Dans la permanence d’Elizabeth Warren à Houston, des volontaires texans s’empressent de coller au mur les dernières pancartes en espagnol et de mettre des chaises en cercle.
Ils attendent l’arrivée d’une dizaine d’électeurs latinos venus discuter du programme de la candidate aux primaires démocrates.
Au Texas, le nerf de la guerre dans la course à l’investiture démocrate est la participation de l’électorat hispanique lors du « Super Tuesday » mardi, lorsque 14 Etats se rendront aux urnes pour choisir quel candidat ils veulent voir défier Donald Trump à la présidentielle de novembre.
« Très souvent, nous sommes ignorés en tant que communauté », déplore auprès de l’AFP la romancière Ariane Navarro, venue avec son mari et ses deux enfants à ce forum.
Pendant une heure et demie, des personnes âgées, de jeunes adultes et même quelques familles discutent d’immigration, de santé et de leurs ressentis d’Américains latinos.
« Je suis entourée par des Latinos éduqués et nous pensons tous avoir une voix et être capables de transformer le Texas », ajoute l’ancienne professeure qui veut aider les jeunes de sa famille à s’inscrire sur les listes électorales.
L’équipe de campagne d’Elizabeth Warren se vante d’avoir organisé une tournée dédiée spécifiquement à la communauté hispanique à travers le Texas.
« Beaucoup de gens disent que le Texas est un Etat rouge (républicain, ndlr), mais c’est faux: c’est un Etat où les gens ne votent pas », affirme Maria Martinez, chargée d’établir des passerelles avec la communauté hispanique au niveau national.
Lors des primaires démocrates de mars 2016, seuls 7.44% de la population texane en âge de voter avait mis un bulletin dans l’urne: c’est environ 20% de moins qu’au niveau national. Pendant l’élection présidentielle de novembre 2016, la participation texane était également près de 10% sous la moyenne nationale.
– Quinceaneras –
Les prétendants démocrates se disputent ardemment le soutien de cette base qui ne cesse de croître: en 2020, les électeurs originaires d’Amérique centrale ou méridionale sont 1.4 million de plus qu’en 2012 à pouvoir voter au Texas.
« 56% du total des électeurs hispaniques vivent dans un Etat qui vote avant ou pendant le Super Tuesday, dont fait partie le Texas cette année », explique Mark Hugo Lopez du Pew Research Center. Un nombre plus important de Latinos a donc l’occasion de participer aux primaires qu’en 2012 ou en 2016.
Les publicités en espagnol et le porte-à-porte électoral ne suffisent plus, estime Antonio Arellano, directeur exécutif de l’organisation Jolt, qui encourage les jeunes latinos à se saisir du problème eux-mêmes.
Le collectif a notamment lancé l’initiative Poder Quince (« Pouvoir quinze »), qui offre d’inscrire sur les listes électorales les convives pendant les quinceaneras, la fête traditionnelle des jeunes filles mexicaines qui marque leur anniversaire de 15 ans. Une « nouvelle tradition d’engagement civique » qui « exploite la puissance de la culture latino », estime le militant sans-papiers de 29 ans.
Autre idée pour toucher les jeunes, un débat organisé à Houston en février entre étudiants et candidats à la primaire démocrate. Le super-favori de la course Bernie Sanders a accepté d’être présent par vidéoconférence.
Le socialiste revendiqué qui mène les sondages avec 30% d’intention de vote chez les Latinos est particulièrement populaire chez les jeunes et a été longuement applaudi par la foule.
– « Un poids sur mes épaules » –
Au milieu des galettes de riz et beurre de cacahuète, bougies électriques et franges découpées dans du papier mâché rose ou jaune, la permanence de Jolt est investie tous les jeudis par des bénévoles comme Victor Ibarra, qui veut « faire en sorte que la jeunesse latino ait une voix dans le futur ».
« Cela compte beaucoup pour moi que (les candidats, ndlr) aient pris le temps de nous parler et de répondre à nos questions », apprécie le physicien de 23 ans, dans une petite salle couverte de pancartes multicolores dans l’est de Houston.
« On se concentre sur les jeunes parce qu’on veut leur faire comprendre que c’est leur responsabilité d’aller informer leur famille », explique Leslie Hernandez, responsable du recensement pour Jolt qui encadre les volontaires.
Pour eux, le vote aux primaires démocrates n’est qu’une goutte dans l’océan des combats politiques à mener: écologie, recensement, antiracisme.
Avant de dresser des listes de politiciens à contacter avant leur prochain événement civique, et d’enregistrer une petite vidéo promotionnelle à destination de leurs réseaux sociaux, la demi-douzaine de lycéens et de jeunes adultes ferme les yeux et s’accorde cinq minutes de méditation sur fond de musique relaxante.
« En tant que Latina, j’ai l’impression de porter un poids sur mes épaules en permanence », commence Leslie Hernandez, qui exhorte les volontaires à respirer et à prendre soin d’eux. « Vous êtes en sécurité maintenant. »