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Coronavirus: le désarroi des migrants africains à Istanbul

Liste de noms dans la main, le Sierra-Léonais Alfa Barrie prend des directions au téléphone auprès d’un ouvrier africain clandestin à Istanbul pour lui livrer une aide humanitaire distribuée aux migrants les plus vulnérables au moment où le coronavirus se propage dans la ville.

« Elle se trouve où la maison? Envoie-moi la localisation. J’arrive », intime-il à son interlocuteur.

Alfa Barrie travaille avec un réseau de volontaires turcs, le Tarlabasi Solidarity Network, créé il y a huit ans pour venir en aide aux toxicomanes et aux sans-abri mais qui à présent met ses moyens en oeuvre pour protéger les migrants face à l’épidémie de Covid-19 qui a fait près de 1.800 morts en Turquie sur plus de 78.000 cas recensés, dont près de la moitié à Istanbul.

« Nous leur distribuons des coupons alimentaires, des désinfectants, des masques et des gants », explique le volontaire de l’AFP.

Précautions sanitaires obligent, Alfa Barrie n’entre jamais dans les logements auxquels les aides sont destinées. Le sac est laissé à l’entrée et l’un de ses occupants du foyer sort le récupérer.

Les volontaires, portant des masques ou des visières de protection, arpentent des quartiers d’Istanbul à bord d’une voiture dont le siège arrière et le coffre sont remplis de produits qu’ils distribuent aux destinataires figurant sur une liste pré-établie. Trois-cents adresses devaient être desservies rien que pour la journée de vendredi.

– « On essayera de vous aider » –

Selon le Tarlabasi Solidarity Network, quelque 80.000 migrants africains, pour la plupart des clandestins, vivent à Istanbul, la tentaculaire capitale économique turque qui compte quelque 16 millions d’habitants. La Turquie abrite près de 4 millions de réfugiés, en grande majorité des Syriens.

Arrivé à destination à l’aide de la localisation reçue sur son téléphone portable, Alfa Barrie, accompagné de deux autres volontaires du groupe, attend au pied d’un immeuble dans le quartier populaire d’Aksaray.

Idriss Camara, lui aussi de Sierra Leone, descend récupérer son aide mais avant d’en prendre possession il a droit à un discours des volontaires sur les moyens de se protéger du virus.

« Toutes les précautions à prendre sont inscrites ici, c’est en français et en anglais », dit Yasir, un autre volontaire, en distribuant une brochure à un groupe d’Africains rassemblés dans la rue.

« Vous trouverez aussi un numéro Whatsapp que vous pouvez appeler ou y envoyer un message si vous ou vos amis ne vous sentez pas bien. On essayera de vous aider », leur assure-t-il.

Content de recevoir l’aide offerte par les volontaire, Idriss Camara n’en reste pas moins inquiet en l’absence d’un soutien de l’Etat après avoir perdu son emploi dans le textile en raison de la pandémie.

« Nous avons besoin de beaucoup de choses pour vivre. je ne travaille plus. Tout est fermé, comment pourrai-je survivre », soupire-t-il.

– « Pas beaucoup de nourriture » –

Les mêmes préoccupations hantent Kouna Mori, un Guinéen qui habite lui aussi à Aksaray.

« Ils viennent de nous donner des masques et des gants et aussi du désinfectant, donc c’est pour éviter le truc là, le coronavirus », dit-il.

Mais « pendant le confinement, on ne travaille pas, donc on a un problème, surtout pour manger. Comme on est un peu nombreux à la maison, il faut que l’on s’associe pour manger entre nous », ajoute-il.

Et il pense déjà au ramadan, le mois de jeûne musulman qui commence dans une semaine. « Si on n’a pas à manger à la maison cela va nous créer des problèmes ».

Le Tarlabasi Solidarity Network, financé par des donations, prévoit de distribuer de l’aide à 5.000 bénéficiaires. « Nous avons livré près d’un quart d’entre eux », affirme l’un de ses responsables, Muhammed Siddik.

« Les migrants vivent en groupes de cinq ou six personnes dans de petits appartements. Si la pandémie se répand parmi eux, il nous sera difficile de trouver une solution », avertit-il.

Selon lui, un migrant africain est décédé du Covid-19 la semaine dernière chez lui faute de pouvoir se faire admettre à l’hôpital.

Dans le même quartier, neuf migrants africains vivent dans un appartement insalubre dans le sous-sol d’un immeuble.

