Niamey, 3 février 2025 — Sous un ciel limpide de saison sèche, Niamey a vibré ce lundi au rythme d’une cérémonie charnière pour l’avenir administratif et économique du Niger. En effet, le Premier ministre Ali Mahmane Lamine Zeine, cumulant les casquettes de chef du gouvernement et de ministre de l’Économie et des Finances, a posé la première pierre d’un édifice appelé à incarner la renaissance douanière du pays : le futur siège de la Direction générale des Douanes. Un projet pharaonique, à la croisée des enjeux de modernité, de coopération régionale et d’affirmation nationale.
Siège des douanes : un colosse de béton au service de l’efficacité
Érigé sur un terrain de 8 715 m², ce géant de dix étages, confié à l’entreprise nigérienne EGBTP, se veut bien plus qu’un simple bâtiment. Avec ses 151 bureaux, ses salles de réunion aux dimensions stratégiques et son auditorium pouvant accueillir 280 personnes, il aspire à devenir le cerveau logistique des contrôles frontaliers. Un sous-sol technique, des annexes polyvalentes et un parking de 200 places complètent cette architecture pensée pour désengorger les services éparpillés, jusqu’alors logés dans un héritage colonial aussi vétuste qu’inadapté, selon le colonel Abu Obandawaki, directeur général des douanes.
D’une durée de 15 mois, le chantier s’inscrit dans une vision plus large : « transformer l’administration publique en catalyseur de développement », a martelé le Premier ministre. Un discours où transparaissait la volonté de faire des douanes un rempart économique, capable de maximiser les recettes fiscales tout en sécurisant les frontières, dans un contexte régional marqué par les défis sécuritaires et les ambitions de l’Alliance Sahel (AES).
Souveraineté et synergies régionales : le double défi
Ali Mahmane Lamine Zeine n’a pas occulté l’urgence géopolitique. Ainsi, en évoquant le rôle des douanes comme gardiennes de l’intégrité territoriale, il a implicitement répondu aux critiques sur la perméabilité des frontières. Un message renforcé par la présence de M. Amadou Konaté, vice-président de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, qui a plaidé pour une harmonisation des politiques douanières avec le Mali et le Burkina Faso. Par ailleurs, cette coopération trilatérale est présentée comme un levier incontournable pour lutter contre les trafics et fluidifier les échanges au sein de l’AES.
Le Premier ministre a également salué les orientations visionnaires du général Abdourahamane Tiani, chef de l’État, insistant sur l’impératif d’achever les travaux dans les délais. Une rapidité qui contraste avec les lenteurs souvent dénoncées dans les projets publics, mais justifiée par l’enjeu : doter le Niger d’un outil conforme aux exigences du XXIe siècle.
Valorisation des compétences locales : un choix politique
Fait notable, le contrat attribué à EGBTP, entreprise nigérienne, n’est pas anodin. Le gouvernement y voit une manière de cultiver l’expertise autochtone tout en stimulant l’emploi. Confier ce projet à des mains nationales, c’est affirmer notre capacité à construire nous-mêmes notre avenir, a déclaré le Premier ministre, dans une allocution où transparaissait une fierté teintée de défi.
Entre ruptures et continuité
Si certains observateurs pointent le risque d’un projet vitrine dans un pays où les infrastructures peinent parfois à répondre aux besoins basiques, les autorités assurent que ce siège incarne une rupture tangible avec les pratiques du passé. Pour le colonel Obandawaki, il s’agit ni plus ni moins de tourner la page d’un héritage colonial inadapté, où les douaniers œuvraient dans l’ombre de locaux exigus.
Alors que les pelleteuses s’apprêtent à entrer en action, une question persiste : ce bâtiment, symbole de modernité, saura-t-il aussi devenir un creuset de transparence et d’efficacité ? La réponse, attendue pour 2026, dépendra autant des murs qui s’élèveront que des hommes qui les habiteront.