Le président ivoirien Alassane Ouattara, qui entretenait depuis des mois le mystère sur son éventuelle candidature à un troisième mandat, a annoncé jeudi à Yamoussoukro qu’il ne se présenterait pas à l’élection présidentielle en octobre 2020.
« Je vous annonce solennellement que j’ai décidé de ne pas être candidat à la présidentielle du 31 octobre 2020 et de transférer le pouvoir à une jeune génération », a-t-il lancé devant les parlementaires du Sénat et de l’Assemblée nationale réunis en Congrès extraordinaire.
Cette annonce faite au terme d’un discours d’une trentaine de minutes a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements de la part des élus mais aussi de centaines d’élèves et étudiants invités au Congrès.
« Prési! Prési! Merci! Merci! », ont scandé des jeunes.
La Constitution ivoirienne n’autorise que deux mandats, mais M. Ouattara, 78 ans, élu en 2010, puis réélu en 2015, estimait avoir le droit de se représenter en raison du changement de Constitution en 2016, ce que contestait l’opposition.
– L’opposition satisfaite –
« On est content qu’il laisse la place à la jeune génération. C’est un homme de parole. Je suis fier de mon président même si je ne suis pas un de ses partisans. Je suis fier qu’on fasse confiance à la jeunesse », a affirmé Daouda Bakayoko, élève-maître au Cafop (équivalent de l’Ecole Normale) de Yamoussoukro.
La décision d’Alassane Ouattara a été saluée dans les rangs de l’opposition.
« C’est une bonne décision qui permet au président Ouattara de sortir la tête haute de sa carrière politique. C’est un acte important qui permet d’apaiser l’environnement, de clarifier le jeu politique et d’offrir l’opportunité à la nouvelle génération de faire ses preuves », a ainsi affirmé l’opposant Pascal Affi Nguessan, ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo.
« Le message est aussi adressé à tous les hommes politiques de sa génération. Il appartient à chaque leader politique et surtout ceux de sa génération de se déterminer. C’est un défi qu’il leur a lancé et j’espère qu’ils seront à la hauteur », a poursuivi M. Nguessan, ne cachant pas « espérer être celui qui va prendre la relève ».
L’ancien président Henri Konan Bédié, qui aura 86 ans lors du scrutin n’a pas écarté l’idée de se présenter. Et le destin de Laurent Gbagbo, qui en aura 75, est lié à la décision de la Cour pénale internationale qui doit statuer sur son sort.
Le climat politique est tendu en Côte d’Ivoire avant la présidentielle d’octobre. Elle se tiendra dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011, née du refus du président en place, Laurent Gbagbo, de reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouattara, qui avait fait 3.000 morts.
– « Entre tristesse et respect » –
Les élections municipales et régionales de 2018 ont été marquées par de nombreuses violences et des fraudes.
Pour le moment, l’ancien Premier ministre Guillaume Soro, 47 ans, ex-chef de la rébellion pro-Ouattara, mais devenu un de ses adversaires, est le seul à s’être déclaré candidat à la présidentielle. Accusé de complot, sous le coup d’un mandat d’arrêt en Côte d’Ivoire, il vit actuellement en France.
Dans le camp du président, certains qui espéraient voir Alassane Ouattara briguer un troisième mandat ont fait part d’une certaine déception, comme le ministre Mamadou Touré, porte-parole adjoint du gouvernement, « partagé entre tristesse et respect ».
« Alassane Ouattara c’est 25 années de notre histoire, un combat difficile avec des militants tués, des moments forts, la victoire en 2010. Ouattara, c’est des performances économiques et sociales et beaucoup avaient le sentiment qu’il devait parachever le travail », a-t-il ainsi estimé.
« C’est une décision personnelle que nous respectons », a-t-il toutefois ajouté. « C’est aussi une leçon pour l’ensemble de la classe politique ivoirienne: il faut savoir céder la place. Et c’est un message qui fera écho sur le continent africain », a-t-il conclu.