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D’importants combats entre l’armée du Niger et Boko Haram aux portes de Diffa

D’importants combats ont opposé l’armée nigérienne et des combattants djihadistes dimanche 3 mai aux portes de Diffa, la capitale du sud-est du Niger (200 000 habitants), à proximité de la frontière avec le Nigeria.

Dans une vidéo de propagande diffusée par l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), issu d’une scission de Boko Haram et affilié au groupe Etat islamique, on voit de nombreux insurgés s’emparer au milieu de tirs nourris d’armes automatiques d’un camp de l’armée nigérienne, mettant la main sur des véhicules et des stocks d’armements aux cris d’« Allah Akbar » (« Dieu est le plus grand », en arabe). Ils semblent ensuite quitter le camp avec les véhicules. On voit également un soldat nigérien, couché face contre sol, qui semble déjà mort ou inanimé, recevoir deux balles.

Le gouvernement a donné sa version mardi soir dans un communiqué : « Le 3 mai 2020, aux environs de 17 h 45 locales [16 h 45 GMT], le poste frontalier Niger-Nigeria de Diffa a été attaqué par des éléments de Boko Haram [les autorités font rarement la différence entre Iswap et Boko Haram] à bord de véhicules lourdement armés. On déplore malheureusement deux morts, trois blessés, des matériels calcinés. »

« A l’heure de la rupture du jeûne »

Des habitants de Diffa ont témoigné avoir entendu la violence des combats. « On a entendu le bruit des armes, surtout d’armes lourdes, de 16 h 30 jusqu’à 19 heures [de 15 h 30 à 18 heures GMT] du côté sud de la ville », a raconté à l’AFP Lawan Boukar, un résident de Diffa. « Les assaillants étaient venus du côté nigérian, en fin d’après-midi, à l’approche de l’heure de la rupture du jeûne du ramadan et pensaient certainement prendre par surprise nos soldats », a avancé un autre habitant.

En 2015, d’intenses combats avaient opposé l’armée nigérienne aux djihadistes autour du pont de Doutchi, qui relie le Niger au Nigeria, au sud de Diffa. Ce check-point est également proche de Damasak, une localité nigériane située à 30 kilomètres au sud de Diffa. Damasak avait été conquise en octobre 2014 par Boko Haram après de violents combats avec l’armée nigériane. Elle avait été reprise par les armées du Tchad et du Niger après d’âpres combats.

« Au cours de cette même journée » de dimanche, « aux environs de 13 heures locales, une autre colonne de dix véhicules ennemis en provenance de Tombon-Fulani, une localité située à 24 kilomètres au nord-est de Bosso [est du Niger] a été interceptée », selon le ministère de la défense nigérien.

« Une action coordonnée entre les forces nigériennes et nigérianes, appuyées par les partenaires [France et/ou Etats-Unis, selon le jargon utilisé par le ministère], a permis de suivre et d’agir contre cette colonne ennemie. Il en a résulté la neutralisation de cinquante terroristes au niveau d’une localité nigériane située à 45 kilomètres au sud de Toumour [Niger]. »

Quelque 120 000 réfugiés nigérians

Ces attaques de dimanche interviennent après une offensive terrestre et aérienne en avril de l’armée tchadienne, qui a annoncé avoir chassé les djihadistes de son sol. Elle a affirmé avoir tué 1 000 djihadistes et perdu 52 hommes.

Fin mars, le Niger avait annoncé avoir tué une « figure de proue » du groupe djihadiste Boko Haram, Ibrahim Fakoura, lors d’une opération dans les îles du lac Tchad (sud-est), repaire d’islamistes nigérians. Fin avril, le ministre nigérien de la défense Issoufou Katambé avait déclaré à l’AFP que des opérations militaires étaient toujours en cours dans la zone du lac Tchad.

La région de Diffa abrite selon l’ONU quelque 120 000 réfugiés nigérians et des milliers de déplacés, fuyant les exactions de Boko Haram depuis 2015. Le conflit avec les djihadistes de Boko Haram et de l’Iswap a fait plus de 36 000 morts depuis 2009 dans le nord-est du Nigeria et près de 2 millions de personnes ne peuvent toujours pas regagner leur foyer.

Le Niger doit aussi faire face dans l’ouest, à ses frontières avec le Mali et le Burkina, aux attaques récurrentes des groupes djihadistes sahéliens. Le centre du Sahel est touché par les violences djihadistes, souvent entremêlées à des conflits intercommunautaires, qui ont fait 4 000 morts au Mali, au Niger et au Burkina Faso en 2019, selon l’ONU.

A Madagascar, l’armée livre à domicile une potion gratuite censée protéger du Covid

Des militaires malgaches, en uniforme mais sans arme, font du porte-à-porte dans les ruelles de la capitale Antananarivo. Au programme: distribution gratuite à des habitants, médusés mais ravis, d’une tisane vantée par le président malgache Andry Rajoelina pour lutter contre le nouveau coronavirus.

Cette boisson, conçue par l’Institut malgache de recherche appliquée (Imra), est préparée à base d’armoise, une plante à l’efficacité prouvée contre le paludisme.

« On a fait des tests, deux personnes sont maintenant guéries par ce traitement », a affirmé en début de semaine M. Rajoelina. « Cette tisane donne des résultats en sept jours (…). On peut changer l’histoire du monde entier », a-t-il lancé.

Mardi, c’était au tour de militaires de défendre sur un plateau de la télévision nationale la boisson, lui accordant cette fois-ci des qualités non pas de guérison mais de prévention.

« Il n’y a pas de médicament remède direct contre le coronavirus », a expliqué un médecin de l’armée, le colonel Willy Ratovondrainy. « Mais la seule solution jusqu’ici c’est le renforcement de l’immunité. Et ce remède traditionnel renforce l’immunité », a-t-il insisté.

Son efficacité spécifique contre le Covid-19 n’a pourtant fait l’objet d’aucune étude scientifique publiée.

Et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rappelé qu’il n’existait pour l’heure « aucune preuve que des médicaments actuels puissent prévenir ou guérir la maladie », reconnaissant cependant que des « remèdes traditionnels (…) peuvent soulager des symptômes du Covid-19 ».

A Madagascar, pays très pauvre de l’océan Indien, la population, qui se soigne régulièrement à base de plantes, a accueilli à bras ouverts la distribution inattendue et gratuite de la tisane « Covid-Organics ».

« On a hâte d’en prendre depuis qu’on a vu à la télévision le président Rajoelina en boire », explique Jean-Louis Rakotonandrasana, 58 ans, tireur de charrette, après avoir reçu sept sachets de tisane.

– Interdit aux femmes enceintes –

« Je trouve ça génial que ce soit le médicament qui vienne aux gens et non l’inverse », se réjouit aussi Dominique Rabefarihy, mère de famille, avant de répéter le mode d’emploi donné par les militaires.

« Un sachet pour quatre litres d’eau, à prendre à raison de deux verres par jour pour un adulte, et un verre pour les enfants. C’est interdit pour les femmes enceintes. »

La présence des militaires ne semble pas perturber outre mesure Dominique Rabefarihy. « Au contraire, je suis rassurée que l’armée se préoccupe de ma santé et de la sécurité de ma famille. »

Avec la distribution de ce remède traditionnel, l’objectif affiché par les autorités malgaches est de « protéger la population à travers une sensibilisation contre le virus et de renforcer son système immunitaire ».

« Nous recommandons fortement la prise de cette tisane à base de plantes », expliquent-elles, alors que le pays compte 121 cas de contamination confirmés, mais aucun décès.

– Distribution dans les écoles –

L’opération tisane lancée cette semaine et qui doit durer plusieurs jours est menée sur l’ensemble du territoire, avec un accent mis sur les régions où des cas ont été enregistrés (Antananarivo, Fianarantsoa et Toamasina), selon la présidence malgache.

Dans la capitale, des points de distribution fixes ont été aussi mis en place.

« Ici, c’est la version liquide prêt à boire qui est mise à disposition de tout le monde, à raison de 33 cl par personne », explique Rufin Rafanomezantsoa, un représentant de la municipalité d’Antananaviro.

Au bord d’une route poussiéreuse, la foule se presse, sans respecter les gestes barrière, pour obtenir la boisson.

« Tant que l’OMS ne peut pas proposer un médicament pour guérir cette maladie, je fais confiance au remède proposé par le président Andry Rajoelina », explique dans la file d’attente Jean-Paul Rakotozafy, 72 ans.

La distribution de tisane coïncide avec le début du déconfinement progressif des trois principales villes du pays.

« Ce déconfinement est permis car on a trouvé une solution contre le coronavirus », a affirmé, avec aplomb, le président Rajoelina.

Doyen de la faculté de médecine de Toamasina (est), le Dr Stéphane Ralandison tire, lui, la sonnette d’alarme, mettant en garde contre les méthodes « pas bien scientifiques » autour de cette tisane qui a commencé à être aussi distribuée dans les écoles.

« Chaque parent est bien évidemment libre de ne pas autoriser son enfant à le prendre », explique la directrice de cabinet du président, Lova Ranoramoro, mais « jusque-là nous n’avons pas eu de refus ».

Golfe: en Iran, le chef des Gardiens promet une « réponse décisive » aux menaces de Washington

Le chef des Gardiens de la Révolution, armée idéologique de la République islamique d’Iran, a promis jeudi une « réponse décisive » aux Etats-Unis si les menaces du président Donald Trump de « détruire » des embarcations iraniennes dans le Golfe étaient mises à exécution.

« Nous déclarons aux Américains que nous sommes absolument déterminés et sérieux (…), et que toute action sera accueillie avec une réponse décisive, efficace et rapide », a déclaré le général de division Hossein Salami à la télévision d’Etat.

« Nous avons également ordonné à nos unités navales de viser (bateaux et forces américaines) s’ils tentent de mettre en danger la sécurité de nos navires ou embarcations de guerre, » a ajouté M. Salami.

Le regain de tensions entre la République islamique et Washington, ennemis depuis plus de 40 ans, survient une semaine après un nouvel incident dans les eaux du Golfe entre des bâtiments de l’US Navy et des patrouilleurs des forces navales des Gardiens de la Révolution.

Mercredi, tandis que les Gardiens annonçant le lancement avec succès d’un premier satellite militaire, M. Trump a écrit sur Twitter: « J’ai donné l’ordre à l’US Navy d’abattre et de détruire toute embarcation iranienne qui harcèlerait nos navires en mer ».

M. Salami a pour sa part estimé que l’incident de la semaine passée était le résultat d’un « comportement non professionnel et dangereux de la part des Américains dans le Golfe Persique ».

Le commandant des Gardiens a également indiqué que les actions américaines dans cette voie navigable sensible avaient été entravées par l’épidémie du nouveau coronavirus.

« Lors de l’incident de la semaine dernière, on a constaté l’agitation opérationnelle et le désordre chez les unités navales américaines », a-t-il affirmé.

Selon lui, cela indique que « le commandement et le contrôle de leurs unités militaires peuvent avoir été affaiblis par (…) la maladie du coronavirus ».

L’Iran et les Etats-Unis sont parmi les pays les plus durement touchés par la pandémie de coronavirus.

Selon des chiffres du Pentagone, plusieurs centaines de cas ont été recensés dans l’US Navy, dont un grand nombre (plus de 400) proviennent du porte-avions USS Theodore Roosevelt, immobilisé à Guam, île américaine du Pacifique.

L’aveu du Cameroun du meurtre de civils par des soldats, un signal positif jugent ONU et ONG

Yaoundé a envoyé un signal positif en admettant — laborieusement et sous pression internationale — que des militaires ont tué des civils dont 10 enfants, en février dans un village du Cameroun anglophone séparatiste, estiment l’ONU et des ONG, même si des zones d’ombre demeurent.

Le 14 février, au moins 23 civils, dont 15 enfants, avaient été tués à Nargbuh, un village de la région du Nord-Ouest, selon l’ONU. Un massacre qui avait déclenché un tollé au Cameroun et dans nombre de capitales occidentales.

Depuis trois ans, l’armée et des rebelles séparatistes anglophones s’affrontent quasi-quotidiennement dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où vit l’immense majorité de la minorité anglophone du pays. Les deux camps sont régulièrement accusés de perpétrer des crimes et des exactions contre des civils.

Mais pour le massacre de Ngarbuh, Yaoundé niait jusqu’alors farouchement l’implication de son armée, invoquant un « malheureux accident »: pris sous le feu de « terroristes », ses soldats auraient répliqué, un conteneur de carburant explosant dans les échanges de tirs et l’incendie tuant cinq civils.

Un scénario vivement contesté par l’ONU et les ONG, et mis en doute par certains partenaires occidentaux du Cameroun, France et Etats-Unis en tête.

Lundi, plus de deux mois après, les services de l’inamovible président Paul Biya ont finalement admis, au terme d’une enquête selon eux, que deux militaires et un gendarme –en détention aujourd’hui–, épaulés par une milice locale, avaient tué 10 enfants et trois femmes en donnant l’assaut à ce qu’ils assuraient être un repaire de « terroristes », et maquillé leur crime en incendiant les maisons et falsifiant leurs rapports.

– « Une enquête sans précédent » –

Mardi, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme saluait une « étape positive » dans la lutte contre l’impunité, exigeant que « tous les responsables » de cette tuerie soit jugés dans un procès « équitable et transparent ». L’enquête de Yaoundé semble épargner l’institution militaire en attribuant ces « événements tragiques » à trois militaires incontrôlés qui n’en n’avaient pas reçu l’ordre.

« C’est un premier pas qu’il faut souligner », estime l’ONG Human Rights Watch (HRW) qui avait publié, le 28 février, un rapport accablant l’armée et une milice alliée. « Qu’une enquête ait été lancée, et plus encore que les résultats de cette enquête, qui reconnaissent l’implication de certains militaires, aient ensuite été publiés nous semble être un vrai effort du gouvernement », déclare à l’AFP Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale de HRW, joint au téléphone depuis Libreville.

Enquête et conclusions « sans précédent dans cette crise », abonde l’ONG camerounaise Centre for Human Rights and Democracy in Africa sur Facebook, en espérant qu’il y en aura d’autres. « Une multitude de massacres auraient été commis par des troupes gouvernementales » en toute impunité depuis 2016, selon elle.

– Bilans différents –

C’est cependant une victoire en demi-teinte pour des acteurs de la société civile.

L’enquête ne reconnaît le meurtre que de 13 civils, assurant que l’assaut a aussi tué « cinq terroristes ». Outre le bilan de 23 civils de l’ONU, une coalition de 26 ONG locales assure que « 31 corps » avaient été découverts, dont ceux de 14 enfants et sept femmes.

« Toute la vérité n’a pas été dite car nos chiffres sont différents », plaide Blaise Chamango, un responsable de cette coalition.

Même constat pour HRW qui avait dénombré au moins 21 civils tués, dont 13 enfants.

Le nombre d’assaillants est aussi sujet à caution. Selon les témoins interrogés par HRW, 10 à 15 « militaires » et au moins 30 supplétifs ont attaqué le village. Le communiqué de la présidence parle de trois militaires, deux gendarmes et 17 civils membres d’un comité de vigilance local.

– Excuses publiques –

M. Chamango et d’autres membres de la société civile camerounaise ont demandé aux autorités des « excuses publiques » aux ONG locales et internationales qui avaient été menacées après la publication de leurs propres conclusions.

« Jusqu’ici, le gouvernement niait les conclusions de nos rapports, parlant de mensonges visant à déstabiliser le pays et ses institutions », explique M. Mudge, de HRW. « Nous espérons que ce rapport d’enquête marquera un tournant, un changement dans nos relations ».

Depuis plus de trois ans, les combats, mais aussi les exactions et crimes commis par les deux camps, ont fait plus de 3.000 morts et 700.000 déplacés dans les deux régions anglophones.

