Ce vendredi, le Canada a tourné une page de son histoire politique avec l’assermentation de Mark Carney comme premier ministre, succédant à Justin Trudeau après près de dix ans de pouvoir. Dans un contexte où les vents géopolitiques soufflent en rafales entre les velléités de Donald Trump sur la souveraineté canadienne et une guerre commerciale avec les États-Unis, l’arrivée de cet ancien banquier central, novice en politique élective, dessine une ère aussi audacieuse qu’incertaine.
Un héritage en demi-teinte et une passation sous tension
Justin Trudeau a officialisé son retrait par un message empreint de gratitude sur X : « Merci, Canada, de m’avoir accordé le privilège de servir le meilleur pays et les meilleures personnes de la planète. » Une sortie en douceur contrastant avec les remous de son dernier mandat : sondages en chute libre, usure du pouvoir et une relation transfrontalière déchirée par les caprices protectionnistes de l’administration Trump. Ironie du sort, c’est précisément cette animosité croissante envers le président américain qui a redonné des couleurs aux libéraux, évitant au parti un naufrage anticipé.
Carney, l’outsider des crises
Élu à la tête du Parti libéral le 9 mars par une victoire écrasante, Mark Carney incarne ainsi un pari risqué. L’ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, architecte de la relance post-Covid, n’a jamais siégé au Parlement. Un profil atypique pour un premier ministre, mais un atout dans un pays en quête de stabilité économique. « Il a navigué dans les eaux troubles des krachs financiers ; aujourd’hui, il doit affronter une tempête bien plus polymorphe », analyse un éditorialiste d’Ottawa.
Parmi ses premiers gestes, la nomination de Chrystia Freeland au ministère des Transports surprend. En effet, l’ex-ministre des Finances, rivale malheureuse lors de la course à la direction libérale, voit son expertise réorientée vers un portefeuille stratégique, symbole d’un cabinet où l’équilibre des forces prime.
L’équation Trump et l’échéance électorale
Le défi le plus épineux reste celui des relations avec Washington. Donald Trump, dans sa rhétorique habituelle, a récemment qualifié le Canada de « protectorat économique », exigeant des concessions sur les ressources énergétiques et l’industrie automobile. Carney, habitué des négociations internationales, devra manier la fermeté sans envenimer un dialogue déjà exsangue.
L’élection fédérale, prévue d’ici à la fin de l’année, ajoute une pression supplémentaire. Les libéraux, bien que regagnant du terrain, font face à un électorat polarisé : entre l’urgence climatique, l’inflation tenace et la défense de l’identité nationale, Carney doit incarner à la fois le changement et la continuité.
Un pari historique
En acceptant le pouvoir, Mark Carney hérite d’une nation à la croisée des chemins. Son mandat, même éphémère, pourrait sceller le destin d’un libéralisme canadien en quête de renouveau. Mais dans l’arène politique, où les chiffres remplacent les taux d’intérêt et les électeurs supplantent les marchés, sa réussite dépendra d’une alchimie encore inédite : transformer le pragmatisme d’un banquier en intuition politique.
Alors que le crépuscule de Trudeau s’estompe, le Canada retient son souffle. Carney, navigateur des crises globales, saura-t-il éviter l’écueil des tempêtes locales ? L’histoire, désormais, s’écrit au rythme des urnes.