Une bouteille de désinfectant est disposée sur un meuble à chaussures à l’entrée, mais se protéger contre le virus n’est pas le seul souci des occupants du taudis.

« Nous mangeons en faisant attention car nous n’avons pas beaucoup de nourriture. Je m’inquiète pour le paiement de nos factures d’eau et d’électricité car nous ne travaillons pas en ce moment », dit l’un d’eux, Chris, lui aussi Sierra-Léonais.

Contesté et menacé, le Premier ministre du Lesotho fait intervenir l’armée

Le Premier ministre du Lesotho Thomas Thabane a ordonné samedi le déploiement de l’armée dans les rues du petit royaume, nouvel épisode de la grave crise qui l’oppose à ses adversaires politiques depuis sa mise en cause dans le meurtre de son ex-femme.

Lors d’un discours surprise à la radio et à la télévision nationales, M. Thabane a annoncé l’intervention des militaires afin de « rétablir la paix et l’ordre ».

« Nous sommes surpris que certaines personnes et institutions (…) s’en prennent aux principes et à l’autorité qui assurent la stabilité et la démocratie dans le pays », a-t-il déclaré. « Nous avons donc déployé l’armée pour reprendre le contrôle de la situation et prendre les mesures nécessaires contre ses éléments ».

Des soldats armés et équipes de casques et de gilets pare-balles patrouillaient samedi matin à pied ou à bord de véhicules blindés dans les rues de la capitale Maseru, a constaté une journaliste de l’AFP.

Le chef de la police et ses deux adjoints ont été arrêtés par l’armée, a indiqué sous couvert d’anonymat à l’AFP une source officielle.

Aucun ministre, responsable du parti au pouvoir ou de l’opposition n’a pu être joint immédiatement.

– Démission attendue –

Ces mesures « ont été prises pour éviter de mettre la Nation en danger et pour assurer sa protection, ainsi que pour essayer d’endiguer l’épidémie de Covid-19 », a également justifié le Premier ministre.

Le Lesotho traverse une sérieuse crise politique depuis la mise en cause il y a plusieurs mois de M. Thabane, 80 ans, dans l’assassinat le 14 juin 2017 de son épouse de l’époque, Lipolelo Thabane, avec laquelle il était alors en instance de divorce.

A la tête du petit royaume depuis plus de deux ans, M. Thabane devrait être bientôt formellement inculpé pour sa participation à cette affaire.

Son épouse actuelle Maesaiah Thabane, 43 ans, a déjà été formellement accusée en février du meurtre de sa rivale et placée en liberté sous caution.

Privé du soutien de son parti, la Convention de tous les Basotho (ABC), depuis que l’affaire a éclaté sur la place publique, Thomas Thabane avait annoncé en février sa démission « d’ici à la fin juillet ».

Le Parlement a récemment adopté une loi interdisant à M. Thabane d’appeler à de nouvelles élections au cas où les députés voteraient une motion de censure contre lui.

– « Actes terroristes » –

Pour hâter le départ du chef du gouvernement, l’ABC et plusieurs partis d’opposition ont annoncé le mois dernier être parvenus à un accord pour remplacer l’actuelle équipe ministérielle dès que possible.

Le Premier ministre a alors vivement réagi en dénonçant des « actes terroristes » et ordonné aux forces de sécurité d’ouvrir une enquête contre ses rivaux.

Le Lesotho a été placé sous confinement total jusqu’au 21 avril pour cause de pandémie de coronavirus. Aucun cas ne contamination n’y a jusque-là été officiellement rapporté.

Dans le cadre de ces mesures, Thomas Thabane avait ordonné la suspension des travaux du Parlement pour trois mois.

Mais vendredi, la Cour constitutionnelle du pays, saisie par son parti et l’opposition, a annulé cette décision. « La décision du Premier ministre de suspendre le Parlement est nulle et non avenue », a annoncé le juge Sakoane Sakoane lors de l’audience, « le Parlement peut continuer ses travaux ».

Enclavé au milieu de l’Afrique du Sud, le petit royaume montagneux du Lesotho a connu depuis son indépendance en 1966 une histoire politique instable rythmée de coups d’Etat militaires.

Frappé par le chômage, une épidémie de sida qui touche 23% de ses 2 millions d’habitants et un manque criant de services publics, il fait partie des pays les plus pauvres de la planète.

Hong Kong: la police rafle des leaders pro-démocratie pour les manifestations de 2019

La police de Hong Kong a mené samedi une opération de grande envergure contre des leaders du mouvement pro-démocratie, arrêtant 14 personnes pour leur soutien ou leur participation aux immenses manifestations qui ont secoué la place financière asiatique l’an dernier.