Le tube planétaire sud-africain « Pata Pata » adapté pour lutter contre le coronavirus

Le tube planétaire de la chanteuse anti-apartheid sud-africaine Miriam Makeba, « Pata Pata » a été adapté avec de nouvelles paroles pour aider à combattre la propagation du coronavirus, a annoncé jeudi l’UNICEF.

Les paroles de cette chanson au refrain lancinant, sortie en 1967 et devenue un des symboles de la lutte de libération sud-africaine, ont été revisitées pour encourager la distance sociale et les règles d’hygiène, comme se laver régulièrement les mains.

« Autrefois surnommée +la chanson la plus joyeusement provocante au monde+, elle a été réenregistrée, a indiqué l’UNICEF, « pour diffuser des informations et de l’espoir au temps du coronovirus ».

Née au Bénin, Angelique Kidjo, qui a eu pour mentor Miriam Makeba, chante cette nouvelle version, a précisé l’UNICEF dans un communiqué.

« Pata Pata » signifie « touche touche » dans plusieurs langues sud-africaines.

Des couplets de la version modifiée de la chanson s’élèvent en musique pour dire désormais: « En cette époque de coronavirus, ce n’est pas le temps du toucher… Tout le monde peut aider à combattre Covid-19. Restez à la maison et attendez… Ce n’est pas du pata-pata … Nous devons garder nos mains propres ».

L’original de la chanson a été l’un des plus grands succès de Miriam Makeba.

Connue affectueusement sous le nom de « Mama Africa », elle est décédée à l’âge de 76 ans en novembre 2008, après un concert en Italie.

Elle avait remporté un Grammy Award du meilleur enregistrement folklorique avec le chanteur américain Harry Belafonte en 1965. Mais sa musique avait été interdite dans son pays natal après une apparition dans un film anti-apartheid.

Angélique Kidjo a déclaré que la chanson lui rappelait un ami, le vétéran de l’Afro-Jazz Manu Dibango, décédé au début du mois après avoir contracté le coronavirus.

« Manu m’a inspirée. Miriam m’a inspirée. Et Pata Pata m’a donné de l’espoir », a déclaré Angélique Kidjo dans un communiqué. « Pata Pata a toujours été là pour le peuple dans une période de lutte. J’espère que (cette chanson) va aider de nouveau », a-t-elle ajouté.

Total se renforce dans un projet controversé en Ouganda

Total a annoncé jeudi qu’il allait renforcer sa participation dans un grand projet pétrolier en Ouganda, dénoncé par des ONG de défense de l’environnement et des droits humains.

Le groupe français va acquérir l’ensemble des intérêts de la société pétrolière britannique Tullow dans le projet de développement du Lac Albert en Ouganda et dans le projet d’oléoduc East African Crude Oil Pipe Line (EACOP), qui doit traverser la Tanzanie.

Total doit verser à Tullow 575 millions de dollars ainsi que des paiements conditionnels, indexés sur la production et les cours du pétrole.

« Cela s’inscrit pleinement dans notre stratégie d’acquisition de ressources long-terme à bas coût », a salué le PDG de Total, Patrick Pouyanné, cité dans le communiqué.

Ces deux projets géants, menés avec la compagnie chinoise CNOOC, sont critiqués par des ONG qui les accusent de ne pas prendre en compte les impacts sur les populations et l’environnement.

Six ONG françaises et ougandaises ont ainsi assigné Total pour l’obliger à revoir son « plan de vigilance », une disposition imposée à toutes les multinationales par une loi française de 2017. « Il est question de graves atteintes aux droits humains et à l’environnement », avaient estimé Les Amis de la Terre et Survie.

Fin janvier, le tribunal judiciaire de Nanterre (proche de Paris) s’était déclaré incompétent et avait renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce.

Total estimait alors que « son plan de vigilance est conforme aux dispositions de la loi sur le devoir de vigilance et s’attache à identifier les risques répondant aux préoccupations des associations ».

Le groupe considère en outre s’être « assuré que sa filiale en Ouganda avait bien appliqué les plans d’actions adaptés afin de respecter les droits des communautés locales ».

L’opération annoncée jeudi avait jusqu’à présent coincé sur des questions fiscales et la taxation du produit de la vente.

« Les conditions de la transaction ont été discutées avec le gouvernement ougandais et les autorités fiscales compétentes, et un accord de principe a été conclu sur le traitement fiscal de la transaction », a précisé Total.

« Cet accord avec Tullow et le gouvernement ougandais, fruit d’un bras de fer fiscal, va permettre à Total de relancer de plus belle son méga-projet pétrolier », a regretté jeudi Juliette Renaud, des Amis de la Terre France. « Comme toujours, Total est guidé par un objectif de maximisation des profits sans souci pour les conséquences dramatiques pour les populations, l’environnement et le climat », a-t-elle réagi.

A Moscou, un hôpital public « modèle » en première ligne contre le virus

Une aile entière de l’hôpital public moscovite de Spassokoukotski a été reconvertie en service de maladies infectieuses. Moins d’une semaine après son ouverture, la quasi-totalité des lits y sont occupées par des malades du Covid-19.

« Ioura », « Masha »… Seuls les diminutifs griffonnés dans le dos permettent de distinguer les soignants emmitouflés dans leurs combinaisons de protection complètes, alors qu’ils s’apprêtent à passer le sas conduisant à la « zone rouge », où se trouvent les patients infectés par le nouveau coronavirus.

Moscou est le principal foyer épidémique du pays, avec 33.940 des 62.773 cas enregistrés et 288 des 555 morts, selon le bilan publié jeudi.

Dans l’établissement défraîchi de Spassokoukotski, les patients occupent déjà 406 des 434 lits mis à disposition il y a une semaine. Et déjà les cernes des soignants sont profondes.

Habituellement chirurgien gastrique, Dmitri Alaïev, 35 ans, est désormais responsable d’une section accueillant une quarantaine de malades. Après sept heures de service, il s’accorde une pause d’une demi-heure, avant d’y retourner.

« Le travail n’est pas facile, avec les combinaisons, les masques etc. Mais les chirurgiens ont l’habitude de travailler dans ces conditions », dit-il.

« Ce qui est difficile, c’est d’être loin de sa famille, en isolement », raconte le jeune médecin, buvant de grandes gorgées d’une bouteille d’eau.

Le personnel traitant le Covid-19 a en effet été relogé dans des hôtels, afin d’éviter la contamination des proches.

– Peur de la contamination –

Moscou, avec ses moyens financiers inégalés en Russie, est présenté par les autorités comme le modèle de la lutte contre l’épidémie.

A Spassokoukotski, les équipements de protection ne manquent pas, assurent les médecins lors d’une visite supervisée organisée pour l’AFP par le département de la Santé de la capitale russe.

Ici, des palettes entières chargées de masques, lunettes, combinaisons, couvre-chaussures sont stockées.

Mais ce n’est pas le cas partout en Russie. Selon des témoignages recueillis par l’AFP et des syndicats, de nombreux médecins font état de pénuries graves, qui risquent de faire d’eux des victimes et des vecteurs de contagion.

Le docteur Alaïev assure que lui et ses camarades restent « très optimistes malgré les circonstances », mais admet néanmoins avoir peur: « quand on voit le taux d’infection des médecins (…), je pense que la situation sera assez grave ».

Le ministère de la Santé n’a publié aucune statistique à ce sujet. Mais des dizaines de cas ont été rapportés par des soignants et des médias.

Ne souhaitant pas s’exprimer sur les conditions de ses collègues ailleurs en Russie, le médecin en chef de l’hôpital, Alexeï Pogonine se veut rassurant.

« Ici, des conditions uniques ont été créées pour accueillir les patients », déclare le responsable de 45 ans, également chef-adjoint des services de santé de Moscou. « Le personnel est à la fois psychologiquement et physiquement bien protégé ».

– Questions sur la capacité en lits –

Un protocole strict est en place. Une fois équipés, les soignants attendent devant le sas de sécurité l’heure exacte de leur prise de service, inscrite sur leur poitrine au feutre rouge. Liberté personnelle: certains agrémentent leurs combinaisons blanches de dessins de fleurs.

Les patients aussi sont, dit le Dr. Pogonine, dans des conditions de confort rares pour les hôpitaux publics russes, réputés décrépis après des années de coupes budgétaires: deux malades par chambre, des toilettes attitrées.

Les soignants disposent d’aires de repos où, vêtus de leurs pyjamas à carreaux de service, il prennent leurs repas ou piochent dans les livres disponibles, de Dostoïevski aux romans de gare.

Mais l’on ne s’y prononce pas sur l’avenir: que va-t-il se passer si l’hôpital et Moscou venaient à manquer de lits ?

Au rythme actuel, les 80.000 places disponibles en Russie seront occupées dans trois à quatre semaines, selon les autorités.

A Spassokoukotski, sur un canapé, deux infirmières se reposent adossées l’une à l’autre, comparent leurs manucures défraîchies, les traits tirés, la peau marquée par les masques et les cheveux en bataille.

Face à l’avenir incertain et loin de leurs proches, les soignants doivent se « soutenir émotionnellement », remarque l’infirmière en chef Oksana Barichnikova, 43 ans.

« Nous avons vraiment compris que nous sommes une grande équipe, une famille ».

Brésil: Manaus, en Amazonie, plongée dans le chaos avec le coronavirus

« On se croirait dans un film d’horreur », lance le maire de Manaus, métropole amazonienne du nord du Brésil submergée par la lame de fond de la pandémie de coronavirus.

Hôpitaux saturés, cadavres entassés dans des camions frigorifiques, fosses communes dans les cimetières: la capitale de l’Etat d’Amazonas est plongée dans le chaos.

Les 50 lits de soins intensifs de Manaus — un chiffre dérisoire pour cette ville de 1,7 million d’habitants — sont déjà occupés alors que le Brésil n’a pas encore atteint le pic de la pandémie, attendu en mai, voire en juin.

« On ne peut plus parler d’état d’urgence, c’est un état de calamité absolue », insiste le maire Arthur Virgilio Neto auprès de l’AFP.

En temps normal, entre 20 et 30 personnes meurent chaque jour à Manaus, une ville étendue dont plusieurs centaines de milliers d’habitants vivent dans des habitations précaires sur pilotis au bord de l’Amazone.

Mais le nombre de décès a explosé à cause de la pandémie, à raison de plus de 100 par jour, selon la mairie. Le taux de mortalité est le plus haut des 27 capitales d’Etats du Brésil.

« Beaucoup de gens meurent chez eux, certains n’ont pas pu bénéficier d’une assistance médicale », déplore le maire.

– Embouteillages de corbillards –

L’Etat d’Amazonas, gigantesque territoire d’1,5 million de kilomètres carrés, près de trois fois la France métropolitaine, est le cinquième le plus touché du Brésil, avec 2.479 cas confirmés et 207 décès selon le dernier bilan officiel.

Aux abords des hôpitaux, les familles ont toutes les peines du monde à retirer les corps des défunts.

« Personne n’est encore venu me donner une réponse et je ne sais pas comment je vais faire pour enterrer ma grand-mère », raconte à l’AFP Rita Alencar.

Au cimetière public de Parque Taruma, des fosses communes ont été creusées pour inhumer les victimes de Covid-19.

La mairie a fixé à cinq le nombre maximum de personnes autorisées à assister aux obsèques.

Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des embouteillages de corbillards attendant leur tour pour entrer dans le cimetière.

« Plusieurs fossoyeurs sont tombés malades et certains sont même morts du coronavirus », révèle le maire, qui a réclamé des fonds supplémentaires au gouvernement fédéral. Les besoins sont tels qu’il envisage même de lancer un appel pour obtenir de l’aide d’autres pays.

Un hôpital de campagne bâti par la mairie a été inauguré la semaine dernière, un autre destiné aux populations indigènes doit être construit prochainement avec des fonds fédéraux et des médecins de tout le pays ont été appelés en renfort.

Bernardo Albuquerque, spécialiste des maladies infectieuses à l’Université d’Amazonas (UFAM), juge la situation « extrêmement préoccupante » en raison de l' »incapacité du système de santé » à faire face à l’afflux de patients en état grave.

Outre les lits en soins intensifs, les hôpitaux manquent aussi cruellement d’équipements de protection, de médicaments et d’appareils de radiographie.

– Les indigènes en danger –

Autre problème de taille: le système de santé de l’Etat d’Amazonas est très centralisé, avec l’ensemble des unités de soins intensifs à Manaus, qui concentre également 80% des médecins habilités à traiter des patients atteints du virus.

Cela oblige les malades d’autres localités à se faire soigner dans la capitale, certains devant endurer de longues journées de voyage en bateau.

« La plupart des villages ne sont reliés à Manaus que par voie fluviale, les liaisons aériennes sont très limitées », explique Bernardo Albuquerque.

« Quand le patient parvient à arriver en vie, il se trouve souvent dans un état déplorable, sans aucune garantie de pouvoir être soigné. C’est une situation dramatique », souligne le maire.

La situation est encore plus préoccupante pour les peuples indigènes, particulièrement vulnérables aux virus venus de l’extérieur.

Les maladies amenées par les colonisateurs européens ont décimé près de 95% des autochtones d’Amérique.

Trois indigènes brésiliens sont déjà morts du Covid-19 et près de la moitié des 31 cas confirmés se trouvent actuellement à Manaus.

Le premier procès d’exactions du régime syrien s’est ouvert en Allemagne

Le procès de deux membres présumés des services de renseignement syriens, le premier au monde des exactions imputées au régime de Bachar al-Assad, s’est ouvert jeudi matin devant la justice allemande.

Le principal suspect, Anwar Raslan, 57 ans, portant moustache et lunettes, est présenté comme un ancien colonel de la Sûreté d’Etat. Il est poursuivi pour crime contre l’humanité.

La justice lui reproche d’être responsable de la mort de 58 personnes, de la torture d’au moins 4.000 autres, d’un viol et d’un sévice sexuel aggravé entre le 29 avril 2011 et 7 septembre 2012 dans le centre de détention d’Al-Khatib à Damas, dont il avait la charge.

Également dans le box des accusés à Coblence, Eyad al-Gharib, 43 ans, le visage en partie couvert à l’audience par un masque, comparaît pour complicité de crime contre l’humanité pour avoir participé à l’arrestation de manifestants emmenés dans cette prison, entre les 1er septembre et 31 octobre 2011.

– Sous haute sécurité –

Les deux hommes, en détention provisoire depuis leur arrestation le 12 février 2019, avaient fui leur pays avant de rejoindre l’Allemagne où ils ont demandé l’asile comme des centaines de milliers de Syriens depuis neuf ans.

Anwar Raslan affirme avoir fait défection fin 2012 et, selon plusieurs médias, avoir rejoint les rangs de l’opposition en exil avant son arrivée en Allemagne le 26 juillet 2014. Il encourt la prison à perpétuité.

Le procès, placé sous haute sécurité et qui se tiendra au moins jusqu’à la mi-août devant le tribunal de grande instance de Coblence, constitue « un pas important, c’est le début d’un examen des crimes (du régime syrien) devant une haute Cour allemande », affirme à l’AFP Wolfgang Kaleck, secrétaire général de l’ONG allemande ECCHR, qui a notamment apporté son soutien à 16 victimes rescapées dont certaines se sont constituées parties civiles.

Pour juger les deux Syriens, l’Allemagne applique le principe juridique de la compétence universelle qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs de crimes quels que soit leur nationalité et l’endroit où ils ont été commis.

C’est actuellement la seule possibilité de juger les exactions perpétrées en Syrie car la perspective d’une saisine de la Cour pénale internationale est rendue impossible par les veto de la Russie et de la Chine, selon des ONG, saluant la tenue de ce procès.

Ce procès devrait « servir d’avertissement fort pour ceux qui commettent actuellement des abus en Syrie: personne n’est au dessus de la justice », a souligné Human Rights Watch (HRW). Amnesty International juge que c’est une « étape majeure dans la lutte contre l’impunité liée aux atteintes aux droits de l’Homme gravissimes commises en Syrie ».

