En portant Keir Starmer à leur tête, les travaillistes britanniques ont choisi une figure modérée et europhile, un ancien avocat spécialisé dans la défense des droits de l’Homme, pour mener l’opposition dans le Royaume-Uni de l’après-Brexit.
Elu à une large majorité samedi, cet homme de 57 ans au visage carré a réussi à rallier les centristes du parti, tout en parvenant à conserver le soutien des partisans de son prédécesseur, le très à gauche Jeremy Corbyn.
Keir Starmer a réussi ce pari en ne jetant aux orties ni le programme – qui prévoit des nationalisations massives – ni le radicalisme de l’ancien chef de parti travailliste, qui a subi aux élections législatives du 12 décembre une défaite sans commune mesure depuis 1935, notamment en raison du manque de clarté de sa position sur le Brexit.
Chargé depuis 2016 au sein du parti de cette question qui a déchiré le pays pendant plus de trois ans, Keir Starmer s’est nettement démarqué de la ligne attentiste de Jeremy Corbyn, en se prononçant pour un nouveau référendum et surtout pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.
Juste après le vote qui a vu le « leave » l’emporter à 52% en juin 2016, il a fait partie du mouvement de rébellion au sein du Labour contre Jeremy Corbyn, étrillé pour sa molle campagne pour le maintien dans l’UE.
Keir Starmer devra rassembler et mener à la victoire un parti éclaté par les divisions, qui a perdu les clés de Downing Street au profit des conservateurs depuis dix ans.
Il devra aussi assainir un parti gangréné par l’antisémitisme, que Jeremy Corbyn est accusé au mieux de ne pas avoir assez combattu, au pire d’avoir laissé complaisamment prospérer. C’est d’ailleurs l’un des engagements qu’il a pris sitôt élu, s’excusant de cette « tache » sur le parti.
Ni corbyniste ni blairiste (du nom de l’ancien Premier ministre Tony Blair, au libéralisme assumé), Keir Starmer déclarait en décembre au Guardian : « Je n’ai pas besoin du nom de quelqu’un d’autre tatoué sur le front pour savoir ce que je pense ».
« Starmer va être le bureaucrate compétent, celui qui fait les choses. (…) Il demandera au gouvernement de rendre des comptes », estime Steven Fielding, professeur d’histoire politique à l’université de Nottingham, interrogé par l’AFP.
– Défenseur puis accusateur –
Selon Andrew Rawnsley, éditorialiste de l’hebdomadaire de gauche The Observer, « beaucoup s’interrogent sur sa capacité à inspirer ».
Sérieux, parfois même décrit comme terne face à un Boris Johnson, au pouvoir depuis juillet, et haut en couleurs, Keir Starmer a plus un profil de juriste que de politique pur jus.
Il n’est d’ailleurs membre du Parlement que depuis 2015, élu dans la circonscription de Holborn et Saint-Pancras à Londres. Dans la foulée de la démission d’Ed Miliband après la défaite des travaillistes – la pire depuis 1987 – les proches de Keir Starmer le pressent de se lancer dans la course à la tête du parti. Faute d’expérience, il refusera et apportera son soutien à Andy Burnham, battu par Jeremy Corbyn.
Né le 2 septembre 1962, Keir Starmer avait pour camarade d’école le DJ Fatboy Slim, avec qui il prenait des cours de violon.
Son père était tourneur-ajusteur, sa mère, infirmière souffrant d’une grave maladie auto-immune, ce qui l’a amené à fréquenter les hôpitaux depuis sa jeunesse. Son épouse, avec qui il a deux enfants, travaille pour le NHS, le service public de santé britannique, qui a été au coeur de sa campagne.
Après des études de droit, à Leeds puis Oxford, il devient avocat et se spécialise dans la défense des droits de l’Homme. C’est ainsi qu’il mènera des batailles judiciaires contre la peine de mort dans les Caraïbes ou défendra des salariés de McDonald poursuivis pour avoir critiqué l’enseigne.
En 2008, il passe de défenseur à accusateur, en prenant la tête du parquet d’Angleterre et du Pays de Galles, poste qu’il occupera jusqu’en 2013.
Pendant cette période, il mène les poursuites contre des députés abusant de leurs frais de mandats, mais essuie des critiques pour avoir initialement refusé d’engager des poursuites contre un policier dans l’affaire de la mort d’un vendeur de journaux lors des manifestations de 2009 lors du G20 à Londres.
Fan d’Arsenal, il est passionné de foot, et joue tous les week-ends.