Dans un village nubien à 900 km au sud du Caire, Bassam Hamimi, employé dans une auberge, constate l’essoufflement: « on ressent leur absence », dit-il en allusion aux touristes chinois, d’ordinaire nombreux. Une conséquence du nouveau coronavirus, qui menace un tourisme égyptien longtemps convalescent.
« Il y avait des tas de Chinois avant », assure à l’AFP ce trentenaire, dont les revenus dépendent de l’afflux de voyageurs, notamment de Chine.
Beaucoup de vols acheminant des touristes en Egypte ont été annulés pour tenter d’endiguer la propagation du virus, apparu en décembre en Chine.
Près de 110.000 cas de Covid-19 et plus de 3.800 décès ont été recensés dans le monde. L’Egypte, bien qu’officiellement peu touchée, n’a pas été épargnée.
Le Caire a annoncé dimanche un décès lié au virus, le premier sur le continent africain: un touriste allemand de 60 ans qui avait été hospitalisé dans le sud-est du pays.
Plusieurs pays, dont la France et le Canada, ont en outre annoncé des contaminations parmi des personnes ayant séjourné en Egypte.
Avec 55 infections enregistrées dans le pays, dont 45 sur le bateau de croisière « A-Sara », immobilisé à Louxor -coeur battant du tourisme pharaonique-, beaucoup s’inquiètent de l’impact de l’épidémie sur le tourisme.
– Pronostics difficiles –
Pour Adela Ragab, ancienne vice-ministre du Tourisme, les mesures de protection mises en place par certains pays auront des répercussions « certaines » sur le secteur, mais « il est délicat de faire des pronostics à l’heure qu’il est ».
« Nous pourrons juger de la situation si l’on constate un impact sur les réservations des vacances de Pâques », dit-elle à l’AFP.
Le tourisme, poids lourd de l’économie égyptienne, a longtemps été moribond après les années d’instabilité politique ayant suivi la révolte de 2011.
En octobre 2015, un attentat meurtrier contre un avion russe transportant des vacanciers de la station balnéaire de Charm el-Cheikh (est), avait porté un coup dur supplémentaire au secteur.
Depuis 2017, et bien que le pays soit encore loin des 14,7 millions de touristes de 2010, l’industrie a toutefois enregistré une embellie.
En 2018, 11,3 millions de personnes ont visité le pays, contre 5,3 millions en 2016. La banque centrale égyptienne a elle fait état de 12,6 milliards de dollars de recettes du secteur en 2018, contre 10 milliards l’année précédente.
Face à l’impact potentiellement dévastateur du coronavirus sur un secteur à peine remis sur pied, le gouvernement a multiplié les communiqués affirmant que tout était sous contrôle.
« Les activités touristiques se déroulent normalement à Louxor (…), des milliers de visiteurs ont afflué sur ses sites archéologiques », a affirmé lundi le ministère du Tourisme.
« Vous avez vu les chiffres par vous-mêmes, les cars, les files d’attente: la situation (…) est très stable à Louxor », avait assuré la veille le ministre du Tourisme, Khaled el-Enany, lors d’une visite au temple de Karnak aux côtés de son homologue de la Santé.
La télévision égyptienne a aussi abondamment diffusé des images de la désinfection des métros de la capitale Le Caire, mégalopole de 20 millions d’habitants, et des trains.
– Touristes arabes –
Matt Swider, l’un des passagers américains du bateau « A-Sara », testé positif, a documenté sur Twitter, photos à l’appui, son transfert à l’hôpital affirmant que le personnel avait été « extrêmement amical ».
Ses tweets ont aussitôt été repris par la page « @EgyProjects », vitrine digitale des grands projets de l’Etat.
L’ancien président de la Fédération des offices de tourisme, Elhami el-Zayyat, souligne lui que le secteur risque malgré tout de « perdre les touristes arabes, surtout les Koweïtiens et les Saoudiens ».
Plusieurs pays du Golfe ont annoncé des restrictions sur les voyages dans différents pays touchés par l’épidémie, le Koweït et l’Arabie saoudite suspendant notamment les vols à destination de l’Egypte.
M. Zayyat dit avoir constaté une légère augmentation des annulations de la part des touristes chinois et italiens -les deux nationalités les plus touchées par l’épidémie-, mais assure que les touristes anglo-saxons et latino-américains continuent d’affluer.
Lundi, 340 touristes grecs arrivant de Malte en bateau ont été soumis à des tests à leur arrivée sur les côtes égyptiennes, tandis que deux passagers du « A-Sara » indiquaient à l’AFP être toujours maintenus en quarantaine.