Les enquêteurs se sont notamment appuyés sur les témoignages des victimes qui ont survécu aux conditions de détention « inhumaines et dégradantes », selon la justice, et sont parvenues à rejoindre l’Europe.

Quelques photos parmi les dizaines de milliers prises par un ancien photographe de la police militaire syrienne, exfiltré sous le pseudonyme de « César », et montrant des corps torturés et suppliciés, devraient être présentées au cours du procès où témoins et victimes syriennes se succèderont pour témoigner.

– Sévices brutaux –

Dans la prison d’Al-Khatib dite aussi de la division 251, les détenus, qui pour beaucoup avaient participé aux manifestations réclamant liberté et démocratie en Syrie dans le cadre du Printemps arabe à partir de mars 2011, ont reçu « des coups de poing, bâton, câble, fouet » et subi « des électrochocs », selon le parquet.

Ces « sévices brutaux psychiques et physiques » visaient à extorquer « des aveux et des informations sur l’opposition », précise l’acte d’accusation.

On ne parle « pas d’un quelconque gardien de prison », rétorque M. Kaleck, « mais de quelqu’un qui selon le parquet a eu une fonction de direction » au sein de l’appareil d’Etat syrien.

Les avocats des deux accusés n’ont pas voulu s’exprimer avant le procès.

En revanche, Bachar al-Assad, interrogé en novembre 2019 par la chaîne russe proche du Kremlin RT sur la procédure contre Anwar Raslan, avait nié toute pratique de la torture.

Pourtant, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), au moins 60.000 personnes sont mortes sous la torture ou à cause des terribles conditions de détention dans les prisons du régime.

« 24 heures en quête d’eau » au Mexique

Au Mexique, l’eau est une denrée rare. La saison des pluies n’y dure que de mai à septembre.

Les deux tiers de son territoire sont considérés comme arides ou semi-arides avec des précipitations annuelles inférieures à 500 mm. Dans le tiers sud, moins peuplé et plus humide, elles atteignent une moyenne de 2.000 mm.

Pourtant, dans ce pays de 120 millions d’habitants, grand comme quatre fois la France, obnubilé par ses problèmes économiques, le trafic de drogue, la violence, la pollution et les tremblements de terre, la quête de l’eau n’apparaît pas comme une priorité des dirigeants.

Dans ce contexte, l’AFP a mobilisé plusieurs de ses photographes et vidéastes pendant 24 heures afin de montrer comment des Mexicains vivent au quotidien ce manque d’eau.

Entretiens, photos et vidéos ont été réalisés au début de l’épidémie de Covid-19 au Mexique.

– « L’eau a le goût de la terre » –

A Juanacatlan, dans l’Etat de Jalisco, l’eau n’est pas potable. Elle arrive dans les maisons par des tuyaux tirés depuis le fleuve Santiago. Pour Rodrigo Saldaña, 65 ans, qui se bat pour une eau potable dans sa région, le gouvernement ne fait rien pour la rendre propre à la consommation.

« Boire de l’eau courante ? C’est risqué ici », confie Rodrigo à l’AFP.

« Il y a quelques années, un garçon du coin, nommé Miguel Lopez Rocha, est tombé dans le canal de l’Ahogado en essayant de récupérer son ballon. Il est mort empoisonné. Quiconque avale l’eau de cette rivière s’expose à la mort », prévient-il.

Virginia Lozano Romo, 51 ans, vit depuis neuf ans dans le quartier Esperanza de la localité de Tonala, également dans le Jalisco. Elle ne sait pas ce qu’est vivre avec de l’eau courante et n’a jamais bu d’eau minérale.

« Ici, l’eau a le goût de la terre », dit-elle.

« Ma fille et moi nous transportons de l’eau chaque jour du puits. Et nous savons qu’elle est contaminée, qu’elle rend les enfants malades », déplore-t-elle.

– La couleur d’un mauvais café –

Dans le même Etat coule la source de Mintzita, qui approvisionne la ville de Morelia. Une grande usine à papier fait vivre ses habitants. Ici, en raison des déchets qu’elle déverse dans le conduit qui relie la source à la ville, l’eau, constate le photographe, a une forte odeur et la couleur d’un mauvais café.

Mais, à Ciudad Juarez, Chihuaha, à quelques enjambées du mur de la frontière sud des Etats-Unis, l’eau a le goût du sel. Lorsqu’elle coule. Sinon, pour Fabiola, mère de deux jeunes enfants, c’est plus compliqué.

« Pour boire, nous avons deux bidons de 20 litres que le gouvernement nous fournit. Parfois, nous allons nous-mêmes chez le fournisseur. Cela nous coûte 22 pesos (environ 1 dollar). Parfois, un petit camion passe. Là, c’est 15 pesos (environ 70 cents) », explique-t-elle.

« Depuis que le gouvernement a installé l’eau ici, il y a 15 ans, le problème existe », observe la jeune femme. « Ils ont toujours su que cette eau ne pouvait pas être consommée et ils ne font rien ».

« Des fois, il faut des bidons pleins d’eau pour pouvoir laver la vaisselle, se baigner, on ne peut pas laver les vêtements car on en consomme beaucoup. Et j’ai essayé une fois de prendre un petit verre du robinet. C’est mauvais. Du sel pur. Imbuvable », dit-elle.

Selon elle, « lorsque l’eau sort, elle est noire, avec beaucoup de terre, une couleur de fer rouillé. Il faut attendre trois ou quatre heures avant de pouvoir commencer à l’utiliser ».

– Système D –

Parfois, il faut aussi recourir au système D. C’est le cas de Salomé Moreno, 47 ans, du quartier de Lazaro Cardenas à Tijuana, qui vit sans eau dans sa maison depuis 26 ans et ne sait pas pour quelle raison.

Elle montre au photographe de l’AFP le tuyau qu’elle a bricolé et qui part d’une habitation voisine de la sienne. « J’achète l’eau à un voisin. Lui en a. Cela me coûte très cher », déplore-t-elle.

María de la Luz Alonso, 53 ans, vit dans le même quartier. Elle a disposé des bassines d’eau sur une table pliante. « Je n’aime pas vivre comme ça, mais on s’adapte à tout, je suis ici depuis 3 ans. Moi aussi, j’ai mon tuyau qui vient de chez un voisin. C’est un tuyau long de 100 mètres ».

Mercedes Bocanegra, 54 ans, vit à San Juan Cadereyta, une ville de l’Etat de Nuevo Leon. Face au niveau de la rivière qui baisse, elle se lamente. « Il n’y a plus d’eau pour irriguer la terre. Il ne pleut plus. La sécheresse est terrible cette année ».

Le Vietnam commence à sortir du confinement, fort de son succès apparent face au coronavirus

Moins de 300 cas et zéro décès recensés: le Vietnam semble réussir à juguler la pandémie de coronavirus grâce à une politique stricte de quarantaine et de suivi des personnes infectées. Fort de ce succès apparent, le pays commence à sortir du confinement.

Si les rassemblements restent interdits, le port du masque et la distanciation sociale encouragés, le régime communiste autorise certains commerces à rouvrir à partir de jeudi notamment à Hanoï et Ho Chi Minh-Ville.

Dès les premières heures de la matinée, quelques cafés de la capitale ont redémarré timidement leur activité, stoppée nette depuis plusieurs semaines, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Cet assouplissement intervient alors que le pays semble contrôler à ce jour la situation.

Depuis la détection des premiers cas en janvier, seules 268 contaminations au covid-2019 ont été signalées, sans entraîner de décès. Aucune nouvelle infection n’a été recensée depuis une semaine.

Le nombre de personnes testées reste certes faible (un peu plus de 180.000 sur une population de 96 millions d’habitants).

Et quiconque oserait remettre en cause les chiffres officiels s’exposerait à des sanctions du gouvernement, très attentif à ce que sa gestion de la crise sanitaire ne soit pas remise en cause.

– Camps de quarantaine –

Mais les experts estiment que la tendance est positive et des représentants de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont à plusieurs reprises mis en avant la rapidité avec laquelle Hanoï avait réagi.

Dès les premiers jours de février, le Vietnam a suspendu tous ses vols vers la Chine et verrouillé quasi-totalement sa frontière terrestre, longue de 1.300 kilomètres, avec la République populaire.

Les écoles n’ont pas rouvert après les cérémonies du Têt, le Nouvel An vietnamien, fin janvier.

Et des villages agricoles et leurs 10.000 habitants ont été verrouillés pour trois semaines alors qu’il n’y avait qu’une douzaine de cas confirmés sur l’ensemble du territoire.

Par la suite, « plus de 80.000 personnes se sont retrouvées en quarantaine au même moment » à travers tout le pays dans des camps gardés par l’armée, a relevé Takeshi Kasai, directeur régional de l’OMS pour la région Pacifique occidental. « C’est la raison pour laquelle ils ont pu continuer à maintenir un petit nombre » d’infections.

Beaucoup de Vietnamiens, mais aussi d’étrangers, se sont ainsi retrouvés dans ces centres aux allures militaires, comme Vu Thi Nhung et son fils qui y ont passé deux semaines à leur retour d’Allemagne en mars.

Ils étaient obligés de dormir sur des lits superposés sans matelas, et trois repas quotidiens étaient déposés devant leur chambre par des soldats, racontent-ils à l’AFP.

– « Combattre l’ennemi » –

« On ne peut pas comparer cela à la maison mais vu la situation économique dans laquelle le pays se retouve à cause de cette épidémie, cela a dépassé mes attentes », relève Vu Thi Nhun.

N’ayant pas les moyens de lancer une campagne de tests à grande échelle comme la Corée du Sud, les autorités ont aussi misé sur l’isolement des personnes infectées. Une véritable traque s’est mise en place pour débusquer les personnes avec lesquelles elles avaient été en contact.

A Hanoï, Nguyen Trinh Thang, vétéran de la guerre du Vietnam, a ainsi été recruté pour cibler tout cas suspect. Il peut s’appuyer sur les réseaux d’habitants utilisés depuis des décennies par le régime communiste pour relayer l’action du parti dans les quartiers.

« Nous allons dans toutes les allées, on frappe à toutes les portes », explique-t-il à l’AFP. « Combattre l’épidémie, c’est combattre l’ennemi », ajoute-t-il en reprenant la devise du gouvernement.

Une stratégie plutôt bien accueillie par les Vietnamiens, habitués à l’omniprésence du parti, comme en attestent les messages positifs sur les réseaux sociaux.

Ultime pied de nez du Vietnam, le régime mise désormais sur la « diplomatie des masques » pour renforcer sa position à l’international. Le pays a fait don ces deux derniers mois d’au moins 1,5 million de masques à plusieurs pays d’Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis, qui en manquent cruellement.

La justice allemande se penche pour la première fois sur des exactions en Syrie

Deux membres présumés des services de renseignement syriens, dont un haut gradé, comparaissent à partir de jeudi devant la justice allemande pour le premier procès au monde des exactions imputées au régime de Bachar al-Assad.

Le principal suspect, Anwar Raslan, 57 ans, présenté comme un ancien colonel de la Sûreté d’Etat, est poursuivi pour crime contre l’humanité.

La justice lui reproche d’être responsable de la mort de 58 personnes, de la torture d’au moins 4.000 autres, d’un viol et d’un sévice sexuel aggravé entre le 29 avril 2011 et 7 septembre 2012 dans le centre de détention d’Al-Khatib à Damas, dont il avait la charge.

Également dans le box des accusés, Eyad al-Gharib, 43 ans, comparaît pour complicité de crime contre l’humanité pour avoir participé à l’arrestation de manifestants emmenés dans cette prison, entre les 1er septembre et 31 octobre 2011.

Les deux hommes, en détention provisoire depuis leur arrestation le 12 février 2019, avaient fui leur pays avant de rejoindre l’Allemagne où ils ont demandé l’asile comme des centaines de milliers de Syriens depuis neuf ans.

Anwar Raslan affirme avoir fait défection fin 2012 et, selon plusieurs médias, avoir rejoint les rangs de l’opposition en exil avant son arrivée en Allemagne le 26 juillet 2014. Il encourt la prison à perpétuité.

– « Pas important » –

Le procès, placé sous haute sécurité et qui se tiendra au moins jusqu’à la mi-août devant le tribunal de grande instance de Coblence, constitue « un pas important, c’est le début d’un examen des crimes (du régime syrien) devant une haute Cour allemande », affirme à l’AFP Wolfgang Kaleck, secrétaire général de l’ONG allemande ECCHR, qui a notamment apporté son soutien à 16 victimes rescapées dont certaines se sont constituées parties civiles.

Pour juger les deux Syriens, l’Allemagne applique le principe juridique de la compétence universelle qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs de crimes quels que soit leur nationalité et l’endroit où ils ont été commis.

C’est actuellement la seule possibilité de juger les exactions perpétrées en Syrie car la perspective d’une saisine de la Cour pénale internationale est rendue impossible par les veto de la Russie et de la Chine, selon des ONG.

Les enquêteurs se sont notamment appuyés sur les témoignages des victimes qui ont survécu aux conditions de détention « inhumaines et dégradantes », selon la justice, et sont parvenues à rejoindre l’Europe.

– « Electrochocs » –

Dans la prison d’Al-Khatib dite aussi de la division 251, les détenus, qui pour beaucoup avaient participé aux manifestations réclamant liberté et démocratie en Syrie dans le cadre du Printemps arabe à partir de mars 2011, ont reçu « des coups de poing, bâton, câble, fouet » et subi « des électrochocs », selon le parquet.

Certains ont été pendus par les poignets « de manière à ce que seules les pointes des pieds touchent encore le sol » et « ont continué à être battus dans cette position », poursuit-il, évoquant aussi « des privations de sommeil pendant plusieurs jours ».

Ces « sévices brutaux psychiques et physiques » visaient à extorquer « des aveux et des informations sur l’opposition », précise l’acte d’accusation.

On ne parle « pas d’un quelconque gardien de prison », rétorque M. Kaleck, « mais de quelqu’un qui selon le parquet a eu une fonction de direction » au sein de l’appareil d’Etat syrien.

Les avocats des deux accusés n’ont pas voulu s’exprimer avant le procès.

En revanche, Bachar al-Assad, interrogé en novembre 2019 par la chaîne russe proche du Kremlin RT sur la procédure contre Anwar Raslan, avait nié toute pratique de la torture.

« Nous n’avons jamais considéré que la torture pouvait améliorer la situation de l’Etat, c’est aussi simple que cela », avait affirmé le président syrien qui dirige le pays d’une main de fer depuis vingt ans.

Pourtant, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), au moins 60.000 personnes sont mortes sous la torture ou à cause des terribles conditions de détention dans les prisons du régime.

Coronavirus en Afrique: la télévision comme tableau noir pour élèves et étudiants

« Ecole à la maison », « Salle des profs », « L’école à la télé »… De nombreux Etats africains ou des chaînes privées ont lancé des programmes de télé-enseignement pour tenter de compenser la fermeture des établissements scolaires et universitaires. Mais ce n’est pas la solution miracle.

« C’est pour éviter que le Covid-19 gagne là où ça fera le plus mal, dans le domaine du savoir. Que les enfants ne désapprennent pas même s’ils restent à la maison », affirme à l’AFP Massamba Guèye, enseignant-chercheur au Sénégal, où la télévision Futurs Médias (TFM, privée), propriété du chanteur Youssou Ndour, dispense trois fois par jour des cours à toutes les classes, y compris l’enseignement professionnel.

« La reprise de l’école (…) n’est plus à l’ordre du jour. Il faut sauver l’école car, probablement, une menace d’année blanche plane », constate l’Association générale des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (Ageeci).

