Sur les marchés traditionnels comme dans les supermarchés du continent, les prix des denrées de première nécessité ne cessent de flamber alors que certains experts font un rapprochement entre cette situation et l’invasion russe en Ukraine.Le monde retient encore son souffle au huitième jour des bombardements russes chez son voisin ukrainien. Si les Africains n’ont pas encore fini de dénoncer les « mauvais traitements » de leurs compatriotes dans ce théâtre de guerre, ils sont confrontés chez eux par une hausse démesurée des prix des produits alimentaires de base. Une situation qui met les États, les consommateurs et le secteur privé sous pression.
Dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Mali ou en Mauritanie, le sac de farine de blé de 50 kg a sensiblement augmenté de même que le litre d’huile et le kilo de pommes de terre. Un alourdissement de la facture des courses alimentaires qui entraîne des protestations contre la vie chère.
Plusieurs Etats ont pris une batterie de mesures, allant de l’instauration de prix plafond à la suspension des taxes à l’importation ou douanières en passant par la baisse de TVA et le renforcement des contrôles des tarifs réglementés, dans le but de protéger le pouvoir d’achat.
Au Sénégal, le président Macky Sall a annoncé notamment une baisse des prix la semaine dernière. Il s’agit de l’huile qui passe de 1200 FCFA à 1100 FCFA le litre, du riz brisé non parfumé de 15.000 FCFA le sac de 50 kg à 13.750 FCFA et du kilogramme de sucre de 625 FCFA à 600 FCFA. « Ces importantes mesures, au bénéfice des populations, auront un impact aussi bien au niveau de la mobilisation des recettes qu’au niveau budgétaire pour un montant global annuel de près de 50 milliards FCFA », avait assuré le chef de l’Etat sénégalais.
Un «choc majeur» sur l’économie
Cependant, tous les commerçants, à l’image de Unacois/Jappo, ne sont pas d’accord avec ces mesures. Ils fondent leur raisonnement sur l’inflation sur les importations, consécutive au contexte de tensions entre la puissance russe et les occidentaux. « Le ministre du Commerce ne nous a pas consultés, alors que les prix de certains de ces produits sont homologués par les cours mondiaux. Pis, les prix indiqués ne peuvent pas être appliqués », a fait savoir Moustapha Lô, membre de cette association.
« Il n’y a que les importateurs qui sont en face des traders. (…) Ils importent en même temps que l’inflation qui s’est accentuée avec la guerre en Ukraine, mais aussi le rétrécissement et le recentrage des produits d’exportation de certains pays avec les effets de la pandémie de Covid », explique-t-il dans le journal Vox Populi.
L’économiste algérien Rabah Arezki semble appuyer cette thèse, en relevant dans une tribune publiée par Le Monde que « l’Afrique est très vulnérable à la hausse des prix des produits énergétiques et alimentaires ». Il met en garde contre un « choc majeur » pour les ménages du continent, du fait des répercussions de l’offensive russe sur les marchés.
« L’invasion de l’Ukraine par la Russie a accentué la tendance à la hausse, déjà bien prononcée, des prix de l’énergie et des produits alimentaires. En plus d’être producteurs de gaz naturel et de pétrole, la Russie et l’Ukraine comptent ensemble pour à peu près 30 % de la production globale de blé et 80 % de l’huile de tournesol », a expliqué l’ancien économiste en chef de la Banque mondiale pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord.
Alors que le cessez-le-feu réclamé par l’Ukraine et la communauté internationale n’est pas encore obtenu, les sanctions des occidentaux continuent de se durcir contre la Russie, maintenant l’avenir économique du monde, notamment des Africains, dans une posture floue.