Les 193 pays de l’Assemblée générale de l’ONU ont adopté lundi une résolution appelant à un « accès équitable » aux « futurs vaccins », lors d’une procédure singulière liée au Covid-19 qui revient à leur donner un droit de veto inédit dans cette enceinte.
Non contraignant, le texte du Mexique adopté par consensus demande de « renforcer la coopération scientifique internationale pour combattre le Covid-19 et d’intensifier la coordination », y compris avec le secteur privé.
En temps ordinaire, les membres de l’Assemblée générale n’ont pas de droit de veto, privilège depuis la création de l’Organisation il y a 75 ans des seuls cinq membres permanents du Conseil de sécurité: Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume Uni.
En temps ordinaire, ils approuvent les textes par consensus sans scrutin ou à la majorité des voix lors de votes électroniques ou par bulletins secrets lorsqu’il s’agit d’élections.
Sans possibilité de se réunir pour cause de confinement, l’Assemblée a imaginé une nouvelle procédure applicable jusqu’à fin mai, voire fin juin si les services médicaux de l’ONU confirment leur recommandation d’éviter jusqu’à cette échéance tout rassemblement physique au siège à New York.
Lorsqu’un pays finalise un projet de texte, il le transmet au président de l’Assemblée qui lance un vote « sous silence » avec un terme quelques jours plus tard. Si aucun membre ne casse le silence, le texte est considéré comme adopté. A défaut, il est rejeté.
Autrement dit, chaque membre de l’ONU dispose d’un « droit de veto » sur le texte d’un autre, confirment des diplomates. Avec aussi le risque de se voir cloué au pilori par tous les autres s’il active seul la rupture de silence.
Pour l’Assemblée, la nouvelle procédure était indispensable pour continuer à adopter des textes ne pouvant être repoussés, comme des autorisations budgétaires. Elle pousse certes au consensus et à l’adoption de textes. Mais elle donne aussi le droit à un pays de bloquer l’ensemble de la machine onusienne…
Dans le cas de la résolution mexicaine, consensuelle, personne ne s’y est risqué. Pas plus que lors de la première adoption d’un texte portant sur le Covid-19 le 3 avril qui réclamait une « coopération » internationale pour mieux lutter contre la maladie.
En revanche, ce même 3 avril, un texte de la Russie appelant à la levée de sanctions internationales au motif de faciliter aussi le combat contre le Covid-19 a été sèchement bloqué par l’Ukraine, la Géorgie, les Etats-Unis et l’Union européenne.
– Sueurs froides –
Cette semaine, Moscou revient à la charge avec un nouveau projet de résolution qui demande encore de s’abstenir de sanctions. Son texte prévoit un engagement des Etats membres « à faire face aux défis mondiaux en bons voisins, en s’abstenant d’appliquer des mesures protectionnistes et discriminatoires en contradiction avec les règles de l’Organisation mondiale du Commerce ».
Il est soumis à un vote « sous silence » expirant mercredi à 16h00 GMT. Tout comme un projet de l’Arabie Saoudite, présidente du G20, insistant sur la nécessaire « coopération » face au Covid-19.
Selon des diplomates, le projet saoudien devrait être adopté alors que la nouvelle initiative russe est vouée à l’échec.
La nouvelle procédure d’adoption instituée par l’Assemblée générale était « nécessaire mais elle est incomplète », analyse un diplomate sous couvert d’anonymat. Les consultations avant le vote sont limitées, et sans unanimité il n’y a pas d’adoption. « C’est moins démocratique » qu’avant, estime le même diplomate.
Pour mettre de l’ordre dans les propositions de textes sur le Covid-19 afin d’éviter une « prolifération » sur un même sujet, l’Assemblée générale s’est dotée lundi de deux « coordonnateurs » (Afghanistan et Croatie).
L’Espagne et l’Egypte, qui travaillent sur des résolutions sur la protection des femmes et des filles, pourraient être contraintes de s’entendre sur un texte unique avant une mise au vote.
L’Assemblée devra aussi trancher le cas épineux de l’élection de cinq nouveaux membres non permanents au Conseil de sécurité pour la période 2021-2022, programmée le 17 juin.
A défaut d’une rencontre dans la vaste chambre de l’Assemblée au siège de l’ONU, y aura-t-il un vote électronique pour ce scrutin habituellement secret avec bulletins et urnes? Comment éviter les manipulations et garantir la transparence de la procédure?
Parmi les candidats faisant face à des rivaux – Canada, Irlande, Norvège, Djibouti, Kenya -, certains ont déjà des sueurs froides, selon des diplomates.