Au Burkina Faso, la télévision privée Burkinainfo diffuse quatre fois par jour des cours destinés aux élèves en classe d’examen (3e et terminale).

« Nous enregistrons les enseignements, que nous diffusons sur la télévision. Essentiellement les matières de base: mathématiques, physique-chimie, philosophie et français », explique le directeur de la chaîne Ismaël Ouédraogo. « Les cours sont dispensés par des enseignants expérimentés, qui soutiennent bénévolement l’initiative de la télévision”, soutient-il.

En Côte d’Ivoire, une start-up propose des cours avec des sms. Gratuit au début mais payant ensuite….

Plusieurs instituts et universités africaines privées explorent l’enseignement à distance avec internet.

« Nous avons prévu de finir l’année scolaire fin mai », explique au Burkina le président du conseil d’administration de l’Institut africain de management (IAM), Amed Moussa Diallo, qui a mis en place des cours en ligne.

Toutefois, cette méthode se heurte à plusieurs écueils: la faible couverture dans certaines régions d’Afrique (zones rurales), ou son prix, car dans de nombreux pays la plupart des étudiants n’ont pas les moyens de se connecter longtemps.

« La plupart des étudiants n’ont pas accès à internet d’autant qu’on a demandé à beaucoup d’entre eux de rentrer dans leurs foyers souvent dans des endroits reculés de l’Ouganda », affirme Henry Tumwiine, professeur à l’université Mountain of the Moon University de Fortportal (Ouest de l’Ouganda).

« En Afrique subsaharienne, 89% des apprenants n’ont pas accès aux ordinateurs familiaux et 82% n’ont pas internet », souligne l’Unesco dans un communiqué, dénonçant une « fracture numérique préoccupante dans l’enseignement à distance ».

« En outre, alors que les téléphones mobiles peuvent permettre aux apprenants d’accéder à l’information, de se connecter entre eux et avec leurs enseignants, environ 56 millions d’apprenants vivent en des lieux non desservis par les réseaux mobiles, dont près de la moitié en Afrique subsaharienne », ajoute l’Unesco.

« Je n’ai pas de quoi me payer un ordinateur donc je manque les cours en ligne. On va attendre la réouverture de l’université », affirme Alexander Mubiru, 29 ans, étudiant à l’université public de Makerere de Kampala.

La télévision n’est pour autant pas le remède miracle, faute d’interactivité entre professeurs et élèves: pas de question possible, pas d’observation du professeur pour voir si les élèves ont bien compris…

Il aurait fallu coordonner le programme avec des écoles ou des professeurs pouvant intervenir avec les élèves, comme pour les cours par internet, estiment certains parents d’élèves.

– Pas d’électricité ou de télé –

« Avec les cours à la maison, les élèves doivent d’abord s’habituer à s’asseoir et être devant leurs ordinateurs. Ils doivent adopter une discipline », estime Makini Tchameni, directrice de l’African American Academy, spécialisé dans les cours à distance au Burkina.

L’Ageeci s’interroge sur la possibilité de proposer « le quantum horaire (1.300 heures pour l’année) » et s’inquiète aussi pour les élèves « qui ne comprennent pas les cours (…)Pourront-ils maitriser le téléenseignement, surtout pour ceux qui sont dans les bas-quartiers où il n’y a parfois ni électricité, ni télévision, ni radio ou internet? »

« Depuis une semaine, la ville est privée d’électricité. Les élèves passent le temps dans les champs pour gagner de l’argent », témoigne un fonctionnaire de Mozogo, ville enclavée de l’Extrême-Nord du Cameroun.

« Les enfants sont désemparés. Ce n’est pas tout le monde qui a un téléviseur. Nous sommes inquiets parce que nos enfants n’ont pas la même possibilité de suivre les cours à la radio et à la télé », explique Gil Mahama, parent de huit enfants à Mozogo.

Assidu devant la télé dans le salon familial au Burkina, Khalil Nonguierma, élève de terminale, se réjouit de l’initiative qui permet de « garder un contact avec l’école » mais s’inquiète du « manque d’interactivité avec l’enseignant qui se contente de faire un cours magistral ou de traiter des exercices ». « Si on comprend, c’est bien mais si on ne comprend pas, on n’arrive plus à suivre ».

Nigeria: des centaines d’enfants des rues évacués de Kano pour éviter la propagation du virus

Des centaines de garçons font la queue en attendant de monter dans des bus qui les emmeneront loin de Kano. Après avoir noté leur nom et pris leur température, la grande ville du nord du Nigeria évacue ces enfants des rues pour se protéger du coronavirus.

La plupart d’entre eux sont des élèves d’écoles coraniques controversées que l’on voit généralement mendier dans les rues dans le nord majoritairement musulman du pays.

Pour freiner la propagation du coronavirus, les autorités locales ont décidé d’évacuer quelque 250.000 enfants de la ville de quatre millions d’habitants, pour les renvoyer dans leurs villages.

« Pour l’instant, nous allons évacuer 1.595 enfants », a déclaré à l’AFP Muhammad Sanusi Kiru, ministre de l’Education de Kano, alors que les premiers bus s’apprêtaient à partir mardi. « C’est un processus graduel, nous le faisons par phases, nous les récupérons petit à petit ».

Les rues de cette cité commerçante d’ordinaire bouillonnante d’activité – qui compte pour l’instant 73 cas officiellement confirmés de coronavirus et un décès – sont vides depuis le confinement décrété la semaine dernière.

Le gouvernement de Kano, qui estime le nombre d’enfants mendiants à plusieurs millions dans tout l’Etat, craint une propagation du virus qui pourrait s’avérer catastrophique dans une ville comme Kano, aux infrastructures de santé largement défaillantes.

– « Conditions désastreuses » –

Dans cette région, de nombreux parents envoient leurs fils dès l’âge de six ans apprendre le Coran auprès de maitres religieux dans des écoles non agréées, appelées Almajiri.

Les cours sont gratuits, mais les enfants doivent se débrouiller seuls, généralement en mendiant ou en effectuant des petits boulots.

Ces écoles – qui font aussi office de « maisons de correction » pour les jeunes toxicomanes – ont fait scandale l’année dernière, lorsque plusieurs raids de la police dans des villes du nord ont mis à jour les conditions inhumaines dans lesquelles y vivaient nombre d’enfants et de jeunes hommes.

Certains ont été retrouvés enchaînés, des centaines vivaient entassés dans des pièces sales où la torture et le viol étaient généralisés.

Dans une lettre ouverte en mars, une ONG nigériane, Almajiri Child Right Initiative, demandait que les enfants qui le pouvaient soient ramenés chez eux, et que des aides alimentaires soient distribuées à ceux qui restaient.

« Les écoles officielles ont été suspendues partout dans le pays pour contrôler la propagation probable de la pandémie (…) mais aucune mesure similaire n’a été appliquée dans les écoles Almajiri », selon l’ONG.

Compte tenu des conditions « désastreuses » dans lesquelles ces enfants vivent, « nous pensons qu’il n’y a pas pire environnement » pour eux.

– « Volontaires » –

Kano imite ainsi les Etats voisins de Kaduna et Nasarawa, qui ont déjà évacué des grandes villes des centaines d’enfants, dans le cadre d’une résolution prise par 19 gouverneurs du nord, pour lutter contre la mendicité dans le contexte de crise sanitaire.

Selon les autorités de Kano, qui ont appelé les leaders religieux à évacuer leurs élèves via des messages diffusés à la radio, la première vague de 1.595 garçons part sur une base « volontaire ».

« Les enseignants qui ont amené ces enfants à Kano sont ceux qui nous appellent volontairement pour venir les chercher », assure le ministre Kiru. « Nous ne les obligeons pas à quitter l’Etat ».

Pour l’activiste Saminu Dala, les 250.000 jeunes mendiants identifiés jusque-là « ne représentent qu’une fraction de leur nombre réel ».

« Dans une situation d’urgence comme celle-ci, vous devez être sévère et utiliser la puissance régalienne pour évacuer ces enfants », de force si besoin, a-t-il dit à l’AFP.

En février, avant même que le coronavirus arrive dans la région, la mendicité de rue avait été interdite. La police chargée de faire appliquer la charia, la Hisbah, avait reçu l’ordre d’arrêter les religieux et les parents qui enfreignaient la nouvelle mesure.

Seuls 1.500 enfants avaient initialement regagné leurs foyers, mais au bout de quelques semaines, la répression s’était essoufflée.

Loin de leur terre, les Nubiens rêvent de redonner vie à leur langue

Nourrie aux récits de l’époque lointaine où la vie s’articulait autour du Nil, Fatma Addar, 23 ans, a grandi dans la culture nubienne de ses parents, sans jamais en parler la langue, aujourd’hui très peu usitée.

« On me demande souvent comment je peux être nubienne si je ne parle pas notre propre langue (…). Cela a toujours été un problème pour moi », déplore Mme Addar, arabophone d’éducation.

Cette habitante d’Assouan (sud) appartient à la principale minorité ethnique d’Egypte: les Nubiens, qui ont leurs racines dans le Sud du pays et le Nord du Soudan actuel.

Depuis les années 1960, les terres de l’ancienne Nubie sont en grande partie submergées par les eaux du lac Nasser, né de la construction du Haut barrage d’Assouan, projet monumental lancé par le président Gamal Abdel Nasser et inauguré en 1971.

En l’absence de chiffres officiels, les experts et associations nubiennes évaluent leur nombre entre trois à quatre millions de personnes aujourd’hui, sur plus de 100 millions d’Egyptiens.

A l’époque de la submersion, une part importante de la population d’alors –soit quelque dizaines de milliers de personnes, selon les associations– a dû quitter les rives fertiles du Nil pour les campagnes arides du Sud, ou les grandes villes, et s’assimiler progressivement au reste de la société… Jusqu’à en adopter la langue.

– « Marginalisation culturelle » –

Car si les programmes scolaires comprennent des langues étrangères, ni le nubien ni le berbère, langues minoritaires, ne sont enseignés dans les écoles égyptiennes.

Pour le chercheur Hussein Kobbara, 63 ans, cela participe « clairement de la marginalisation culturelle » des Nubiens.

« Cela fragilise notre identité », ajoute l’universitaire, lui-même d’origine nubienne.

Mme Addar, à l’instar de la plupart des Nubiens de sa génération, n’a été exposée à la langue de ses aïeux qu’à de rares occasions, notamment auprès des membres les plus âgés de la communauté, derniers gardiens de l’idiome ancestral.

« Notre intégration à la société arabophone a peu à peu éloigné le besoin de parler nubien », regrette la jeune femme.

Avec ses origines remontant à plusieurs milliers d’années, la langue nubienne se décline en deux dialectes, le kenzi et le fadidji, assez différents l’un de l’autre.

Transmise surtout oralement, elle est aujourd’hui transcrite dans un alphabet de 24 lettres proche du grec, mis au point par une équipe de chercheurs dans les années 1990.

Du fait de sa rareté, cette langue a été utilisée comme code militaire dans l’armée égyptienne durant la guerre de 1973 contre Israël.

– « Contes d’antan » –

Ces dernières années, la communauté nubienne a décidé de réinvestir son patrimoine linguistique en profitant notamment des nouvelles technologies.

« On filme des Nubiens âgés qui nous racontent les coutumes et légendes de leurs anciens villages, puis on en extrait des expressions », explique à l’AFP Hafsa Amberkab, une cheffe d’entreprise nubienne.

Cette initiative intitulée « Komma Waidi » (« Contes d’antan », en nubien), vise à documenter toute une tradition orale de récits et de fables.

Dans l’une des vidéos –dont certaines sont accessibles sur les réseaux sociaux–, on voit une femme âgée baigner un nouveau-né dans le Nil sept jours après sa naissance pour le bénir et le protéger, selon un vieux rituel de baptême nubien.

Depuis 2019, Mmes Amberkab et Addar travaillent également à un dictionnaire kenzi qui comprend 230 mots transcrits en alphabet arabe et traduits en arabe, anglais et espagnol.

– Application mobile –

En 2017, le développeur Momen Talouch a de son côté créé l’application mobile Nubi destinée à l’apprentissage des deux dialectes nubiens.

« Je ne les parle pas couramment moi-même car j’ai toujours vécu à Alexandrie », dans le nord de l’Egypte, affirme-t-il, tout en revendiquant son appartenance à la Nubie.

Dotée de 3.000 utilisateurs réguliers et téléchargée plus de 20.000 fois, l’application propose d’apprendre, avec des jeux, des chansons et des proverbes transcrits en alphabet nubien moderne et traduits en arabe.

Les chansons oscillent entre des airs gais, incontournables des mariages de la communauté, et des morceaux chargés de mélancolie.

« Mon fils, toi qui t’en vas rejoindre le village, pense à moi quand tu y seras et salue-le pour moi », raconte l’une d’elles.

Les Nubiens réclament de longue date un « droit de retour » et ont obtenu, en 2014, l’inscription de cette revendication dans la Constitution égyptienne.

Bien que le texte leur garantisse « un retour sous dix ans », aucune mesure concrète n’a pour l’heure été prise.

Au contraire, le territoire de l’ancienne Nubie qui n’a pas été inondé a progressivement été placé sous le contrôle de l’armée, dont le rôle est croissant dans l’économie égyptienne.

– Réparation partielle –

L’histoire récente des Nubiens est jalonnée de vagues successives de déplacements de population.

Les différentes étapes de la construction de l’ancien barrage (1902, 1912, 1933), édifié sous le protectorat britannique à la fin du XIXe siècle, ont donné lieu à de premières évacuations, culminant avec la construction du Haut barrage d’Assouan dans les années 1960.

En 2017, plusieurs sit-ins et marches « pour le retour » dans le sud ont abouti à l’arrestation d’une vingtaine de manifestants nubiens.

L’an dernier, le gouvernement a annoncé des mesures partielles de réparation prévoyant le dédommagement, par compensations financières ou attribution de logements sociaux, de quelques milliers de Nubiens.

Toutefois, aux yeux des militants de la cause nubienne, ces gestes ne peuvent remplacer leur droit au retour.

« Cela sera toujours notre rêve et nous devons maintenir notre langue en vie jusqu’à ce que l’on puisse se réinstaller sur nos terres », exhorte la cheffe d’entreprise Hafsa Amberkab.

« Sinon, ce sera un retour sans âme ».

Aux Etats-Unis, la Géorgie rouvre ses commerces malgré le coronavirus et les critiques

Le gouverneur de la Géorgie a autorisé certains pans de l’économie à rouvrir vendredi dans cet Etat du sud des Etats-Unis, une décision critiquée par des responsables locaux et même par Donald Trump, pour qui la mesure est précipitée en pleine pandémie de coronavirus.

Brian Kemp, un fervent partisan du président américain, a décidé de rouvrir certains commerces comme les salles de gym, les bowlings, les ateliers de tatouages, les salons de coiffure et de soins esthétiques ou les ongleries.

A partir de lundi, ce sera au tour des cinémas et des restaurants, qui devront imposer de strictes mesures de distance sanitaire et procéder à des nettoyages réguliers.

Le gouverneur républicain a cité « les données favorables et l’augmentation des tests » pour justifier sa décision, selon lui « approuvée par nos professionnels de la santé », alors que l’Etat compte près de 21.000 cas positifs au coronavirus et a enregistré plus de 850 décès.

Ces réouvertures sont « d’une précision chirurgicale, ciblées et méthodiques, en donnant la priorité à la santé des citoyens », a assuré M. Kemp.

Mais même Donald Trump, ardent partisan d’une réouverture au plus vite de l’économie, a dit mercredi être en « désaccord profond » avec le gouverneur, estimant que les commerces concernés ne faisaient pas partie de la première phase du plan préparé par la Maison Blanche pour relancer l’activité de la première puissance mondiale.

« C’est trop tôt, ils peuvent attendre encore un petit peu », a-t-il expliqué, tout en disant laisser M. Kemp libre de sa décision.

