A 38 ans, il rêvait de « faire mentir les sceptiques » et d’accéder à la Maison Blanche. Pete Buttigieg n’a pas réussi son coup. Mais il a marqué les esprits.
La voix de ce trentenaire polyglotte ouvertement homosexuel a fait souffler un vent frais sur les primaires démocrates dont les deux favoris – Bernie Sanders et Joe Biden – sont septuagénaires et ont siégé pendant des décennies au Sénat.
Doté d’un patronyme imprononçable – dont il avait fait un argument de campagne – il s’était lancé sans autre expérience que la gestion pendant huit ans de la ville de 100.000 habitants où il est né, South Bend, dans l’Indiana.
Très à l’aise durant les débats ou sur les estrades de campagne, « Mayor Pete » était mû par une indéniable confiance en lui, qualifiée d’arrogance par ses détracteurs qui ironisaient sur ce jeune homme trop impatient.
Sa victoire initiale dans l’Iowa lui avait laissé entrevoir l’hypothèse d’un succès final face à des candidats entrés en politique avant sa naissance. Mais son absence de soutien chez les Noirs, électorat traditionnel des démocrates, lui a coûté cher.
Sa foi en son destin ne date pas d’hier. Lycéen, Pete Buttigieg se souvient d’avoir levé la main quand un professeur demanda qui aimerait devenir président.
– Harvard, Oxford, McKinsey –
Peter Paul Montgomery Buttigieg est né le 19 janvier 1982 à South Bend, de parents professeurs d’anglais à l’université de Notre Dame. Son père, spécialiste du philosophe marxiste Antonio Gramsci, était un immigré maltais venu faire son doctorat aux Etats-Unis, où il a rencontré sa mère.
Fils unique, Pete Buttigieg excelle à l’école. Son parcours est typique des premiers de la classe: il entre à Harvard, obtient une bourse prestigieuse et part deux ans à Oxford, avant d’être recruté par le grand cabinet de conseil McKinsey, en 2007: « rien de très excitant », selon lui.
A 25 ans, la politique le ramène à South Bend. Il se présente à l’élection de trésorier de l’Indiana et est largement battu. Mais en 2011, le poste de maire s’ouvre et il se fait élire. Ce sera son tremplin.
Réserviste de la Navy depuis quelques années, le maire est envoyé sept mois en Afghanistan en 2014, comme analyste de renseignement.
Avait-il déjà des arrière-pensées politiques au moment d’entrer dans l’armée? « Si la réponse était oui, est-ce que cela rendrait mon service moins pur? » a-t-il répondu dans le podcast The Daily.
Toutes ces années, il vit avec un secret enfoui: il est homosexuel. « Si vous m’aviez donné une pilule pour devenir hétéro, je l’aurais avalée avant même le verre d’eau », a-t-il confié l’an dernier.
Son coming-out, il ne le fera qu’en 2015, avant d’être réélu maire. Par une application de rencontre (Hinge), il rencontre ensuite Chasten Glezman, qui prendra son nom de famille après leur mariage en 2018. Le couple veut des enfants.
« Mon mariage avec Chasten », dit-il, « m’a rapproché de Dieu ».
Pete Buttigieg cultive cette image d’homme du Midwest, traditionnel, croyant (baptisé catholique, il va dans une église épiscopalienne). Au point qu’il est caricaturé dans la célèbre émission Saturday Night Live comme un gentil garçon timide et ennuyeux.
Quand il se déclare officiellement candidat, en avril 2019, il concède « l’audace » de sa candidature — allusion évidente à « l’audace d’espérer » professée par Barack Obama en son temps.
« Chaque fois que mon parti est entré à la Maison Blanche ces cinquante dernières années, ce fut avec un candidat nouveau venu sur la scène nationale », dit-il aussi en évoquant Jimmy Carter, Bill Clinton et Barack Obama.
La comparaison est très avantageuse: les deux premiers étaient gouverneurs, le dernier sénateur. Mais il est vrai que le camp Obama a tôt remarqué le jeune maire aux phrases ciselées et à la voix de baryton.
Peu après la victoire de Donald Trump, le président sortant avait été interrogé par le New Yorker sur la relève démocrate. M. Obama avait cité un sénateur et une sénatrice, puis ajouté: « Et puis il y a ce gars de South Bend, dans l’Indiana, le maire », sans se souvenir de son nom.