Bamako, 5 mars 2025 – Dans une aube encore frémissante, le Mali s’éveille ce mercredi sous le sceau d’une révolution fiscale discrète, mais pesante. Après deux faux départs, le gouvernement, tel un capitaine déterminé à tenir le cap malgré les bourrasques, met enfin en branle une nouvelle taxe sur les télécommunications et les transactions mobiles, prévue pour entrer en vigueur dès aujourd’hui.
Une troisième tentative qui, cette fois, semble promise à l’action, après que les opérateurs téléphoniques – Orange Mali et Moov Africa en tête – ont reçu, hier, un signal clair des autorités : l’heure n’est plus aux tergiversations.
Du ‘fonds de soutien’ à la ponction : la face cachée de la mesure
Ce n’est pas une simple taxe, nous dit-on. Dans un élan de rhétorique soigneusement ciselée, le gouvernement exhorte les opérateurs à draper cette ponction d’un voile plus noble : exit le terme « taxe », place à l’expression « fonds de soutien ».
Un choix sémantique qui, loin d’être anodin, veut murmurer à l’oreille des citoyens que chaque franc prélevé est une pierre posée sur l’édifice d’un avenir commun. Mais derrière cette poésie administrative, la réalité sonne en chiffres sonnants et trébuchants : sur chaque recharge de 1 000 F CFA, seuls 900 F CFA atterriront dans les poches numériques des abonnés, l’État s’arrogeant les 100 F CFA restants.
Quant aux transactions via Orange Money ou Moov Money, elles se parent désormais d’un coût doublé : 1 % pour l’opérateur, 1 % pour les caisses publiques. Ainsi, retirer 10 000 F CFA, qui coûtait hier 100 F CFA, exigera aujourd’hui 200 F CFA, la moitié s’envolant vers ce mystérieux « fonds de soutien ».
Portefeuilles en détresse : le cri d’alarme des citoyens et des associations
L’objectif affiché est d’alimenter des projets d’infrastructure et de développement social, des ambitions qui, sur le papier, caressent les espoirs d’un Mali plus solide et équitable. Pourtant, dans les ruelles poussiéreuses de Bamako comme dans les hameaux reculés, une sourde rumeur gronde.
Les consommateurs, déjà étreints par un quotidien dans lequel chaque franc compte, scrutent cette mesure avec une méfiance teintée de lassitude. « On nous parle de soutien, mais qui soutient qui ? », s’interroge un marchand du marché de Djelibougou, son téléphone en main comme un symbole de cette nouvelle ère.
Les associations de défense des usagers, elles, montent au créneau, réclamant une transparence cristalline sur l’emploi de ces fonds, craignant que ce « soutien » ne s’égare dans les méandres opaques de la gestion publique.
Obéissance ou inquiétude : Orange et Moov au pied du mur
Du côté des opérateurs, la consigne est limpide : appliquer sans broncher. Orange Mali, dans un communiqué sobre, a informé ses abonnés de cette mise en œuvre imminente, tandis que Moov Africa, plus discret, ajuste ses systèmes en coulisses. Mais cette docilité apparente cache une inquiétude : celle d’une possible désaffection des clients, dans un pays où le mobile money est devenu le nerf de la vie économique, surtout là où les banques restent des mirages lointains. « Si les frais grimpent trop, les gens trouveront d’autres chemins », prédit un analyste du secteur, évoquant une possible résurgence des échanges informels.
Fonds de soutien : espoir d’un avenir meilleur ou pari risqué ?
Et pourtant, au-delà des chiffres et des grognements, une question flotte dans l’air, aussi légère qu’un souffle et aussi lourde qu’un destin : ce « fonds de soutien » sera-t-il la clé d’un Mali renaissant ou un fardeau de plus sur les épaules d’un peuple résilient ? Alors que le soleil grimpe dans le ciel en cette journée, une certitude émerge : cette mesure n’est pas qu’une affaire de portefeuilles, mais un pari sur la confiance. Car, au bout du compte, ce n’est pas l’argent qui bâtira l’avenir du Mali, mais la foi en ceux qui le façonnent. Un trésor bien plus rare et infiniment plus précieux que tous les francs du monde.