Parmi les personnes interpellées figure le magnat des médias Jimmy Lai, 72 ans, fondateur du journal d’opposition Apple Daily, appréhendé à son domicile.

Les parlementaires ou ex-parlementaires Martin Lee, Margaret Ng, Albert Ho, Leung Kwok-hung et Au Nok-hin, accusés d’avoir organisé et participé à des rassemblements illégaux en août et octobre, ont également été arrêtés, a indiqué la police.

Cinq autres personnes interpellées sont soupçonnées d’avoir promu des manifestations interdites en septembre et octobre.

« Les personnes arrêtées sont accusées ou seront accusées de crimes liés » à ce genre de faits, a déclaré le commissaire Lam Wing-ho.

Les 14 interpellés comparaîtront en justice mi-mai.

Jimmy Lai avait déjà été arrêté en février pour sa participation à une manifestation en août 2019, que la police avait interdite pour des raisons de sécurité.

« J’ai fini par être arrêté. Comment je me sens? Je me sens très soulagé », a déclaré de son côté à la presse Martin Lee après avoir été libéré sous caution.

« Depuis tellement d’années, tellement de mois, tellement de jeunes gens ont été arrêtés et poursuivis, alors que je n’étais pas arrêté. Je le regrette », a ajouté l’avocat de 81 ans, qui avait créé le premier parti politique de Hong Kong où il est considéré comme le père de la démocratie.

Il a dit ne pas regretter ses actions et être fier de soutenir la jeunesse hongkongaise dans son combat pour la démocratie.

Hong Kong avait été secouée plusieurs mois en 2019 par d’immenses manifestations parfois émaillées de violences. Elles avaient été provoquées au départ par un projet de loi – désormais abandonné – prévoyant d’autoriser les extraditions vers la Chine continentale, où les citoyens disposent de moins de droits et où le système judiciaire est bien plus opaque.

– Mise en scène –

« Les arrestations aujourd’hui de leaders pro-démocratie à Hong Kong sont le coup de grâce pour le concept de +Un pays, deux systèmes+ », a estimé la directrice de Human Rights Watch pour la Chine, Sophie Richardson, faisant allusion au principe qui garantit dans la ville des libertés que n’ont pas les Chinois du continent.

« Il est difficile de prévoir les prochaines initiatives de Pékin, mais il semble bien que les dirigeants de Hong Kong vont continuer de permettre des abus plutôt que de défendre les droits des habitants de Hong Kong », a-t-elle déploré.

Les rassemblements géants de 2019 dans le territoire semi-autonome ont rapidement muté en un mouvement pro-démocratie réclamant plus de libertés, qui est devenu le plus grand défi au pouvoir de Pékin depuis que l’ex-colonie britannique est repassée dans le giron chinois en 1997.

Les manifestations et les affrontements avec la police ont progressivement cessé, en partie à cause de l’épuisement et des arrestations, mais aussi de la pandémie de coronavirus.

Les dirigeants chinois ont refusé de céder aux demandes des militants pro-démocratie, telles que l’organisation d’élections libres dans la ville, une enquête sur les violences policières durant les manifestations et une amnistie pour les plus de 7.000 personnes (dont beaucoup n’ont pas 20 ans) arrêtées pendant le mouvement.

La parlementaire pro-démocratie Claudia Mo a déclaré samedi que le gouvernement local « tente de toutes ses forces de mettre en place un règne de terreur ».

« Ils font tout ce qu’ils peuvent pour essayer de museler et de détruire l’opposition locale, mais nous restons unis », a-t-elle dit. « Il est évident que toutes leurs actions sont une mise en scène ».

Virus: Trump appelle à la révolte contre le confinement, 150.000 morts dans le monde

Le président américain Donald Trump a appelé à la rébellion contre les règles de confinement, semant la consternation alors que son pays est devenu le premier foyer mondial de la pandémie de coronavirus avec près du quart des 150.000 morts recensés sur la planète.

Pendant que plus de la moitié de l’humanité reste à domicile afin de limiter la propagation du covid-19, qui poursuit sa course mortelle à travers le monde, Donald Trump a ouvertement appelé à braver les règles de confinement.

« Libérez le Minnesota! », « Libérez le Michigan! », « Libérez la Virginie! », a-t-il tweeté alors que des militants parfois armés s’apprêtaient à défier samedi les autorités de ces Etats démocrates en se rassemblant dans la rue.

