L’article 49-3 de la Constitution, auquel Edouard Philippe recourt pour le projet de réforme des retraites, permet au Premier ministre d’engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur un texte de loi, pour le faire adopter sans vote.
Sous la Ve République, cet outil a déjà été utilisé quelque 90 fois. L’article 49-3 s’est « progressivement mué en une arme multifonctionnelle, donnée à des Premiers ministres qui abusèrent des facilités qu’elle leur offrait », notait le spécialiste du droit constitutionnel Guy Carcassonne dans son ouvrage « La Constitution ».
Initialement prévu pour « remédier à l’absence de majorité », il peut aussi servir en cas d' »impatience de la majorité » pour abréger les débats, comme pour cette réforme des retraites qui patinait.
Le projet de loi est considéré comme adopté, sans vote, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée par l’Assemblée nationale. La motion est débattue au plus tôt 48 heures après son dépôt, et, si elle est approuvée par la majorité absolue des députés, le gouvernement doit démissionner.
L’article 49-3 ne peut être utilisé que sur un projet de loi budgétaire et un seul autre type de texte durant la session parlementaire. Mais une fois que le Conseil des ministres l’a autorisé, le Premier ministre peut le dégainer à chacune des lectures successives devant l’Assemblée nationale.
En revanche, il ne peut être utilisé devant le Sénat, celui-ci n’ayant pas le pouvoir de renverser le gouvernement.
Cette procédure est en principe peu risquée pour le gouvernement, car il est politiquement difficile à des députés de la majorité, même très critiques, de voter une motion de censure de l’opposition. Dans le cas présent, Edouard Philippe ne prend même aucun risque alors que sa majorité est largement assurée sur la réforme des retraites. C’est la première fois qu’il fait usage de cette arme de la Constitution.
Sous la Ve République, une seule motion de censure a été votée, en 1962, contre le gouvernement de Georges Pompidou. Le général de Gaulle, président de la République, avait alors dissous l’Assemblée, et les législatives s’étaient soldées par une large victoire de ses partisans.
Mais l’article 49-3 constitue souvent pour un gouvernement l’aveu de son impuissance à faire voter des textes cruciaux. Minoritaire à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Rocard (1988-1991) l’avait souvent utilisé.
Le dernier recours au 49-3 par un gouvernement de droite remonte à 2006 lorsque Dominique de Villepin avait fait passer le projet de loi Egalité des chances instaurant le Contrat première embauche (CPE), qui n’a finalement jamais vu le jour.
Manuel Valls l’a utilisé trois fois en 2015 pour faire passer la loi « pour la croissance et l’activité » de son ministre de l’Economie, Emmanuel Macron… alors très réticent.
Puis en 2016, il y a eu à nouveau recours à trois reprises pour faire adopter la loi Travail de Myriam El Khomri, ce qui avait poussé 56 députés de la majorité à tenter en vain de déposer une inédite motion de censure contre le gouvernement.
Lionel Jospin et François Fillon n’ont jamais utilisé le 49-3 quand ils étaient Premier ministre.