« Je lui conseillerais de ne pas faire ça », a renchéri l’épidémiologiste Anthony Fauci, conseiller de la Maison Blanche sur la pandémie.

Keisha Lance Bottoms, la maire démocrate d’Atlanta, capitale de l’Etat de Géorgie, a de son côté dénoncé une décision qu’elle juge précipitée et dangereuse.

« Je suis profondément inquiète, car on observe toujours une courbe ascendante » de la contamination dans l’Etat, a-t-elle dit sur CBSN.

« J’espère que le gouverneur a raison et que j’ai tort, parce que s’il se trompe, plus de gens vont mourir », a affirmé la maire.

– Responsabilité individuelle –

Brian Kemp a en revanche reçu l’appui d’une partie du patronat local, comme celui de Kay Kendrick, présidente de la Fédération de la cosmétologie et de la coiffure, qui compte 95.000 membres.

« Beaucoup d’entre eux sont des indépendants qui n’ont pas d’autres sources de revenus », a-t-elle dit dans un communiqué.

Pour Diane Fall, au contraire, il est trop tôt. « On dirait que le gouverneur nous fait une faveur, mais je préfère être en vie plutôt qu’ouvrir mon commerce », a dit cette propriétaire d’un salon de coiffure à Decatur, citée par le Wall Street Journal.

Le patron du département d’épidémiologie à l’Université d’Atlanta, José Cordero, rappelle que la propagation du virus est différente selon les Etats et que chacun doit étudier la situation sur le terrain, tout en respectant les consignes sanitaires.

« L’ouverture de ces commerces ne signifie pas qu’on a carte blanche », a-t-il dit à l’AFP.

« Nous devons tous garder à l’esprit notre responsabilité individuelle, si vous êtes malade, restez à la maison », a-t-il ajouté.

Donald Trump souhaite une relance rapide pour briser la spirale de la crise et du chômage – plus de 22 millions d’Américains ont perdu leur emploi depuis le début de l’épidémie. A travers le pays, les partisans du déconfinement demandent la fin des restrictions qui ont mis en sommeil le pays.

Plusieurs Etats républicains ont récemment desserré l’étau du confinement obligatoire. La Caroline du Sud et la Floride ont ainsi ouvert quelques plages au public, et préparent un redémarrage en plusieurs phases.

Coronavirus: la lutte sera longue, impatience aux Etats-Unis, timide déconfinement en Europe

La lutte contre le coronavirus sera longue, prévient l’OMS au moment où l’impatience grandit aux Etats-Unis et où l’Europe prépare son déconfinement, sur fond d’inquiétudes économiques.

« Ne vous y trompez pas : nous avons encore un long chemin à parcourir. Ce virus nous accompagnera pendant longtemps », a prévenu mercredi le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus depuis Genève.

Le patron de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) redoute tout particulièrement un relachement dans le combat mené contre ce nouveau virus, qui a déjà fait plus de 180.000 morts dans le monde depuis son apparition en Chine en décembre.

« L’un des plus grands dangers auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui est la complaisance » face à la pandémie, a-t-il martelé, soulignant que « les premiers éléments indiquent que la majeure partie de la population mondiale reste susceptible » d’être contaminée.

Aux Etats-Unis, où les manifestations anticonfinement se poursuivent, les autorités ont recensé mercredi 1.738 décès dus au coronavirus en 24 heures, un bilan en baisse par rapport à la veille, selon le comptage de l’université Johns Hopkins qui fait référence.

Ce bilan journalier porte à 46.583 le nombre total de décès recensés depuis le début de la pandémie aux Etats-Unis, pays officiellement le plus endeuillé au monde par le Covid-19.

– « Redémarrer l’Amérique » –

En dépit de ces chiffres, et de la situation dramatique dans les hôpitaux de certaines régions particulièrement touchées, le président américain Donald Trump a jugé la semaine dernière qu’il était temps de faire « redémarrer l’Amérique ». Il a toutefois laissé chacun des gouverneurs prendre la décision selon la gravité de l’épidémie dans son Etat.

Certains ont rapidement commencé à relâcher les règles de distanciation. Dans les Etats encore sous ordre de confinement, des Américains multiplient depuis plusieurs jours les manifestations pour appeler à relancer l’économie.

Sur la même longueur d’onde, Donald Trump a signé mercredi un décret suspendant temporairement l’immigration aux Etats-Unis, qui ne délivreront plus de cartes vertes pendant deux mois, afin, dit-il, de protéger les salariés américains.

De l’autre côté de l’Atlantique, plusieurs pays européens se préparent à sortir progressivement du confinement que leurs populations sont contraintes de respecter depuis le mois dernier.

Et la tentation y est grande de relancer certaines activités économiques face au spectre de la récession.

Mais « aller trop vite serait une erreur », a estimé mardi la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays a décidé entre autres de rouvrir certaines grandes surfaces.

Berlin et dix des 16 Etats fédérés allemands ont décidé d’imposer le port du masque dans les transports publics. Bars, restaurants, lieux culturels, terrains de sports y demeurent fermés. Ecoles et lycées rouvriront progressivement.

– « Distanciation sociale » –

Outre l’Allemagne, l’Autriche, la Norvège ou le Danemark sont engagés sur la voie de l’assouplissement de leurs mesures de confinement, tout en conservant des mesures de « distanciation sociale ».

L’Italie, la France, la Suisse, la Finlande et la Roumanie préparent aussi un prudent déconfinement.

Le constructeur automobile Renault a commencé à relancer sa production en France, qui avait été interrompue le 16 mars.

Malgré des signes de décélération, le seuil des 112.000 morts a été dépassé sur le Vieux Continent. L’Italie (25.085 morts) et l’Espagne (21.717) sont les pays en Europe les plus atteints, suivis de la France (21.340) et du Royaume-Uni (18.100).

Alors que 759 décès étaient enregistrés en Grande-Bretagne au cours des dernières 24 heures, portant le bilan dans le pays à 18.000 morts, le chef des services sanitaires britanniques, Chris Whitty, a douché les espoirs de ceux qui espéraient que Londres allait suivre la tendance européenne à alléger dans les semaines à venir les mesures de confinement.

« A long terme, on s’en sortira (…) idéalement avec un vaccin très efficace (…) ou des médicaments très efficaces qui permettront aux gens de ne plus mourir de cette maladie, même s’il l’attrapent », a-t-il dit.

– Course au vaccin –

La course mondiale à l’élaboration d’un vaccin, à laquelle participent toutes les nations et tous les grands laboratoires et firmes pharmaceutiques, a été relancée mercredi avec le feu vert donné par l’autorité fédérale allemande chargée de la certification des vaccins à un essai clinique sur les humains par le laboratoire BioNTech, basé à Mayence, en lien avec le géant américain Pfizer.

Actuellement, cinq projets de vaccin dans le monde en sont aux essais sur des humains mais la mise au point d’une formule efficace et sûre ne devrait pas prendre moins de douze à 18 mois, estiment les experts.

En attendant ce vaccin, dont le monde entier voudra disposer en même temps et dont l’obtention risque de donner lieu à une compétition féroce, la pandémie va continuer à alimenter une crise économique mondiale aux répercussions inédites.

Dans un monde à l’arrêt, les dirigeants cherchent toujours à juguler les effets d’une crise économique que le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation internationale du travail (OIT) décrivent comme la pire depuis 1945.

Les dirigeants européens se retrouvent jeudi devant leurs écrans, pour un sommet en visioconférence censé trouver les solutions pour sortir l’Union européenne de la récession, mais leurs profondes divisions risquent de les contraindre à reporter toute décision d’envergure.

La crise s’amplifie pourtant dans certains secteurs. Lù l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI) estime ainsi que le coronavirus pourrait réduire de 1,2 milliard le nombre de passagers dans le ciel d’ici septembre, comparé à une année normale.

La Corée du Sud a annoncé jeudi une contraction de 1,4% de son activté économique au premier trimestre par rapport à l’année précédente, et les autorités redoutent un nouveau ralentissement dans les mois qui viennent.

L’ONU s’est de son côté alarmée d’une « catastrophe humanitaire mondiale » : le nombre de personnes souffrant de famine risque de doubler pour atteindre « plus de 250 millions d’ici la fin de 2020 », selon elle.

La crainte d’une deuxième vague reste également très forte

Aux Etats-Unis, un haut responsable de la santé publique, Robert Redfield, a dit redouter pour l’hiver prochain un épisode « encore plus difficile que celui que nous venons de vivre », en raison d’une possible coïncidence avec la grippe saisonnière.

Berceau du coronavirus, parti de Wuhan fin 2019, la Chine craint aussi une deuxième vague épidémique. Dans le collimateur : les personnes venant de l’étranger. Face à cette menace, la métropole de Harbin, proche de la Russie, a renforcé mercredi ses mesures de restriction.

burs/ob/roc

L’UE profondément divisée avant un sommet sur l’après-crise

Les dirigeants européens semblent plus divisés que jamais au moment de débattre jeudi des solutions pour sortir l’UE de la récession due à la pandémie de coronavirus, ce qui devrait les contraindre à reporter toute décision d’envergure.

Les 27 ne parviennent pas, pour le moment, à s’entendre sur la façon de relancer le moteur économique et un détail en dit long sur leurs divergences: contrairement à l’habitude, ils ne devraient adopter aucune déclaration commune à l’issue de leur sommet en visioconférence, qui débutera à 13H00 GMT.

Dans sa lettre d’invitation aux chefs d’Etat et de gouvernement, le président du Conseil européen Charles Michel, à la manoeuvre lors des sommets, leur « suggère de se mettre d’accord pour travailler sur un fonds de relance aussi vite que possible ».

Mission devrait être confiée à la Commission européenne de travailler rapidement sur le sujet, ce qui constituera « le principal résultat du Conseil », anticipe une source européenne.

Pourtant, la pandémie a percuté de plein fouet les économies: l’UE, dont les populations sont confinées dans la plupart des pays, devrait enregistrer une chute record de son PIB de 7,1% cette année, selon les prévisions du FMI.

Et la crise qui menace les 19 pays de la zone euro risque d’être la pire de la courte histoire de la monnaie unique lancée en 1999.

– Solidarité –

Dans ce contexte, les vieux clivages, auxquels on avait déjà assisté après la crise financière de 2009, ont réapparu au grand jour.

D’un côté les pays du Sud, fortement endeuillés par la pandémie comme l’Italie et l’Espagne, réclament davantage de solidarité financière à leurs voisins du Nord.

Mais ces derniers, en particulier l’Allemagne et les Pays-Bas, moins touchés par le virus, rechignent à payer pour des Etats à qui ils reprochent de ne pas avoir fait preuve de discipline budgétaire pendant les années de croissance.

« Les pays du Sud ont l’impression que certains Etats, actuellement plus forts économiquement, vont utiliser cette crise pour l’être encore davantage. Et ceux du Nord pensent que leurs voisins du Sud vont profiter de la pandémie pour leur léguer le fardeau de la dette qu’ils ont contractée par le passé », résume un haut responsable européen.

L’Elysée anticipe « encore des débats à l’issue du Conseil » et n’attend pas d’accord avant l’été.

« Il faudra une réunion physique des chefs d’Etat et de gouvernement, au moins une », a résumé une source française.

« C’est le sommet typique sur lequel les rencontres bilatérales, la rencontre à côté de la salle, la possibilité de se parler, de se comprendre mieux dans un tête-à-tête, tout cela va manquer », a estimé l’ancien président du Conseil italien et président de l’Institut Jacques Delors, Enrico Letta.

– « Coronabonds » –

De l’avis de tous, le plan de relance devrait être de plusieurs centaines de milliards d’euros, mais un montant définitif est encore loin d’être acté.

Sur l’épineuse question du financement de fonds de relance, différentes options ont été présentées, mais aucune ne fait pour l’instant l’unanimité.

Rome, Madrid ou Paris plaident pour un endettement commun, sous des formes variées, que l’on a souvent résumé par le terme de « coronabonds ».

L’intérêt de la mutualisation des dettes pour les pays du Sud de l’Europe, c’est de bénéficier des taux d’intérêt peu élevés des pays du Nord.

La question se pose également sur le lien entre le fonds de relance et le budget à long terme de l’UE, qui doit en principe être adopté d’ici la fin de l’année pour la période 2021-2027.

Cette option rassure les pays du Nord car elle fournit un cadre légal mais elle risque de susciter d’autres questions tout aussi compliquées, comme la priorité de ces dépenses d’investissement d’après-crise par rapport à celles qui sont traditionnelles comme la Politique agricole commune (PAC).

Les dernières négociations sur ce budget pluriannuel, en février avant la crise sanitaire et économique, s’étaient soldées par un échec retentissant.

Nouvelle manifestation anti-confinement aux Etats-Unis, Trump limite l’immigration

Donald Trump doit signer mercredi un décret suspendant temporairement la délivrance de cartes vertes afin, dit-il, de protéger les emplois américains en pleine crise liée au coronavirus, tandis que les manifestations pour réclamer la réouverture de l’économie se poursuivent à travers les Etats-Unis.

Elu en 2016 sur la promesse de construire un mur entre son pays et le Mexique, Donald Trump a fait de l’immigration un sujet clé de sa présidence et de sa campagne de réélection avant le scrutin de novembre.

« Je signerai aujourd’hui le décret interdisant l’immigration dans notre pays », a-t-il tweeté mercredi matin.

Contrairement à ce que le locataire de la Maison Blanche avait initialement laissé entendre, la suspension –d’une durée initiale de 60 jours– ne s’appliquera pas aux visas de travail temporaires mais aux seules cartes vertes qui offrent le statut de résident permanent.

Mardi, M. Trump avait mis en avant la situation de l’emploi aux Etats-Unis pour justifier sa décision.

« Il serait injuste que les Américains soient remplacés par une main-d’oeuvre venue de l’étranger », avait déclaré l’ancien homme d’affaires de New York, en appelant à « donner la priorité au travailleur américain ».

Plus de 22 millions d’Américains ont perdu leur emploi depuis que la crise du coronavirus a soudainement paralysé l’économie.

Avec près de 46.000 décès, les Etats-Unis affichent le plus lourd bilan du monde. Ils dénombrent plus de 826.000 cas de Covid-19.

Et les hôpitaux dans certaines régions particulièrement touchées ont encore du mal à répondre à l’afflux de patients, alors que le pays a enregistré l’un de ses pires bilans journaliers mardi, avec plus de 2.700 décès.

– « Besoin d’emplois » –

Donald Trump a toutefois jugé la semaine dernière qu’il était temps de faire « redémarrer l’Amérique », en laissant chacun des gouverneurs prendre la décision selon la gravité de l’épidémie dans son Etat.

Certains ont rapidement commencé à relâcher les règles de distanciation. Des plages de Floride ont été autorisées à rouvrir dimanche dernier, les gouverneurs du Texas et du Vermont ont prudemment relancé certaines activités dès lundi tandis que la Géorgie ira plus loin dès vendredi.

Coiffeurs, salons de beauté et de tatouages, bowlings et autres petits commerces pourront ouvrir leurs portes bien que cet Etat du Sud ne réponde pas aux recommandations de la Maison Blanche, qui préconise notamment d’enregistrer 14 jours de baisse du nombre d’infections avant d’assouplir les mesures.

Son gouverneur républicain, Brian Kemp, a conseillé aux employés de respecter des distances de sécurité mais elles semblent difficiles à maintenir dans certaines de ces professions.

Dans les Etats encore sous ordre de confinement, des Américains multiplient depuis plusieurs jours les manifestations pour appeler à relancer l’économie.

« Nous avons besoin d’emplois. Les gens ne peuvent pas payer leurs loyers, ils ne peuvent pas s’acheter de nourriture », a déclaré à l’AFP Jason Roberge, venu protester mercredi à Richmond, capitale de la Virginie.

