidité face aux défis d’un territoire dans lequel la poussière soulevée par les sabots ne doit pas masquer les cicatrices laissées par les crises successives.
Le thème retenu, « La contribution de la jeunesse à la promotion de la cohésion sociale et de la paix dans la zone des trois frontières », résonne comme un appel. Un cri du cœur adressé à une génération tiraillée entre l’héritage d’un passé glorieux et les incertitudes d’un avenir en construction.
Quand la tradition rencontre l’urgence humanitaire ?
Dans l’épure de cette édition révisée, les compétitions équestres et chamelières survivent, ultime hommage à l’essence même du festival. Mais autour d’elles gravitent désormais d’autres priorités :
- Un forum dédié à la paix et à la cohésion sociale, en partenariat avec la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP).
- Des consultations médicales itinérantes, portant notamment sur le dépistage du diabète, de l’hypertension et du traitement de la cataracte, pour les populations rurales souvent démunies face aux soins.
- Une rencontre sur la prévention des catastrophes naturelles, initiée avec le ministère de l’Action humanitaire et celui en charge de la Culture.
Cette mutation du festival n’est pas un reniement, mais une adaptation. Un miroir tendu à une réalité qui impose désormais aux événements culturels d’être des leviers de résilience sociale et humanitaire.
Filingué, entre héritage et dévastation
Mais Filingué, avant d’être le théâtre de ces festivités revisitées, est aussi un décor marqué par le drame. Les rues poussiéreuses de la ville portent encore les stigmates des épreuves récentes. Catastrophes naturelles, crises sécuritaires, incertitudes économiques… La ville, bastion d’une culture ancestrale, tente de se relever.
Le comité d’organisation ne se contente pas d’aménager un programme : il reconstruit. Avant même le 20 février, des engins seront déployés pour décaper les rues, redonner souffle à une cité qui refuse de sombrer sous le poids des épreuves. Un geste symbolique, mais puissant, rappelant que la culture n’est pas seulement un legs à préserver, mais aussi un outil pour rebâtir.
Un nom qui traverse le temps
Le festival porte un nom chargé d’histoire : Dokin Iska Dan Filingué. Une légende qui court encore sous les tentes des campements nomades, sous les cieux étoilés du Sahel. Dokin Iska, cheval mythique, rapide comme le vent dont il porte le nom, indomptable et glorieux. Autrefois, son galop tonnait sur les pistes poussiéreuses, remportant des courses, défiant l’horizon.
Aujourd’hui, c’est tout un peuple qui cherche à suivre son sillage. Dans un monde dans lequel la vitesse est celle de la transformation et du bouleversement, il ne s’agit plus seulement de courir, mais de tenir bon, ensemble.
Un festival qui se réinvente pour unifier
Par ailleurs, le report de l’événement, initialement prévu du 13 au 16 février, n’a pas altéré son essence. Mieux encore, il a permis de mûrir une nouvelle vision, où la culture devient le ciment de la résilience.
Car au-delà des compétitions et des discours, Dokin Iska Dan Filingué 2025 n’est pas qu’un festival. C’est un manifeste. Un plaidoyer pour une jeunesse consciente de son rôle, un engagement pour une paix qui ne saurait être un simple slogan, mais une quête de chaque instant.
Lorsque les chevaux s’élanceront du 20 au 22 février 2025 , lorsqu’ils fouleront cette terre brûlée par l’histoire, ce ne seront pas seulement des courses qui se joueront. Ce sera une course contre l’oubli, une chevauchée pour la mémoire et l’espoir.