L’ONU s’efforce mardi d’empêcher la rupture de pourparlers interlibyens à Genève, au lendemain de l’annonce par les deux camps rivaux de la suspension de leur participation au dialogue politique censé démarrer mercredi.
Plus de huit ans après la chute de Mouammar Kadhafi, qui a plongé la Libye dans le chaos, ces pourparlers politiques visent notamment à mettre fin aux divisions et former un nouveau gouvernement unifié.
Entamé en 2017 et interrompu à plusieurs reprises, ce processus a été mis à mal en avril 2019 lorsque le maréchal Haftar, homme fort de l’est de la Libye, a lancé une offensive pour prendre Tripoli, siège du Gouvernement national d’union (GNA), reconnu par l’ONU.
Le porte-parole de la mission de l’ONU en Libye (Manul), Jean El Alam, a affirmé mardi à l’AFP que le lancement « du dialogue politique débutera demain (mercredi) comme prévu ».
Ces discussions doivent inclure 13 représentants du Parlement, basé dans l’est du pays et qui appuie le maréchal Khalifa Haftar, 13 représentants du Haut conseil d’Etat (équivalent d’un sénat) qui soutient le GNA, et des personnalités invitées par l’émissaire de l’ONU, Ghassan Salamé.
« L’ONU s’attend à ce que les pourparlers aient lieu demain », a également déclaré Rhéal Leblanc porte-parole des Nations unies à Genève, lors d’une conférence de presse.
– « Progrès considérables » –
Lundi pourtant, le parlement pro-Haftar et son rival le Haut conseil d’Etat ont annoncé séparément avoir « suspendu » leur participation aux pourparlers politiques, invoquant des raisons différentes.
Des sources parlementaires à Tripoli et à Benghazi (est) ont indiqué à l’AFP que la Manul tentait mardi de les convaincre d’y prendre part.
Dans un communiqué, la Manul a appelé les différentes parties « à placer les intérêts de la Libye et des Libyens au-dessus de toute autre considération afin de mettre fin rapidement aux souffrances de leur propre peuple, qui paie un lourd tribut chaque jour ».
Les ambassades de France, d’Allemagne, d’Italie, du Royaume-Uni et des Etats-Unis, ainsi que la délégation de l’Union européenne en Libye, ont aussi appelé dans un communiqué les deux camps à « ne pas faire obstruction » au dialogue.
Elles se sont félicitées par ailleurs des « progrès considérables accomplis dans les pourparlers facilités par l’ONU à Genève vers un cessez-le-feu durable en Libye ».
Le texte fait référence à la réunion d’une Commission militaire conjointe qui s’est réunie jusqu’à dimanche à Genève.
A l’issue de ces pourparlers indirects, les deux camps sont parvenus à un « projet d’accord de cessez-le-feu » qui doit être finalisé en mars, selon la Manul.
L’agenda des discussions à Genève « sera inspiré de la grande conférence nationale (qui visait à organiser des élections) que nous tentions de faire l’année dernière si la guerre n’avait pas éclaté », a indiqué M. Salamé à l’AFP.
Une trêve a été conclue en janvier sous les auspices de la Russie, soutien du maréchal Haftar, et de la Turquie, alliée de M. Sarraj, mais elle a été régulièrement violée.
Depuis le début de l’offensive du maréchal Haftar sur Tripoli, les affrontements ont fait plus de 1.000 morts.
L’ONU a dénoncé l’ingérence de plusieurs acteurs internationaux dans le conflit en Libye, et en janvier à Berlin, les représentants d’une douzaine de pays, soutenant l’un ou l’autre camp, avaient promis de ne plus interférer dans les affaires intérieures libyennes.
– Turcs tués en Libye –
La Turquie qui a déployé ces dernières semaines des militaires pour soutenir le GNA a fait état mardi de la mort de deux soldats turcs en Libye.
Dans l’autre camp, le maréchal Haftar est soutenu notamment par les Emirats arabes unis et l’Egypte. Selon plusieurs pays, des mercenaires russes combattent en outre à ses côtés.
La Libye est minée par les violences et les luttes de pouvoir depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.
Cette instabilité a empêché ce riche pays qui dispose des réserves de pétrole les plus abondantes d’Afrique de profiter pleinement de sa manne pétrolière, sa seule source de revenu.
La Compagnie nationale de pétrole (NOC) a déploré mardi la chute de la production à 122.430 barils par jour contre plus de 1,2 million, avant que des groupes pro-Haftar commencent à bloquer le 18 janvier les principaux sites pétroliers du pays.
La NOC a estimé le manque à gagner à plus de 2,1 milliards de dollars depuis le début de ce blocage.