Le convoi militaire ravitailleur de l’armée française parti de Côte d’Ivoire est enfin arrivé à Gao, après de nombreux heurts et manifestations sur la route, contre la présence de la France au Sahel, qui ont notamment fait trois morts au Niger. Récit et explications.
Un convoi militaire français en route pour le Mali depuis la Côte d’Ivoire il y a dix jours, est finalement arrivé, dans la nuit de dimanche à lundi, à Gao. Son parcours a été émaillé d’affrontements et de manifestations qui ont fait notamment trois morts au Niger.
Ces incidents, les premiers de ce genre, mettent de nouveau en lumière la question de la présence de la force française au Sahel, selon le grand reporter de France 24 Cyril Payen. « C’est un événement qui est pris au sérieux au plus haut sommet de l’État major français et sans doute au-delà », explique notre journaliste. « On est dans une période un peu compliqué de redimensionnement de l’opération Barkhane ».
La présence militaire française au Sahel, déployée dans le cadre de l’opération Barkhane de lutte contre les groupes jihadistes, est de plus en critiquée dans ses anciennes colonies comme au Niger, au Burkina Faso et dans d’autres pays d’Afrique de l’ouest. « Sans ce cordon ombilical terrestre, cela va être compliqué de continuer cette opération dans les termes actuels », précise le reporter de France 24. « Cela peut créer un précédent ».
« C’est un scénario catastrophe pour cette opération en pleine mutation », résume Cyril Payen.
« Il a fallu rester calme et patient »
Ce convoi, le 32e depuis le début de l’opération à Gao, avait été pris pour cible samedi lors de son entrée sur le sol nigérien après avoir été bloqué une semaine au Burkina Faso par plusieurs centaines de personnes protestant contre la présence de la France au Sahel.
« On devait escorter un convoi d’Abidjan jusqu’à Gao. Nous avons commencé notre convoi le dimanche 14 novembre. Nous avons fait face à des premières manifestations, provocations et intimidations au Burkina Faso de la part de manifestants assez déterminés », a raconté sur l’antenne de France 24, le capitaine François-Xavier, commandant d’unité du 2e REP, chef du convoi militaire. « Cela a nécessité d’attendre que la situation se calme avant de traverser ».
Moins de 30 km après le passage de la frontière du Niger, il a fait face à de nouvelles manifestations à proximité de la ville de Téra, dans l’ouest, où il effectuait une pause pour la nuit. « Cette fois-ci, ce blocage était plus important, mieux organisé et l’ensemble du convoi a été attaqué dont notamment les civils que nous devions escorter », explique le capitaine François-Xavier.
« On a fait face à une situation qui était vraiment inattendue. Il a fallu rester calme et patient », ajoute-t-il. « On parle de manifestations, mais j’ai l’impression d’avoir fait face à des scènes de guérilla urbaine ».
« Je sentais que la situation pouvait dégénérer. Mon objectif était de sortir de cette situation qui était très tendue », raconte ce militaire français.
Dans un communiqué, le ministère nigérien de l’Intérieur a précisé dimanche que la force française Barkhane, sous escorte de la gendarmerie nationale, « dans sa tentative de se dégager » a « fait usage de la force ». Il a fait alors état d’un bilan de 2 morts et 18 blessés dont 11 graves. « Une enquête est ouverte pour déterminer les circonstances exactes de cette tragédie et situer les responsabilités », a poursuivi le ministère.
Selon le capitaine François-Xavier, « il n’y a pas eu d’utilisation d’armes contre la foule ». « Je ne peux pas confirmer le bilan qui a été annoncé », a-t-il déclaré.
source: France 24