Niamey, 20 février 2025 — Après cinq jours de délibérations intenses, les Assises Nationales de la Transition ont refermé leurs portes ce jeudi à Niamey, marquant un tournant historique pour le Niger. En effet, inaugurées le 15 février par le Général Tiani, ces assises ont réuni 716 délégués autour d’un objectif commun : sculpter les contours d’une nouvelle ère politique, sociale et économique. Par conséquent, les propositions des cinq sous-commissions, dévoilées en plénière, esquissent une refonte radicale des structures étatiques, oscillant entre pragmatisme réformateur et quête de souveraineté.
Sous-commission N° 1 : Paix, sécurité et réconciliation – Un triptyque pour stabiliser l’édifice national
Présidée par M. Idi Ango Omar, la première sous-commission a défendu une transition de trois ans, jugée nécessaire pour juguler les défis sécuritaires et sociétaux. Ainsi, les délégués, nourris par les témoignages des gouverneurs régionaux, ont diagnostiqué un pays sous tension : menaces terroristes persistantes dans l’espace AES, fractures sociales et défiance envers les institutions. Leurs recommandations, aussi techniques que symboliques, incluent la création d’une commission judiciaire de réconciliation pour apurer les contentieux historiques, un cadre d’autodéfense communautaire et un renforcement des services de renseignement.
Sur le plan institutionnel, ils proposent une architecture transitionnelle inédite : un Conseil consultatif, une Cour constitutionnelle et un Haut Conseil de la chefferie traditionnelle, autant de piliers pour ancrer la légitimité du processus. Par ailleurs, l’éducation civique, érigée en rempart contre les divisions, devra inculquer des valeurs de « solidarité, équité et fraternité », selon le rapport final.
Sous-commission N° 2 : Refondation politique – La table rase institutionnelle
La sous-commission N° 2 a frappé un coup de semonce en préconisant la dissolution des partis politiques existants et l’interdiction de leurs appellations. Face à un système électoral qualifié de « fragile et clientéliste », les délégués militent pour un multipartisme contrôlé, encadré par une charte redessinée et une Constitution alignée sur les « valeurs socio-culturelles et religieuses ».
En outre, leur projet institutionnel, teinté de verticalité, limite le Parlement à 100 députés (avec un quota féminin) et les ministères à 20 départements, tout en instaurant un code électoral consensuel. Plus audacieux encore : la création d’un ministère de la Refondation, chargé d’opérer une « mue des mentalités », et d’un mécanisme pour garantir la pérennité des institutions républicaines. Une vision qui mêle austérité structurelle et volonté de rupture.
Sous-commission N° 3 : Économie et développement – Le pari d’une transition quinquennale
Contrastant avec la proposition de trois ans, la sous-commission N° 3, dirigée par M. Salha Haladou, plaide pour une transition de cinq ans renouvelable, le temps de « repenser les fondements économiques ». Leurs recommandations, ambitieuses, visent une refonte monétaire au sein de l’AES pour stimuler la croissance, un financement inclusif des mégaprojets et une rationalisation des ministères.
Dans un registre plus conservateur, les délégués exigent l’interdiction des programmes LGBT+, un contrôle accru des médias et un service militaire et civique obligatoire. Paradoxalement, ils appellent à une « culture du suivi-évaluation » dans les services publics, insistant sur la transparence des politiques publiques.
Sous-commission N° 4 : Géopolitique – La diplomatie au service de la souveraineté
Réinventer la politique étrangère : tel est le credo de la sous-commission n° 4. Ses membres prônent une diplomatie dépolitisée où les nominations d’ambassadeurs se fonderaient sur le mérite et l’expérience, non sur les loyautés partisanes. Ils recommandent de fermer les ambassades dans les pays « sans intérêt stratégique » et de redéployer ces ressources vers des partenariats ciblés, notamment avec la CEDEAO.
L’acquisition des représentations diplomatiques à l’étranger et l’organisation d’un forum annuel de la diaspora figurent parmi les mesures phares, soulignant une volonté de reconquête symbolique et économique.
Sous-commission N° 5 : Justice — Entre pardon et exigence de vérité
La sous-commission N°5 a navigué entre deux eaux : exiger des comptes pour les scandales politico-financiers (Uranium-gate, MDN-gate) tout en prônant l’amnistie pour les acteurs du coup d’État de juillet 2023. Les délégués réclament la lumière sur l’assassinat de l’ex-président Baré Mainassara et sur les massacres de Téra, Inatès et Chinagoder.
Ils défendent également une justice sociale tangible : réhabilitation des anciens travailleurs de la COMINAK, équité pour les admis aux concours de la fonction publique et libération des prisonniers « dans le cadre de la réconciliation nationale ». Un équilibre fragile entre réparation et apaisement.
L’audace d’un nouveau contrat social
En somme, les Assises de Niamey ont dessiné les linéaments d’un Niger en quête de renaissance. Entre durées de transition divergentes, dissolution des partis et réformes économiques audacieuses, les propositions révèlent une tension entre urgence pragmatique et idéalisme refondateur. Certes, si certaines mesures, comme le contrôle des médias ou l’interdiction des programmes LGBT+, interrogent, l’ensemble témoigne d’une volonté de rompre avec les schémas du passé.
Par conséquent, le défi sera désormais d’éviter les écueils de la fragmentation et de traduire ces recommandations en actes tangibles. Dans ce laboratoire institutionnel, le Niger tente d’écrire une nouvelle page, où souveraineté, justice et équilibre géopolitique deviendraient les piliers d’un État enfin réinventé. L’histoire jugera si ces assises auront été le prélude d’un printemps nigérien ou une énième tentative avortée.