« Liberté plutôt que peur », pouvait-on lire sur la pancarte brandie par un homme tandis que des automobilistes, agitant drapeaux américains ou au nom de Donald Trump, klaxonnaient.

Pour soutenir les petites entreprises en détresse et tenter de garantir leurs emplois, le Congrès doit approuver jeudi un nouveau plan d’aide de près de 500 milliards de dollars, qui financera aussi les hôpitaux et renforcera la capacité de dépistage, un facteur jugé crucial pour pouvoir relancer l’activité économique.

Face aux Etats qui se préparent à une « réouverture », le gouverneur de New York, épicentre de la pandémie aux Etats-Unis, a lui lancé cet avertissement retentissant: « Nous ne pouvons pas être stupides ».

« Je comprends la pression » que peuvent ressentir gouverneurs pour assouplir les règles, a déclaré le démocrate Andrew Cuomo, tout en rejetant catégoriquement l’argument voulant que la paralysie de l’économie et le confinement soient pire que le risque de voir l’épidémie se propager.

« Oui, il s’agit de votre vie (…). Vous pouvez faire ce que vous voulez. Sauf que vous êtes maintenant responsable de ma vie », a-t-il expliqué. « Il ne s’agit pas que de vous ».

Andrew Cuomo a salué le « léger recul » de l’épidémie dans son Etat mais a averti: « si nous sommes irresponsables aujourd’hui (…), nous verrons ce taux d’hospitalisations monter d’ici trois, quatre, cinq jours ».

burs-elc/iba

Yémen: 14 morts dans des inondations à Aden, craintes du coronavirus

Des inondations ont tué 14 personnes et fait des dizaines de blessés à Aden, principale ville du sud du Yémen, ont annoncé mercredi les autorités, sur fond de craintes d’une propagation du nouveau coronavirus dans le pays en guerre.

« Les inondations à Aden ont tué 14 personnes, des hommes, des femmes et des enfants », a déclaré à l’AFP le vice-Premier ministre yéménite, Salem al-Khanbashi.

« Nous avons besoin d’une aide urgente dans le secteur de la santé pour stopper la propagation des maladies, en particulier le choléra et d’autres infections virales qui peuvent tuer les gens », a alerté ce responsable qui dirige le haut comité des secours.

Mardi, au moins sept personnes ont péri et 85 blessées mardi dans plusieurs provinces du nord en proie aux intempéries, selon l’ONU.

Au total, au moins 21 Yéménites ont trouvé la mort dans des inondations ces dernières 48 heures dans ce pays le plus pauvre de la péninsule arabique.

La capitale Sanaa et d’autres régions du pays –surtout dans le nord– subissent depuis plusieurs semaines par de fortes pluies, dans un pays déjà touché par la pire crise humanitaire au monde selon l’ONU, et qui a officiellement enregistré un premier cas de nouveau coronavirus début avril.

Depuis 2014, le gouvernement yéménite, soutenu à partir de 2015 par une coalition armée dominée par l’Arabie saoudite, est en guerre contre les rebelles Houthis, aidés par l’Iran, qui contrôlent Sanaa et plusieurs pans du nord du pays.

Plus de trois millions de Yéménites ont été déplacés en raison du conflit, le plus souvent dans des camps particulièrement exposés au risque de propagation de maladies, comme le choléra et le paludisme.

« Des gens sont morts, des maisons ont été endommagées, des (camps de déplacés) ont été touchés et ces inondations pourraient accélérer la propagation du choléra », a mis en garde mercredi Samah Hadid, responsable de l’ONG Oxfam.

Selon Mme Hadid, « il pourrait y avoir un million de cas de choléra cette année avec le début de la saison des pluies au Yémen », évoquant également « la menace sérieuse du coronavirus dans le pays ».

– Eau et boue –

Mercredi à Aden, capitale du sud et siège provisoire du gouvernement, déclarée « zone sinistrée » la veille par le Premier ministre yéménite Maïn Abdelmalak Saïd, des centaines de véhicules flottaient dans des rues inondées.

Au moins dix maisons ont été détruites et 90 autres endommagées, selon un responsable du gouvernement. Pas moins de 35 familles étaient bloquées dans leurs foyers inondés, ont indiqué des résidents d’Aden.

« Il y a de l’eau et de la boue chez moi, les voitures ont été balayées le long des rues, qui sont à présent complètement détruites », a dit l’un d’eux, Mohammed Abdel Hakim.

Ces intempéries ont touché les déplacés dans l’ensemble du pays, a indiqué mercredi le Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), notamment à Marib, l’un des derniers bastions du gouvernement dans le nord où de violents affrontements ont éclaté ces dernières semaines entre loyalistes et rebelles.

« Beaucoup de familles ont perdu leur abri, et tout ce qu’elles détenaient », a écrit le HCR sur Twitter.

Environ 24 millions de Yéménites –plus de 80% de la population– dépendent d’une forme d’aide ou de protection, selon l’ONU.

ONU: un projet de résolution sur le Covid-19 enfin sur la table du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité de l’ONU a commencé mercredi à travailler sur un projet de résolution co-rédigé par la Tunisie et la France, qui réclame « une coordination renforcée » face au Covid-19 et une « cessation des hostilités » dans les pays à son agenda, selon le texte obtenu par l’AFP.

Depuis le début de la pandémie, le Conseil de sécurité est resté largement silencieux pour cause de fortes divisions entre ses membres permanents, notamment les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Il s’est borné, à l’initiative de Berlin, à tenir le 9 avril sa première réunion exclusivement consacrée au Covid-19, sans toutefois d’adoption d’un texte fort à la clé.

Le projet de la Tunisie et de la France, de trois pages, a été remis mercredi matin aux 15 membres du Conseil de sécurité. Des discussions vont débuter « bientôt » après la remise par les membres de leurs « commentaires », ont indiqué des diplomates sous couvert d’anonymat.

« Il n’y aura pas de négociations en tant que telles », prédit un troisième diplomate, également sous couvert d’anonymat, en évoquant un vote qui pourrait intervenir en début de semaine prochaine.

Une impulsion décisive pour une adoption pourrait être donnée par une visioconférence des dirigeants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui est envisagée ce vendredi, selon des médias russes.

Le texte de la Tunisie et de la France est le fruit de deux négociations et de deux projets concurrents, menés depuis un mois, d’un côté sous la houlette de Tunis par les dix pays non membres permanents du Conseil, et de l’autre sous la direction de Paris avec uniquement ses cinq membres permanents.

Le projet souligne « le besoin urgent d’une coordination renforcée parmi tous les pays » pour combattre la pandémie. Il « demande une cessation générale et immédiate des hostilités dans tous les pays à (l’)agenda » du Conseil de sécurité, en soutien des efforts en ce sens du secrétaire général de l’ONU.

Antonio Guterres avait lancé le 23 mars un appel à un cessez-le-feu général dans le monde pour mieux lutter contre le Covid-19 et demandé depuis au Conseil de sécurité de soutenir cette démarche.

– « Pause humanitaire » –

« Il est très important que le Conseil de sécurité parle d’une seule voix sur la crise actuelle qui affecte le monde entier », a répété mercredi le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, lors de sa conférence de presse quotidienne. « Nous aimerions beaucoup une voix forte du Conseil de sécurité », a-t-il insisté.

Le projet de résolution demande aussi « à toutes les parties dans des conflits armés d’observer une pause humanitaire d’au moins 30 jours consécutifs » pour permettre la délivrance d’une assistance humanitaire aux populations les plus éprouvées.

Le texte prévoit des exceptions pour les opérations militaires contre l’Etat islamique en Irak et au Levant, les groupes Al-Qaïda et Al-Nosra ainsi que toutes les autres entités « terroristes » listées par le Conseil de sécurité.

Via ce projet, le Conseil demanderait aussi au secrétaire général de le tenir régulièrement informé de la lutte de l’ONU contre le Covid-19 dans « les pays en conflit armés ou affectés par des crises humanitaires » et des implications pour les missions de paix.

Un paragraphe dans le projet relatif à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), décriée depuis une quinzaine de jours par les Etats-Unis qui ont suspendu leur participation financière à cette agence de l’ONU pour protester contre son manque supposé de réactivité, est laissé en blanc, devant « être décidé à la fin de la négociation ».

Le sujet pourrait être abordé lors de la vidéoconférence planifiée prochainement par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume Uni).

Les dix membres non permanents du Conseil de sécurité sont outre la Tunisie, l’Allemagne, l’Indonésie, la Belgique, la République dominicaine, l’Afrique du Sud, l’Estonie, le Niger, Saint-Vincent et les Grenadines, et le Vietnam.

Au terme d’un mois de négociations, ces pays, excédés par les atermoiements des membres permanents, étaient la semaine dernière parvenus à un projet de résolution définitif, ne comportant plus que deux paragraphes entre crochets liés à une demande de levée de sanctions internationales poussée par l’Afrique du Sud. Aucune demande de vote n’avait cependant suivi.

Le Pentagone considère Kim Jong Un en « plein contrôle » du programme nucléaire nord-coréen

Le Pentagone n’a aucune information permettant de dire que Kim Jong Un a perdu le contrôle du programme nucléaire nord-coréen, a indiqué mercredi un haut responsable de l’état-major américain questionné sur les rumeurs sur les problèmes de santé du dirigeant nord-coréen.

En dehors des informations de presse, « je peux vous dire que selon nos renseignements, je n’ai rien pour confirmer ou démentir quoi que ce soit », a déclaré le chef d’état-major adjoint des Etats Unis, le général John Hyten, au cours d’une conférence de presse.

« Je pars du principe que Kim Jong Un a encore le plein contrôle de la force nucléaire nord-coréenne et des forces armées nord-coréennes », a-t-il ajouté.

La Corée du Nord a marqué le 15 avril le 108e anniversaire de la naissance du fondateur du régime, Kim Il Sung, grand-père du dirigeant actuel. Cette date est de loin la plus importante du calendrier politique au Nord. Mais Kim Jong Un n’a été vu sur aucune des photographies officielles.

Daily NK, un média en ligne géré essentiellement par des Nord-Coréens ayant fait défection, a affirmé que le dirigeant nord-coréen avait été opéré en avril pour des problèmes cardio-vasculaires et qu’il était en convalescence dans une villa dans la province de Phyongan du Nord.

La Maison Blanche est elle aussi restée prudente sur ces informations.

Le président américain Donald Trump a souhaité mardi « bonne chance » à Kim Jong Un, tout en soulignant que les rumeurs sur ses éventuels problèmes de santé n’avaient pas été confirmées.

« Je veux juste dire à Kim Jong Un que je lui souhaite bonne chance », a déclaré M. Trump.

« Si son état de santé est celui mentionné dans les médias, c’est un état très préoccupant », a-t-il ajouté. « Personne n’a confirmé cela », a-t-il précisé. « Nous ne savons pas », a-t-il insisté, avant de conclure: « J’espère le voir en bonne santé ».

Les autorités sud-coréennes ont toutefois minimisé ces informations. Un haut responsable sud-coréen cité par l’agence de presse Yonhap a notamment affirmé, sous couvert de l’anonymat, qu’il n’était « pas vrai » que Kim Jong Un était gravement malade.

Yémen: huit morts dans des inondations à Aden, craintes du coronavirus

Des inondations ont tué huit personnes, dont cinq enfants, et fait des dizaines de blessés à Aden, la principale ville du sud du Yémen, ont indiqué des responsables mercredi, sur fond de craintes d’une propagation du nouveau coronavirus dans le pays en guerre.

Au total, au moins 15 Yéménites ont trouvé la mort dans des inondations en 48 heures dans le pays le plus pauvre de la péninsule arabique. Au moins sept personnes ont péri et 85 blessées mardi dans plusieurs provinces du nord en proie aux intempéries, selon l’ONU.

La capitale Sanaa et d’autres régions du pays surtout du nord sont touchées depuis plusieurs semaines par de fortes pluies, dans un pays déjà touché par la pire crise humanitaire au monde selon l’ONU, et qui a officiellement enregistré un premier cas de nouveau coronavirus début avril.

Depuis 2014, le gouvernement yéménite, soutenu par une coalition armée dominée par l’Arabie saoudite, est en guerre contre les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, qui contrôlent Sanaa et plusieurs pans du nord du pays.

Plus de trois millions de Yéménites sont déplacés en raison du conflit, le plus souvent dans des camps particulièrement exposés au risque de propagation de maladies, notamment hydriques comme le choléra et le paludisme.

« Des gens sont morts, des maisons ont été endommagées, des (camps de déplacés) ont été touchés et ces inondations pourraient accélérer la propagation du choléra », a mis en garde mercredi Samah Hadid, responsable du plaidoyer à l’ONG Oxfam.

Selon Mme Hadid, « il pourrait y avoir un million de cas de choléra cette année avec le début de la saison des pluies au Yémen », évoquant également « la menace sérieuse du coronavirus dans le pays ».

Mercredi à Aden, capitale du sud et siège provisoire du gouvernement, déclarée « zone sinistrée » la veille par le Premier ministre yéménite Maïn Abdelmalak Saïd, des centaines de véhicules flottaient dans des rues inondées.

Au moins dix maisons ont été détruites et 90 autres endommagées, selon un responsable du gouvernement. Pas moins de 35 familles étaient bloquées dans leurs foyers inondés, ont indiqué des résidents d’Aden.

« Il y a de l’eau et de la boue chez moi, les voitures ont été balayées le long des rues, qui sont à présent complètement détruites », a dit l’un d’eux, Mohammed Abdel Hakim.

Ces intempéries ont touché les déplacés dans l’ensemble du pays, a indiqué mercredi le Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), notamment à Marib, l’un des derniers bastions du gouvernement dans le nord où de violents affrontements ont éclaté ces dernières semaines entre loyalistes et rebelles.

« Beaucoup de familles ont perdu leur refuge, et tout ce qu’elles détenaient », a écrit le HCR sur Twitter.

Environ 24 millions de Yéménites –plus de 80% de la population– dépendant d’une forme d’aide ou de protection, selon l’ONU.

Covid-19: le Niger redoute de nouvelles violences à l’approche du ramadan

L’approche du ramadan fait craindre une flambée de violences au Niger, où des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes contre le couvre-feu et l’interdiction des prières collectives, décrétés pour lutter contre la propagation du coronavirus.

« Nous, on veut seulement prier dans nos mosquées, sans violences, rien de plus et nous sommes décidés à exercer ce droit religieux », menace Hassane Dari, un jeune commerçant du Lazaret, un quartier populaire de Niamey, interrogé par l’AFP mercredi.

« On n’a pas pu faire les prières collectives les vendredis et on veut en plus nous empêcher les prières durant le mois béni de ramadan ? Ca ne va pas se passer comme ça ! », se révolte Hadjia Aïssa, une ménagère de Banizoumbou, un quartier voisin de Lazaret.

Les troubles ont commencé il y a un mois dans une localité du centre de ce pays profondément musulman, dès l’annonce par le gouvernement des mesures de lutte contre l’épidémie, en particulier la fermeture des mosquées, avant de s’étendre à la capitale depuis près d’une semaine.

Les forces de l’ordre ont interpellé près de 300 personnes ces derniers jours, alors que le ramadan doit bientôt débuter dans ce pays très pauvre d’Afrique de l’Ouest.

Bien que le Niger soit relativement peu touché par l’épidémie de coronavirus, avec 657 cas dont 20 décès selon un bilan officiel mardi, les autorités avaient pris dès le début il y a un mois des mesures drastiques pour stopper sa propagation : fermeture des frontières, état d’urgence, couvre-feu, fermeture des lieux de culte et des écoles, isolement de Niamey du reste du pays.

Les émeutes ont débuté le 23 mars dans la localité de Mirrya (région de Zinder, centre), où des jeunes armés de gourdins et d’armes blanches ont incendié des bâtiments et des véhicules, selon les autorités.

