Devant des milliers de personnes, baignée par le halo des projecteurs, Elizabeth Warren semblait dans un meeting de campagne à l’automne avoir l’investiture démocrate et la Maison Blanche en vue. Mais l’ambition de la sénatrice progressiste s’est effondrée à l’épreuve des urnes.
« Des cours universitaires vont être dédiés à l’effondrement mystérieux et total d’Elizabeth Warren. C’est extraordinaire », a réagi, juste après l’avalanche de votes du « Super Tuesday », la journaliste et vétéran de la politique américaine, Mara Liasson, sur la radio publique NPR.
Arrivée en octobre jusqu’au sommet des sondages pour les primaires démocrates, la sénatrice progressiste âgée de 70 ans n’a pas gagné un seul de la vingtaine de scrutins organisés depuis le début des primaires, le 3 février.
Pire, elle n’est arrivée que troisième dans l’Etat du Massachusetts qu’elle représente fièrement au Sénat depuis 2013, et quatrième dans celui où elle est née, l’Oklahoma.
Seule femme pouvant encore peser dans la course à l’investiture démocrate avant mardi, Elizabeth Warren semblait bien avoir perdu toute chance de devenir la première présidente des Etats-Unis.
Ancienne professeure en droit, pourfendeuse de Wall Street, elle « réévaluait » mercredi sa candidature après ces résultats humiliants.
Selon le Washington Post, ses alliés étaient en pourparlers avec l’entourage du sénateur indépendant Bernie Sanders –qui fait campagne nettement à gauche– mais s’entretenaient aussi avec l’ancien vice-président plus au centre Joe Biden.
Avec une seule question en tête: va-t-elle se retirer de la course en accordant son soutien à l’un d’eux ?
La sénatrice d’ordinaire combative est restée très silencieuse mercredi, se contentant de retweeter un message de son chef de campagne.
Un calme qui contraste avec l’ambiance de ses meetings de campagne.
« Rêvons en grand, battons-nous fort, à nous de gagner! »: la foule, d’abord quelques centaines puis des milliers, reprenait en coeur son cri de ralliement à travers les Etats-Unis.
« Il est temps qu’une femme entre à la Maison Blanche », avaient scandé spontanément des élus locaux qui la soutenaient dans l’Iowa, avant le premier scrutin des primaires.
Depuis, elle a enchaîné les défaites.
– Sexisme? –
« Warren s’est fait déborder par Sanders sur sa gauche et par les candidats plus modérés sur sa droite », explique à l’AFP Kyle Kondik, politologue à l’université de Virginie.
« Le problème d’Elizabeth Warren, c’est qu’elle n’est pas parvenue à trouver un moyen d’attaquer Bernie tout en courtisant ses électeurs », renchérit Tobe Berkowitz, professeur en communication à l’université de Boston.
Les deux sénateurs progressistes se disent « amis » depuis plus de trente ans mais le ton est bien monté depuis janvier.
Ils se sont traités mutuellement de menteurs autour d’une question brûlante: M. Sanders lui aurait-il dit, comme Mme Warren l’affirme, qu’une femme ne pourrait jamais gagner face au républicain Donald Trump?
Le sexisme a pesé sur sa candidature, estime Jessica Valenti, une auteure féministe.
La première explication des commentateurs pour ses défaites va « probablement porter sur les craintes concernant sa capacité à être élue » face à M. Trump, écrivait-elle mercredi sur le site Medium. « Ne me dites pas que cela n’a rien à voir avec du sexisme. J’ai passé l’âge ».
– Revirement –
Entrée en lice dès décembre 2018, Elizabeth Warren s’était présentée aux électeurs démocrates se targuant d’avoir « un projet » pour toutes les grandes questions.
Avec une exception notable: le chiffrage de la grande question qui préoccupe les Américains, le système de santé.
Elle avait finalement dévoilé en novembre son projet, en optant pour une refonte en profondeur vers une couverture universelle, sur la même ligne que Bernie Sanders. Contrairement à lui, elle avait révélé le détail de son plan de financement pour couvrir les milliers de milliards de dollars qu’elle coûterait.
Un moment pivot dans la campagne de celle qui avait jusqu’ici voulu se présenter en progressiste pouvant aussi attirer des modérés.
Plus récemment, elle avait été critiquée pour un revirement notable. Après avoir éreinté ses rivaux modérés aidés par des comités d’action politique (Super PAC), qui soutiennent les campagnes des candidats aux Etats-Unis, elle a à son tour accepté, en février, l’aide très conséquente d’un Super PAC.
Ancienne électrice républicaine, née de parents modestes, Elizabeth Warren a aussi été visée sans relâche par les piques de républicains, Donald Trump en tête, sur les origines amérindiennes qu’elle a longtemps revendiquées et qui se sont révélées être en fait très diluées.
Mais il y a aussi quelque chose d’intangible, comme parfois en politique, derrière ses défaites, souligne Tobe Berkowitz.
Les électeurs « veulent quelqu’un dont ils pensent qu’il va se battre pour eux et est +authentique+. Pour une raison ou une autre, Trump et Bernie sont parvenus » à se présenter comme cela. « Pas Warren ».