« Et sauvez votre formidable deuxième amendement. Il est assiégé! », a ajouté le bouillonnant milliardaire, en référence au droit des Américains à porter des armes.

M. Trump a par ailleurs renouvelé ses attaques contre la Chine, qu’il accuse d’avoir « dissimulé » la gravité de la pandémie. Le président français Emmanuel Macron et le chef de la diplomatie britannique, Dominic Raab, ont eux aussi mis en doute la transparence de Pékin.

Moscou et Paris ont évoqué la possibilité d’un sommet en visioconférence des dirigeants des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, lequel est paralysé par le différend sino-américain.

– Craintes de « violences » –

Avec près de 3.000 morts par jour et plus de 34.600 décès au total, les Etats-Unis sont devenus le pays le plus durement touché par la pandémie partie fin 2019 de Wuhan, en Chine.

Alors que la marque globale des 150.000 morts a été franchie, les dirigeants mondiaux font face à un double défi sanitaire et économique: une récession sans précédent depuis 1929 menace, a prévenu le Fonds monétaire international (FMI).

Touchés de plein fouet en l’absence de dispositif de protection sociale, des millions d’Américains sont contraints de se tourner vers les banques alimentaires, dont les salariés sont débordés face à l’explosion de la demande.

« Nos employés sont à bout », décrit Dan Flowers, le responsable d’une banque alimentaire de l’Ohio. « Ils travaillent tellement dur. On aimerait bien en voir la fin. »

Dans ce contexte, le gouverneur démocrate de l’Etat de Washington, Jay Inslee, s’est indigné des tweets présidentiels car ils encouragent, selon lui, « des actes dangereux et illégaux ».

« Il met des millions de personnes en danger d’attraper le covid-19. Ses tirades déséquilibrées et ses appels à +libérer+ des Etats pourraient aussi mener à des violences », a-t-il tweeté.

Avec plus de 190 pays et territoires touchés, la pandémie a gagné l’ensemble de la planète.

La barre des 1.000 morts officiellement recensés a été franchie en Afrique, dont les trois quarts en Algérie, en Egypte, au Maroc et en Afrique du Sud.

Or il manque toujours 44 milliards de dollars pour financer la lutte immédiate contre la crise sanitaire et économique en Afrique, ont estimé la Banque mondiale et le FMI.

– « Plus isolée sur Terre » –

Au Brésil, la situation sanitaire apparaît particulièrement préoccupante dans les favelas.

« Il y a de grands risques de propagation du virus dans la favela, environ 40 à 50% des tests qu’on fait ici sont positifs », s’alarme Tiago Vieira Koch, un directeur de clinique qui intervient à Rocinha, à Rio, la plus grande favela du Brésil.

C’est une planète en plein confinement qu’ont ainsi retrouvée vendredi deux astronautes américains et un cosmonaute russe, premiers à avoir quitté la Station spatiale internationale (ISS) depuis que l’OMS a déclaré en mars la pandémie.

« Je pense que je me sentirai plus isolée sur Terre qu’ici », a tweeté l’une des astronautes, Jessica Meir, avant de quitter l’ISS.

Une semaine après les catholiques et les protestants, le monde orthodoxe vit à son tour un week-end pascal confiné, les fidèles roumains étant par exemple appelés à le célébrer depuis leur balcon.

En Russie, encore au stade préliminaire de la pandémie avec seulement 32.000 cas recensés, le Patriarcat de Moscou a recommandé de célébrer Pâques à la maison, sans se rendre à l’église. Mais de nombreux lieux de culte resteront ouverts.

En Malaisie, un habitant a eu l’idée d’effectuer des rondes nocturnes, déguisé en fantôme, pour inciter ses concitoyens à rester confinés.

« Je regardais les infos et comme je voyais que de plus en plus de gens mouraient, j’ai décidé de faire peur aux habitants », a expliqué Muhammad Urabil à l’AFP.

– Les Stones en mondovision –

En Europe, quelques pays se sont engagés dans la voie d’un prudent déconfinement comme l’Autriche, où les commerces non-essentiels ont rouvert, ou le Danemark, où l’école a partiellement repris.

Berlin a pour sa part jugé la pandémie désormais « sous contrôle » en Allemagne, qui apparaît comme le grand Etat européen à avoir le mieux géré la crise (moins de 4.000 morts), grâce notamment à un large recours aux tests.