Une semaine après, dans la région de Tahoua (ouest), des manifestants ont envahi les rues de la commune d’Illéla, ciblant la mairie et des biens particuliers qu’ils ont incendiés.

Dans ces villes, des dizaines de manifestants ont été arrêtés et écroués, selon les autorités.

Les troubles se sont poursuivis à Niamey à partir de vendredi dernier, prenant une ampleur inédite.

Une dizaine de quartiers de la capitale, dont Lazaret et Banizoumbou, se sont « embrasés » dimanche soir, des troubles ayant été menés par « des individus organisés » ayant bravé le couvre-feu pour « brûler des pneus et s’attaquer à des biens privés », a dénoncé à la télévision mardi le gouverneur de Niamey Issaka Assane Karanta.

– Nombreuses interpellations –

Au moins 108 manifestants ont été arrêtés lors d’une première vague entre le 17 et le 19 avril. Dix d’entre eux ont été écroués à la prison de haute sécurité de Koutoukalé, selon la police.

Les manifestations se sont poursuivies lundi soir et 166 personnes ont encore été interpellées, a indiqué la police mercredi. Les personnes ont été arrêtées « dans le feu de l’action : en train de détruire les routes, de casser les lampadaires pour ériger des barricades, de mettre le feu à des pneus ».

Selon des publications sur les réseaux sociaux, où les émeutiers diffusent parfois en direct leur actions, de nouvelles manifestations ont eu lieu mardi dans la nuit à Niamey.

Pour tenter de calmer les esprits, les autorités et d’influents chefs religieux multiplient les appels aux fidèles.

« La terre entière » est une « mosquée, sauf le cimetière et les toilettes. Fuyez devant les maladies contagieuses, comme vous fuirez devant un lion. Ne mettez pas ensemble les personnes contaminées et les personnes en bonne santé. Il faut les séparer », a martelé la semaine dernière à la télévision le président nigérien Mahamadou Issoufou.

Le 18 avril, le Conseil islamique du Niger, plus haute instance religieuse nationale, a « demandé à toute la population de faire preuve d’endurance » et de « s’abstenir de tout attroupement (dans les mosquées) dans le seul but de se protéger et de protéger les autres ».

Le Conseil prévient que « toutes les mesures de prévention seront maintenues et renforcées », aussi « longtemps que durera la chaîne de contamination » du nouveau coronavirus.

« Pour éviter une amplification de la violence, ils vont certainement lever le couvre-feu et rouvrir les mosquées juste pour la durée du ramadan », affirme Allassane Issa, riverain d’une mosquée de Danzama-Koira, autre quartier de la capitale.

A Niamey, une ville de 1,5 million d’habitants, « il y a une mosquée presque à chaque coin de rue » donc « il est difficile de tout contrôler », constate-t-il.

Le Niger a déjà connu des troubles religieux graves.

Après la publication de caricatures du prophète Mahomet par le journal français Charlie Hebdo en 2015, des émeutes antichrétiennes avaient fait dix morts à Niamey et détruit la plupart des églises de la capitale et de Zinder. Le Niger compte dans sa population seulement 1 à 2% de chrétiens.

Outre la pandémie de coronavirus, le Niger fait face depuis plusieurs années à une spirale de violences de groupes jihadistes, qui frappe toute la région sahélienne.

Coronavirus: des ouvriers du Dakota envoyés à l’abattoir

Ancien réfugié érythréen en Ethiopie, Andom Yosef passe depuis des années ses nuits à découper des carcasses de porcs dans une usine du Dakota du Sud. Comme plus de 700 de ses collègues, la plupart immigrés, il a attrapé le coronavirus.

Depuis qu’il est arrivé, en 2007, dans ce coin reculé des Etats-Unis à la recherche d’une vie meilleure, il ne s’est jamais plaint des conditions de travail pourtant particulièrement pénibles: « Mon boulot n’est pas si dur par rapport à d’autres ».

Après avoir enduré pendant sept ans la misère d’un camp de réfugiés, il s’est habitué sans rechigner aux quarts nocturnes, dans le froid, à la promiscuité sur les lignes de production et à la répétition de tâches physiques et ingrates.

Mais lorsque le nombre de cas positifs au Covid-19 a commencé à exploser entre les murs de briques de l’usine, Andom Yosef, 38 ans, n’a pas pu cacher son inquiétude.

« J’ai demandé à être testé. J’ai eu un rendez-vous et on m’a dit après trois ou cinq jours que j’étais positif, qu’il ne fallait plus que j’aille travailler et que je devais rester à la maison », raconte-t-il à l’AFP sur le pas de sa porte.

En quarantaine depuis près de deux semaines avec sa compagne et ses deux enfants, il dit à travers son masque de protection qu’aucun d’entre eux n’a présenté le moindre symptôme.

– Tour de Babel industrielle –

L’entreprise Smithfield Foods emploie à Sioux Falls, la plus grande ville du Dakota du Sud, quelque 3.700 personnes pour abattre, découper, cuire et empaqueter les milliers de cochons qui arrivent chaque jour dans son énorme complexe dressé sur les bords de la rivière Big Sioux.

Une tour de Babel industrielle au sein de laquelle se côtoient immigrés et réfugiés d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique souvent reconnaissants d’y avoir trouvé, sans qualifications, un emploi payé légèrement au-delà du salaire minimum.

« On aime cette entreprise, elle nous a permis d’élever nos enfants », confie Abebe Lamesgin, arrivé d’Ethiopie il y a une quinzaine d’années avec sa femme, ouvrière chez Smithfield.

Leur rêve américain — maison avec garage individuel dans une banlieue résidentielle proprette, réussite sociale des deux aînés, diplômés — a viré à l’aigre lorsque madame a été diagnostiquée positive au coronavirus.

« L’entreprise pour laquelle je travaille nous a informés sur la maladie et la façon de s’en protéger. Smithfield n’a rien fait », regrette Abebe Lamesgin, menuisier de 54 ans également prêtre à ses heures d’une église orthodoxe éthiopienne.

« Ils doivent faire des profits, gagner de l’argent, c’est une bonne chose. Mais sans les gens, il n’y a pas de bénéfices », assène-t-il d’un ton martial, l’index levé comme s’il prêchait devant ses fidèles.

– « Les uns sur les autres » –

Kooper Caraway, jeune président de la section locale d’un syndicat ouvrier, affirme que « la sonnette d’alarme » a été tirée dès début mars, mais que la direction de Smithfield n’a à l’époque « pas pris la menace suffisamment au sérieux ».

« C’est un vieux bâtiment, les couloirs et les escaliers sont très étroits. Les travailleurs sont les uns sur les autres dans les vestiaires, à la cantine… L’usine n’a pas été conçue pour la distanciation sociale », décrit le leader syndicaliste de 29 ans.

Résultat: avec plus de 900 cas — 761 parmi les employés et 143 chez leurs proches, selon les derniers chiffres mardi — et deux décès, l’usine de Sioux Falls est devenue le plus gros foyer de contagion des Etats-Unis sur un site unique.

Smithfield Foods assure dans un communiqué à l’AFP « faire tout ce qui est en (son) pouvoir pour protéger (sa) main d’oeuvre » et liste une série de mesures prises à cet effet, comme la multiplication des distributeurs de gel désinfectant, l’installation d’écrans en plexiglas ou la prise de température à l’entrée du site.

– Prime de 500 dollars –

L’entreprise « dément » par ailleurs « fermement » avoir voulu forcer la main des ouvriers en promettant une prime de 500 dollars à ceux qui n’auraient pris aucun jour de congé maladie en avril.

Elle évoque une récompense exceptionnelle pour le « dévouement » de ses troupes en temps de crise; les syndicats y voient eux une « incitation irresponsable » à aller travailler même en étant malade.

« Il est beaucoup plus facile pour la direction d’écrire un chèque que de s’assoir pour remettre en question son modèle de production et ses mesures de sécurité », soupire Kooper Caraway dans son local syndical.

Sous la pression des autorités de l’Etat, l’usine de Sioux Falls, qui représente à elle seule 4 à 5% de la production de porc aux Etats-Unis, a fermé ses portes le 12 avril jusqu’à nouvel ordre.

Les colonnes de fumée qui s’élèvent habituellement dans le ciel de la ville ont disparu. Les semi-remorques stationnent à vide devant les plateformes de chargement et seules quelques voitures abandonnées occupent encore les immenses parkings de terre réservés aux employés.

Payé par l’entreprise pendant sa quarantaine, l’Erythréen Andom Yosef dit n’avoir « pas peur », une fois qu’elle rouvrira, de retourner travailler à l’usine pour nourrir les Américains confinés.

Même si, ironie du sort et de la mondialisation, Smithfield Foods appartient à un groupe chinois.

Ethiopian Airlines, la première compagnie africaine, se bat « pour sa survie »

Début mars, le Pdg d’Ethiopian Airlines, Tewolde Gebremariam, affirmait lors d’une conférence aéronautique à Addis Abeba que la pandémie de nouveau coronavirus n’était qu’un « problème temporaire », comparable à un désastre naturel ou à une hausse brutale du prix du pétrole.

Un mois plus tard, le discours de M. Tewolde a radicalement changé. La première compagnie aérienne d’Afrique est en « lutte pour sa survie », reconnaît-il. Et pour y parvenir, elle cherche à augmenter son activité de fret et à retarder les paiements dus pour la location d’avions.

« Pour être honnête, jamais je n’aurais pensé que nous en arriverions là », concède M. Tewolde dans une interview à l’AFP. « Je n’aurais jamais pensé que ça se répandrait comme ça, à cette vitesse, et avec une telle ampleur. Ca va juste trop vite, ça coûte trop cher et c’est au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer. »

En Afrique, les compagnies aériennes pourraient perdre 6 milliards de dollars (5,5 milliards d’euros) de revenus passagers en 2020 à cause du coronavirus, comparé à l’année 2019, selon l’Association internationale du transport aérien (Iata).

Ethiopian Airlines, joyau détenu par l’État de l’économie éthiopienne et source vitale de devises étrangères, a déjà annoncé avoir perdu 550 millions de dollars de revenus depuis janvier.

« Si vous vous mettez à ma place, la seule manière d’avancer pour Ethiopian Airlines est d’augmenter ou de concentrer ses ressources, son énergie et son temps sur des secteurs qui ne sont pas affectés par le coronavirus », constate M. Tewolde.

La compagnie a commencé à jouer un rôle majeur dans la lutte contre le coronavirus en Afrique en distribuant de l’équipement médical sur tout le continent. Malgré ça, elle pourrait ne pas pouvoir survivre plus de trois mois avant de devoir chercher de l’aide financière à l’extérieur, prévient son Pdg.

« Est-ce que nous serons capables de résister avec seulement 15% de nos revenus? », s’interroge-t-il, en référence à ce que rapporte l’activité fret. « Pour une courte période oui. Mais pour combien de temps? C’est difficile à prédire. »

– Hausse des activités de fret –

Lors des premières semaines après l’apparition de la pandémie en Afrique, Ethiopian Airlines a été critiquée en Ethiopie pour avoir maintenu ses vols vers la Chine, d’où provient le virus, à la différence de ses concurrents comme Kenya Airways.

Mais M. Tewolde assure que si c’était à refaire, il reprendrait la même décision. Il souligne que le premier cas officiellement recensé de Covid-19 en Ethiopie a été un Japonais arrivé dans le pays depuis le Burkina Faso.

Les routes chinoises constituent aujourd’hui le cœur des opérations de fret d’Ethiopian Airlines, alors que le monde entier tente de se fournir en équipements médicaux produits en Chine.

Mais cette tâche est rendue plus difficile par la baisse vertigineuse du trafic passager, les avions passagers pouvant aussi transporter des marchandises.

« En ce moment, on manque cruellement d’avions cargo en partance de Chine », observe Craig Jenks, de la société new-yorkaise de conseil aéronautique Airline/Aircraft Projects Inc. consultancy.

Le coût des vols cargo longue distance est « au moins le double de la normale », ajoute ce dernier.

Au début de la crise, Ethiopian Airlines avait 12 avions dédiés au fret. La compagnie a depuis modifié « 10 à 15 » avions passagers en enlevant les sièges pour renforcer sa flotte, explique M. Tewolde.

Elle reste assez loin des capacités cargo de concurrents comme Emirates ou Qatar Airways. Mais selon M. Jenks, elle peut espérer tirer à terme de ses opérations de fret jusqu’à 40% de ses revenus habituels.

– La même stratégie à long terme –

Ethiopian Airlines se consacre également à des activités propres à cette ère nouvelle du coronavirus.

De hauts responsables américains et japonais l’ont ainsi remerciée pour avoir rapatrié certains de leurs compatriotes depuis des pays africains.

Lundi, la compagnie a fini de distribuer le second lot de masques, kits de dépistage, ventilateurs et autres équipements médicaux donnés aux pays africains par le milliardaire chinois Jack Ma.

Et la semaine dernière, l’Éthiopie et les Nations unies ont ouvert une plate-forme de transport humanitaire à l’aéroport d’Addis Abeba pour acheminer des équipements et des travailleurs humanitaires à travers l’Afrique.

Mais alors que le coût financier de la crise ne fait que s’accroître, Ethiopian Airlines a commencé à discuter d’un report des versements liés à la location d’avions et pourrait aussi réclamer un délai pour le remboursement de 2 milliards de dollars de dette.

La compagnie se dit déterminée à ne licencier aucun de ses employés permanents, mais n’exclut pas de devoir imposer des baisses de salaire si la crise devait perdurer, selon M. Tewolde.

Il estime que l’expansion actuelle du secteur du fret pourrait fléchir dès le mois de juin, alors que le trafic passager pourrait continuer à tourner au ralenti longtemps après que les pays auront levé les restrictions sur les vols.

Malgré tout, Ethiopian Airlines n’a pas modifié sa stratégie de croissance à long terme, qui passe notamment par la construction d’un nouvel aéroport d’un coût de 5 milliards de dollars à Addis Abeba. « Nous ferons tout pour survivre », assure son Pdg.

En Algérie, les détenus « oubliés » du Hirak

Ils sont les « oubliés » du mouvement populaire (« Hirak ») antirégime en Algérie. Des dizaines de détenus qui attendent leur procès, certains depuis plus d’un an, dans un silence assourdissant et un isolement accentué par la crise sanitaire due au nouveau coronavirus.

Ils ne jouissent pas du statut d’opposant politique, vivent souvent loin d’Alger, la capitale du Hirak, et sont parfois assimilés à des voyous. Face à l’indifférence quasi générale, leurs familles ne savent plus vers qui se tourner.

C’est ainsi que des groupes de mères de détenus se sont créés, après des rencontres dans les prétoires algérois, pour partager leurs déboires. Aujourd’hui, ces compagnes d’infortune se soutiennent mutuellement pour sauver leurs enfants.

Zakia Hanane est la mère de Zinedine, 32 ans, arrêté le 1er mars 2019 à Alger au retour d’une manifestation du Hirak après que deux voisins du quartier sont montés dans la même voiture que lui. L’un deux, réparateur TV, a reconnu avoir ramassé un écran plasma dans la rue pour récupérer les pièces. Mais la justice les a tous mis dans le même sac et les a accusés de vandalisme.

« Le +Hirak+ et la justice les ont oubliés, et avec le coronavirus ils paient lourdement cet oubli. C’est la double peine avant le jugement », se désole Zakia, qui en a perdu le sommeil.

La vie de ces familles, souvent issues de milieux modestes, s’est arrêtée le jour de leur arrestation. Il a fallu prendre des avocats et les rémunérer.

Leur désespoir s’est accru avec la pandémie du Covid-19 et l’annulation des visites au parloir, même si, selon les autorités, aucune contamination n’est à déplorer dans les geôles.

