La NDE : une mutation économique à l’aune de la nationalisation - Journal du niger

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La NDE : une mutation économique à l’aune de la nationalisation

Niamey, 7 février 2025 — Dans un contexte dans lequel la gestion des ressources hydriques cristallise les enjeux de souveraineté…

Du quasi-symbolique 30 millions à 2 milliards FCFA : comment la nationalisation de la NDE redéfinit la souveraineté hydrique du Niger.

Niamey, 7 février 2025 — Dans un contexte dans lequel la gestion des ressources hydriques cristallise les enjeux de souveraineté et d’efficacité économique, le Niger opère un virage stratégique dont les répercussions financières défient les pronostics. Lors d’un entretien accordé à la RTN, le Colonel Abdoulaye Maizama, ministre de l’Environnement, de l’Hydraulique et de l’Assainissement, a dévoilé des données éloquentes : le remplacement de la SEEN (ex-filiale de Veolia) par la Nigérienne des Eaux (NDE), entité nationalisée, propulse les revenus étatiques de 30 millions à 2 milliards de FCFA annuels. Un saut quantique qui interroge autant qu’il impressionne.

De l’affermage à la souveraineté : un basculement tectonique

Jusqu’en 2023, la Société d’Exploitation des Eaux du Niger (SEEN), héritière de l’empreinte française de Veolia, gérait le secteur hydrique sous un modèle d’affermage. Ce système, où une entreprise privée administre un service public contre redevances, garantissait à l’État un dividende annuel de 30 millions de FCFA, une manne modeste au regard des défis d’accès à l’eau potable.

« Une goutte d’eau dans l’océan des besoins nationaux », aurait pu résumer un observateur. Pourtant, la décision de nationaliser la NDE en 2024, souvent perçue comme un pari audacieux, voire périlleux, révèle aujourd’hui une tout autre facette. Les projections budgétaires pour 2024 estiment les recettes à près de 2 milliards de FCFA, soit une multiplication par 66 des gains antérieurs.

Mécanismes d’une métamorphose : au-delà des chiffres

Comment expliquer une telle progression ? Le Colonel Maizama évoque une « reconfiguration intégrale des canaux de gouvernance ». En clair, la nationalisation a permis :

  1. La fin de la dilution des profits : exit les dividendes exportés vers les sièges étrangers. La NDE réinvestit intégralement ses excédents dans l’extension des réseaux et la maintenance.
  2. Une tarification repensée : alignement des prix sur les réalités socio-économiques locales, combiné à une lutte accrue contre les branchements frauduleux.
  3. L’optimisation logistique : suppression des coûts liés aux intermédiaires internationaux et mutualisation des achats de matériel.

Un modèle réplicable ? Prudence et perspectives

Si l’enthousiasme est de mise, certains économistes invitent à la circonspection. « Une performance à court terme ne garantit pas une pérennité », souligne Dr Aïchatou Bello, experte en politiques publiques. La dépendance aux subventions étatiques, la corruption endémique et les aléas climatiques (sécheresses, tarissement des nappes) pourraient éroder ces résultats.

Pourtant, le gouvernement mise sur un effet d’entraînement. « Cette réussite préfigure une vague de réappropriations sectorielles, de l’énergie aux télécoms », avance un conseiller présidentiel sous couvert d’anonymat. Une ambition qui, si elle se concrétise, pourrait redessiner l’échiquier économique nigérien.

En nationalisant la NDE, le Niger n’a pas seulement capté une ressource, il a revitalisé un symbole. L’eau, jadis marchandise, redevient bien commun, tandis que l’État retrouve un rôle de régisseur actif. Cette « hydraulique souveraine », pour reprendre les mots du ministre Maizama, tiendra-t-elle ses promesses face aux réalités du terrain ? Les prochains rapports budgétaires seront-ils à la hauteur des attentes ou risquent-ils de réveiller nos illusions ?

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