Le pays compte rouvrir prochainement ses magasins, et à partir du 4 mai écoles et lycées. Elle fabriquera à partir d’août quelque 50 millions de masques par semaine, selon les autorités.

Mais pour l’OMS, la pandémie est loin d’être jugulée, avec des « chiffres constants ou accrus » dans l’est du continent européen et au Royaume-Uni, où le gouvernement a décidé jeudi de prolonger le confinement « pour au moins trois semaines ».

Après les Etats-Unis, l’Italie (22.745 morts), l’Espagne (19.478), la France (18.681) et le Royaume-Uni (14.576) sont les pays les plus durement frappés.

En signe « d’unité mondiale dans la lutte contre le covid-19 », une brochette de stars mondiale, des Rolling Stones à Celine Dion en passant par Taylor Swift et Billie Eilish, devaient donner samedi un concert virtuel diffusé partout dans le monde.

Canada: tollé autour d’une maison de retraite décimée par le coronavirus

Soignants qui désertent, pensionnaires ni nourris ni changés, un patron ex-délinquant, 31 morts en quelques semaines: les révélations sur une maison de retraite près de Montréal, décimée par le coronavirus, ont provoqué un véritable électrochoc au Canada.

Cet établissement privé, la résidence Herron à Dorval, est devenu en quelques jours le symbole douloureux de l’hécatombe qui frappe les résidences pour aînés du pays. On y recense, comme dans de nombreux pays européens, la moitié des décès liés au Covid-19.

« Epouvantable », s’est ému le Premier ministre du Québec, François Legault, pointant une « grosse négligence » et ordonnant plusieurs enquêtes — dont une de la police criminelle — après les révélations du Montreal Gazette.

Selon le journal anglophone, des responsables des autorités sanitaires appelés à la rescousse dans cet établissement où une grande partie du personnel avait déserté, par peur de contracter le Covid-19, avaient découvert une scène de désolation: patients pas nourris depuis plusieurs jours, des couches qui débordent d’excréments, des malades gisant au sol après une chute. Et deux aînés retrouvés morts dans leur lit.

« Ca m’a vraiment donné la nausée, parce que j’ai soudain eu tout un tas de questions: qu’aurions-nous pu faire différemment? Pourquoi personne ne nous a rien dit? », se désole Moira Davis, après le décès de son père Stanley Pinnell au centre Herron, le 8 avril.

Jointe par l’AFP dans sa maison de Saskatchewan, dans l’ouest du pays, Mme Davis explique avoir été préoccupée par l’état de son père, âgé de 86 ans, persuadée qu’il était infecté depuis « au moins le 1er avril » au vu de la faiblesse de ses conversations au téléphone.

A la résidence Herron, au moins cinq des 31 décès ont été attribués directement au virus, les autres sont en cours d’analyse.

– « Traitement inhumain et dégradant »-

Cette affaire n’est pas « près d’être finie », affirme Mme Davis. D’autant que « les projecteurs du monde entier sont braqués sur Herron, l’exemple parfait de ce qui ne va pas dans nos soins de santé pour personnes âgées », dit-elle.

« Ca m’effraie, ça me terrifie de me dire qu’à 60 ans, je vais peut-être moi-même finir dans l’une de ces maisons », souligne Moira Davis, les larmes aux yeux.

Une procédure de demande d’action collective a été déposée, au nom des 130 résidents, contre le centre Herron, réclamant au total plus de 5 millions de dollars canadiens (3,4 millions d’euros) pour « traitement inhumain et dégradant ».

Le quotidien La Presse a aussi révélé depuis que le président du groupe qui possède le centre, Samir Chowiera, avait séjourné en prison pour trafic de drogue et fraude.

« Le 7 avril, ma mère a été laissée dans sa chaise roulante avec des couches pleines, souillées, pendant trois heures parce que personne n’a répondu » au bouton d’appel d’urgence, témoigne pour l’AFP Peter Wheeland.

« On n’était pas capables de communiquer avec qui que ce soit », assure M.Wheeland, se rappelant la « peur » que sa mère meurt soudainement.

Connie Wheeland, qui est à l’hôpital où elle a été diagnostiquée positive au coronavirus, ne retournera pas à Herron. Plutôt que de continuer de payer un loyer annuel de 45.000 dollars (29.000 euros) au centre, son fils envisage de louer un appartement privé, embaucher quelqu’un pour s’occuper d’elle.