– « Criminaliser le Hirak » –

Kaddour Chouicha, militant des droits humains à Oran (nord-ouest), estime que « la détention préventive reste une arme puissante dans les mains de ceux qui criminalisent l’activité politique, syndicale, associative, et maintenant les membres du +Hirak+ ».

Certains détenus attendent leur procès depuis plus d’un an. Ils ont vu arriver, puis partir, d’autres prisonniers du Hirak, libérés ou condamnés à une peine déjà purgée.

Les autorités algériennes ne communiquent pas sur le sujet.

Quant aux ONG de la société civile, elles sont partagées sur le statut de ces prisonniers — d’opinion ou non?–, mais s’accordent sur le fait qu’ils ne doivent pas croupir en préventive.

La plupart des avocats les ont traités comme des détenus de droit commun, alors que, selon lui, ils sont incarcérés pour des faits liés au Hirak, dit Hakim Addad, ex-prisonnier, militant du Rassemblement Action Jeunesse(RAJ), mouvement à la pointe de la contestation.

D’autres conseils ont refusé de les défendre, excipant du « secret professionnel » pour ne pas révéler les circonstances ou les motifs de leur interpellation, observe Me Lydia Lounaouci, avocate à Bejaïa (nord-est).

Certains embastillés ont été impliqués –à tort ou à raison– dans des altercations, des vols ou des saccages en marge de marches du Hirak.

C’est le cas de Yazid Hadou, un « hirakiste » de Tlemcen (nord-ouest), arrêté en octobre 2019, accusé par la police de s’être battu avec un agent municipal avant l’élection présidentielle.

Son frère Hami demande qu’on le juge ou qu’on le libère. « Il avait un travail qu’il a perdu. Il est marié et a un enfant en bas âge ».

Hami raconte que leur mère est décédée sans pouvoir le voir. « Elle était malade et a mal supporté son incarcération. Aujourd’hui, je n’ose pas lui annoncer qu’elle est morte ».

– « Inadmissible » –

Le recours à la détention préventive était déjà devenu la règle et non l’exception avant le Hirak, qui a rendu le phénomène plus visible, selon les avocats et les militants des droits humains.

Ces derniers estiment à plus d’un millier le nombre de détenus –« hirakistes » ou non– en prison dans l’attente d’un hypothétique procès, malgré de récentes grâces présidentielles.

Kaddour Chouicha a rencontré à la prison d’Oran un homme accusé dans une affaire de drogue qui attend son procès depuis six ans.

La préventive, dit-il, frappe plus durement « ceux qui, isolés, démunis, sont placés dans un face-à-face inégal avec le visage réel de la répression ».

« Ils ne connaissent pas les mécanismes, ni les personnes à contacter. Ils n’ont pas d’argent. Leurs familles ne savent pas à quelle porte frapper », déplore M. Chouicha, lui-même ex-détenu du « Hirak ».

Hakim Addad, du RAJ, témoigne: « Un jeune de 23 ans était en isolement avec moi. Il n’a ni père ni mère, juste un frère et est en détention provisoire depuis 18 mois pour une bagarre. Il n’a pas les moyens de se payer un avocat ».

M. Addad estime que 20% à 30% des détenus de la prison d’El Harrach à Alger sont en préventive. « C’est inadmissible. Certains passent des mois en prison avant d’être acquittés ».

La médecine traditionnelle africaine monte au créneau face au coronavirus

Vous êtes positifs au coronavirus ? Pas de souci, buvez votre propre urine ! A l’image de ce conseil d’un herboriste congolais, la pandémie a fait fleurir les promesses de guérison les plus diverses en Afrique, où la médecine traditionnelle reste prisée et respectée.

Tisanes, décoctions, épices, fruits ou légumes… Sur les marchés ou dans les officines, la liste est longue des remèdes dont les tradipraticiens vous affirment, une main sur le coeur et, souvent, l’autre sur le porte-monnaie, qu’ils repoussent ou soignent le Covid-19.

Même les chefs d’Etat s’en mêlent. Celui de Madagascar, Andry Rajoelina, a d’abord vanté les qualités de guérison d’une tisane à base d’artemisia, une plante à l’efficacité scientifiquement prouvée contre le paludisme. Il a ensuite fait marche arrière en insistant sur ses vertus préventives, qui permettraient de renforcer le système immunitaire.

« Cette tisane donne des résultats en sept jours », a-t-il affirmé après l’avoir bue, arguant d’essais qui restent à publier. « On peut changer l’histoire du monde entier », a-t-il assuré.

Doyen de la faculté de médecine de Toamasina (est), le Dr Stéphane Ralandison a mis en garde contre les méthodes « pas bien scientifiques » autour de cette tisane.

Si elle reconnaît que certaines substances peuvent « atténuer les symptômes » du coronavirus, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a elle aussi rappelé qu’il n’existait pour l’heure « aucune preuve » qu’elles peuvent « prévenir ou guérir la maladie ».

Mais qu’importe. Faute d’un vaccin ou même d’un traitement efficace offert par la médecine occidentale, les tradipraticiens se sont engouffrés dans la brèche.

C’est la cas de Gabriel Nsombla, qui fait la publicité de ses potions sur les ondes d’une radio locale de République démocratique du Congo (RDC).

– ‘Tous guéris’ –

« Inhaler la vapeur d’un mélange d’écorce de manguier, des feuilles de papayer, du gingembre et d’une plante dont je garde le nom secret, assure une guérison certaine », claironne-t-il, « tous ceux qui viennent chez moi repartent guéris ».

Même s’il avoue ne pas avoir encore testé ses philtres sur des malades du Covid-19, le naturopathe camerounais Anselme Kouam certifie lui aussi que « la médecine traditionnelle peut contribuer à lutter contre le coronavirus ».

Il recommande les infusions à base d’ail et de gingembre, souvent cités pour leur capacité présumée à renforcer les défenses immunitaires. Ou l’usage des cristaux de menthe, à faire bouillir dans un seau d’eau.

« Il faut rapprocher sa tête du saut, la recouvrir avec une couverture puis respirer », détaille Anselme Kouam, « ça libère les voies respiratoires et c’est efficace contre ce virus ».

Dans un continent où les traditions restent vives, l’apparition du Covid-19, qui a fait jusqu’à présent près de 1.200 morts en Afrique, a vu les populations se ruer sur les remèdes des anciens.

Sans retenue et sans discernement parfois. En RDC, la radio onusienne Okapi a rapporté fin mars la mort de trois enfants qui avaient absorbé une plante médicinale pour prévenir une contamination par le virus.

Contrairement à leurs confrères chinois qui ont obtenu pignon sur rue et reconnaissance dans les pays occidentaux, les médecins traditionnels africains regrettent les railleries dont ils sont encore souvent la cible.

L’herboriste sud-africain Makelani Bantu déplore ainsi que son gouvernement n’ait pas daigné répondre à son offre de tester scientifiquement ses décoctions.

« On ne nous donne même pas l’occasion de parler », regrette-t-il depuis son officine de Pretoria. « Pour l’instant ils n’ont pas de solution contre le Covid-19, ils pourraient au moins essayer nos traitements. »

– Pharmacopée ‘autochtone’ –

« Il est temps d’associer les autochtones à la recherche de solutions », renchérit l’ethnologue congolais Sorel Eta, qui fréquente depuis un quart de siècle les pygmées Akas de la province de Likouala (nord).

« Ils connaissent les arcanes de la forêt, notamment toutes les essences médicinales qui s’y trouvent. Ils ont toujours soigné des maladies dont les symptômes s’apparentent à ceux du Covid-19 », plaide-t-il.

Au Bénin, le guérisseur et prêtre vaudou Bokonon Azonyihouès assure travailler d’arrache-pied avec ses collègues pour mettre au point un traitement.

« Autant que les grands laboratoires, nous faisons des recherches et des essais », explique le « sage », « la solution peut venir de l’une ou l’autre médecine ».

Jusque-là, les autorités sanitaires de plusieurs pays africains ont accueilli ces promesses avec prudence.

Début avril, l’Autorité ougandaise du médicament a publié une déclaration interdisant la publicité pour les remèdes traditionnels dans les médias publics, après l’arrestation d’un herboriste qui avait prétendu avoir identifié un traitement contre la maladie.

Ce praticien, Lazarus Kungu, a été inculpé de mise en danger de la santé publique.

Responsable de la lutte contre les épidémies au ministère camerounais de la Santé, Georges Etoundi Mballa assure toutefois ne pas écarter le recours à la médecine traditionnelle. « Tous ceux qui peuvent apporter une réponse scientifique (…) sont les bienvenus », dit-il.

Le porte-parole du ministère sud-africain de la Santé, Pop Maja, assure « respecter le rôle des guérisseurs traditionnels ». Jusqu’à un certain point. « Nous savons aussi que pour l’instant il n’y a pas de traitement contre le coronavirus », dit-il, « et chaque jour, je reçois 10 à 15 appels de gens qui disent qu’ils en ont trouvé un… »

burs-sn-pa/bed/sba

En Algérie, les détenus « oubliés » du Hirak

Ils sont les « oubliés » du mouvement populaire (« Hirak ») antirégime en Algérie. Des dizaines de détenus qui attendent leur procès, certains depuis plus d’un an, dans un silence assourdissant et un isolement accentué par la crise sanitaire due au nouveau coronavirus.

Ils ne jouissent pas du statut d’opposant politique, vivent souvent loin d’Alger, la capitale du Hirak, et sont parfois assimilés à des voyous. Face à l’indifférence quasi générale, leurs familles ne savent plus vers qui se tourner.

C’est ainsi que des groupes de mères de détenus se sont créés, après des rencontres dans les prétoires algérois, pour partager leurs déboires. Aujourd’hui, ces compagnes d’infortune se soutiennent mutuellement pour sauver leurs enfants.

Zakia Hanane est la mère de Zinedine, 32 ans, arrêté le 1er mars 2019 à Alger au retour d’une manifestation du Hirak après que deux voisins du quartier sont montés dans la même voiture que lui. L’un deux, réparateur TV, a reconnu avoir ramassé un écran plasma dans la rue pour récupérer les pièces. Mais la justice les a tous mis dans le même sac et les a accusés de vandalisme.

« Le +Hirak+ et la justice les ont oubliés, et avec le coronavirus ils paient lourdement cet oubli. C’est la double peine avant le jugement », se désole Zakia, qui en a perdu le sommeil.

La vie de ces familles, souvent issues de milieux modestes, s’est arrêtée le jour de leur arrestation. Il a fallu prendre des avocats et les rémunérer.

Leur désespoir s’est accru avec la pandémie du Covid-19 et l’annulation des visites au parloir, même si, selon les autorités, aucune contamination n’est à déplorer dans les geôles.

– « Criminaliser le Hirak » –

Kaddour Chouicha, militant des droits humains à Oran (nord-ouest), estime que « la détention préventive reste une arme puissante dans les mains de ceux qui criminalisent l’activité politique, syndicale, associative, et maintenant les membres du +Hirak+ ».

Certains détenus attendent leur procès depuis plus d’un an. Ils ont vu arriver, puis partir, d’autres prisonniers du Hirak, libérés ou condamnés à une peine déjà purgée.

Les autorités algériennes ne communiquent pas sur le sujet.

Quant aux ONG de la société civile, elles sont partagées sur le statut de ces prisonniers — d’opinion ou non?–, mais s’accordent sur le fait qu’ils ne doivent pas croupir en préventive.

La plupart des avocats les ont traités comme des détenus de droit commun, alors que, selon lui, ils sont incarcérés pour des faits liés au Hirak, dit Hakim Addad, ex-prisonnier, militant du Rassemblement Action Jeunesse(RAJ), mouvement à la pointe de la contestation.

D’autres conseils ont refusé de les défendre, excipant du « secret professionnel » pour ne pas révéler les circonstances ou les motifs de leur interpellation, observe Me Lydia Lounaouci, avocate à Bejaïa (nord-est).

Certains embastillés ont été impliqués –à tort ou à raison– dans des altercations, des vols ou des saccages en marge de marches du Hirak.

C’est le cas de Yazid Hadou, un « hirakiste » de Tlemcen (nord-ouest), arrêté en octobre 2019, accusé par la police de s’être battu avec un agent municipal avant l’élection présidentielle.

Son frère Hami demande qu’on le juge ou qu’on le libère. « Il avait un travail qu’il a perdu. Il est marié et a un enfant en bas âge ».

Hami raconte que leur mère est décédée sans pouvoir le voir. « Elle était malade et a mal supporté son incarcération. Aujourd’hui, je n’ose pas lui annoncer qu’elle est morte ».

– « Inadmissible » –

Le recours à la détention préventive était déjà devenu la règle et non l’exception avant le Hirak, qui a rendu le phénomène plus visible, selon les avocats et les militants des droits humains.

Ces derniers estiment à plus d’un millier le nombre de détenus –« hirakistes » ou non– en prison dans l’attente d’un hypothétique procès, malgré de récentes grâces présidentielles.

Kaddour Chouicha a rencontré à la prison d’Oran un homme accusé dans une affaire de drogue qui attend son procès depuis six ans.

La préventive, dit-il, frappe plus durement « ceux qui, isolés, démunis, sont placés dans un face-à-face inégal avec le visage réel de la répression ».

« Ils ne connaissent pas les mécanismes, ni les personnes à contacter. Ils n’ont pas d’argent. Leurs familles ne savent pas à quelle porte frapper », déplore M. Chouicha, lui-même ex-détenu du « Hirak ».

Hakim Addad, du RAJ, témoigne: « Un jeune de 23 ans était en isolement avec moi. Il n’a ni père ni mère, juste un frère et est en détention provisoire depuis 18 mois pour une bagarre. Il n’a pas les moyens de se payer un avocat ».

M. Addad estime que 20% à 30% des détenus de la prison d’El Harrach à Alger sont en préventive. « C’est inadmissible. Certains passent des mois en prison avant d’être acquittés ».

Coronavirus: 435 morts en 24 heures en Espagne, 2e jour de léger rebond

L’Espagne a recensé mercredi 435 morts du nouveau coronavirus en 24 heures, un chiffre qui a augmenté légèrement pour le deuxième jour consécutif et qui porte le total de décès à 21.717, a annoncé le ministère de la Santé.

430 morts avaient été notifiées mardi et 399 lundi, ce qui constituait un plus bas depuis quatre semaines.

Le pays, qui compte par ailleurs au total plus de 208.000 cas confirmés après une hausse de plus de 4.200 en 24 heures, est le troisième le plus endeuillé du monde derrière les États-Unis et l’Italie.

Le confinement très strict auquel est soumis l’Espagne depuis le 14 mars doit être prolongé mercredi par les députés jusqu’au 9 mai inclus.

Le gouvernement, qui aborde le déconfinement avec une extrême prudence, va toutefois assouplir légèrement ses mesures de lutte contre le virus en permettant aux enfants de sortir prendre l’air à partir de dimanche.

Après les avoir initialement autorisés à sortir avec un de leur parent uniquement pour aller au supermarché ou à la pharmacie, il a fait volte-face mardi soir face à l’avalanche de critiques de tous bords en autorisant de courtes promenades comme dans d’autres pays européens comme la France.

« La désescalade (dans les mesures de confinement) va être lente et progressive précisément car elle doit être sûre », a insisté le Premier ministre Pedro Sanchez mercredi devant les députés.

« Le confinement ne sera levé que lorsque nous y serons préparés car nous n’allons courir aucun risque », a-t-il martelé en évoquant la « deuxième moitié du mois de mai ».

Malgré un nombre de morts toujours élevé, l’Espagne a dépassé le pic de l’épidémie début avril, quand le coronavirus avait tué jusqu’à 950 personnes le 2 avril.

Signe de l’amélioration, les hôpitaux ne sont plus saturés et la région de Madrid devait fermer mercredi la morgue installée dans la patinoire d’un centre commercial madrilène, symbole du lourd bilan humain de la pandémie dans la capitale espagnole.