Le procès de deux universitaires français détenus en Iran depuis juin, Fariba Adelkhah et Roland Marchal, accusés de crimes contre la sécurité nationale de l’Etat, s’ouvrira le 3 mars à Téhéran, a déclaré mardi leur avocat à l’AFP.
Franco-iranienne, Mme Adelkhah est poursuivie pour « propagande contre le système » politique de la République islamique d’Iran et « collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale ». Seul ce dernier chef d’accusation est retenu contre M. Marchal, son compagnon.
« La date du procès a été fixée pour le 13 Esfand (du calendrier iranien, soit le 3 mars) à 09h00 », a dit Me Saïd Dehqan, joint au téléphone par l’AFP.
Le procès doit avoir lieu devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran.
Affirmant avoir « vu leur acte d’accusation » lundi au greffe de ce tribunal, Me Dehqan a nié que les deux chercheurs aient été jugés et condamnés comme l’avait affirmé plus tôt mardi le porte-parole de l’Autorité judiciaire, Gholamhossein Esmaïli.
Mme Adelkhah et M. Marchal « ont été jugés en présence de leur avocat, condamnés, et purgent actuellement leur peine », a dit M. Esmaïli lors de sa conférence de presse hebdomadaire télévisée sans fournir la moindre explication supplémentaire sur le verdict supposé avoir été prononcé à l’encontre des deux Français.
Au contraire, a déclaré M. Dehqan, « nous sommes en train de préparer notre défense » en vue du procès.
Dans son compte-rendu de la conférence de presse de M. Esmaïli, Mizan Online, l’agence officielle de l’Autorité judiciaire, ne mentionne pas les propos du porte-parole sur la condamnation des deux chercheurs du Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris.
– Refus des « ingérences » –
Citant le porte-parole, Mizan écrit que « l’acte d’accusation (contre Mme Adelkhah et M. Marchal) a été émis », que « les suspects sont en prison et (que) leur procès aura lieu le (3 mars) en présence de leur avocat ».
Mme Adelkhah est une anthropologue renommée, spécialiste du chiisme. M. Marchal est lui spécialiste de la Corne de l’Afrique.
Paris ne cesse de réclamer leur libération, mais face à ces demandes répétées, Téhéran dénonce régulièrement ce qu’il présente comme une ingérence dans ses affaires intérieures.
L’Iran ne reconnaît pas la double nationalité. Les arrestations d’étrangers en Iran, notamment binationaux, accusés souvent d’espionnage, se sont multipliées depuis le retrait unilatéral en 2018 des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien et le rétablissement de dures sanctions américaines contre Téhéran.
M. Esmaïli a encore répété mardi que l’Iran n’acceptait pas les ingérences étrangères dans ses affaires judiciaires internes. « Nous nous souvenons que c’est la France qui a protégé l’un des plus grands suspects de crimes liés à la sûreté de l’Etat dans notre pays, Rouhollah Zam, jugé » à huis clos en Iran, a-t-il ajouté.
M. Zam est un opposant iranien qui était exilé en France.
En octobre dernier, les Gardiens de la Révolution, armée idéologique de la République islamique, ont annoncé l’avoir arrêté en Irak après l’avoir attiré dans un piège.
– Echange de prisonniers –
Selon Me Dehqan, Mme Adelkhah a mis fin le 12 février à la grève de la faim qu’elle observait depuis le 24 décembre pour protester contre son incarcération.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a qualifié début février d' »insupportables » les détentions de Fariba Adelkhah et Roland Marchal.
Le comité de soutien des deux chercheurs estime que les charges retenues contre eux sont fabriquées de toutes pièces et ne cesse de réclamer leur libération immédiate.
Selon Jean-François Bayart, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et membre de ce comité, l’Iran détient « dix à quinze » ressortissants étrangers, souvent binationaux, comme l’universitaire australienne Kylie Moore-Gilbert et l’Irano-Britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe, employée de la Fondation Thomson Reuters.
Par ailleurs, M. Esmaïli a annoncé mardi que Téhéran avait libéré la veille un Allemand détenu en Iran et purgeant une peine de prison de 3 ans dans le cadre d’un échange de prisonniers avec Berlin, après l’élargissement et le retour en Iran d’un Iranien détenu en Allemagne où il était menacé d’extradition vers les Etats-Unis.