-L’armée à la rescousse-

Maxime Jacques, 35 ans, accompagné de sa sœur, son épouse et ses enfants, fait de grands signes de la main à sa mère, Jacqueline, 86 ans, depuis le parking du centre Herron en direction de sa fenêtre. La chambre de la pensionnaire, située au 1er étage, lui permet d’apercevoir la pancarte « on t’aime mamie » que ses petits-enfants ont accrochée à une barrière.

Le trentenaire, qui a l’impression que le personnel l’a « laissé tomber », regrette le manque de communication sur l’état de santé de sa mère.

Cette hécatombe n’est pas une surprise pour les experts: le budget consacré aux soins de longue durée est le « parent pauvre » du système de santé au Canada, où il n’existe pas de financement spécifique contrairement à la France ou à l’Allemagne.

« On a négligé le secteur des personnes âgées depuis très longtemps », dit à l’AFP Réjean Hébert, ancien ministre de la Santé au Québec, citant des « difficultés de main-d’œuvre » liés à des « emplois qui sont mal payés ».

Face au tollé, le Premier ministre du Québec a appelé les médecins à « venir faire le travail des infirmières » dans les Centres d’hébergement et de soins de longue durée, l’équivalent québécois des Ehpad. Il estime qu’environ 2.000 travailleurs de la santé manquent à l’appel.

Le Premier ministre, Justin Trudeau, a annoncé vendredi l’envoi de 125 membres des Forces armées pour aider le personnel des CHSLD de la province. Le Québec comptait vendredi soir 688 morts du coronavirus, soit la moitié du bilan national de 1.354 décès.

En Afrique du Sud confinée, « c’est la guerre » pour se nourrir dans les banlieues pauvres

« M. le président, nous traversons une crise alimentaire. C’est la guerre ici », prévient Joanie Fredericks. Dans l’Afrique du Sud confinée, des heurts avec la police et des pillages éclatent dans des quartiers pauvres où les estomacs crient famine.

« Des personnes ont vandalisé des commerces. Ils ont attaqué des gens. La seule raison, c’est qu’ils ont faim », explique cette militante associative dans une vidéo coup de poing postée sur les réseaux sociaux.

Cette semaine, des habitants de sa banlieue de Mitchells Plain, près du Cap (sud-ouest), frustrés de ne pas recevoir de nourriture de la part du gouvernement, ont brûlé des pneus et lancé des pierres sur la police, qui a riposté par des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène.

A quelques kilomètres de là, des agents de sécurité privés, impuissants, n’ont pu que regarder des dizaines de jeunes gens dévaliser un supermarché.

En Afrique du Sud, première puissance industrielle du continent, 20% des foyers ont, en temps normal, un accès insuffisant à la nourriture, selon l’Office national des statistiques.

La situation s’est brusquement détériorée avec le confinement anti-coronavirus en vigueur depuis trois semaines, prolongé par le président Cyril Ramaphosa jusqu’à fin avril.

De nombreux habitants des townships et bidonvilles ont perdu du jour au lendemain emploi et revenu.

– Risques de flambée de violence –

Les autorités ont bien mis en place une distribution de nourriture pour les plus vulnérables, mais de nombreux Sud-Africains tardent à recevoir ces colis pourtant vitaux, comme dans la région du Cap.

« Quand on regarde les infos, on voit qu’on distribue des choses dans différentes zones de notre province, mais pas à Tafelsig », un quartier de Mitchells Plain, constate la présidente d’une association locale, Liezl Manual.

Dans ce contexte explosif, les experts mettent en garde contre le risque d’une flambée de violence.

« Comme certains ne reçoivent pas de colis alimentaires et entendent parler d’autres qui eux en reçoivent, ils commencent à réagir », constate Julian May, directeur du Centre d’excellence pour la sécurité alimentaire de l’université sud-africaine du Cap-Occidental.

« A moins d’une distribution rapide de nourriture pour les habitants des quartiers pauvres », la situation ne devrait pas s’améliorer, prévient-il.

Sans surprise, le confinement a une fois de plus mis en lumière les très fortes inégalités de la société sud-africaine. « Certains d’entre nous restent à la maison et engraissent pendant que d’autres n’ont vraiment rien », résume-t-il.

« Si des personnes ne peuvent pas avoir de nourriture, il y a une forte probabilité de conflits violents, y compris de pillages à grande échelle », prévient l’Institut sud-africain de la terre Plaas, qui s’inquiète de la répression des forces de sécurité.

– La piste des allocations –

« Si la police et l’armée décident d’user de la force pour faire appliquer le confinement (…) comme cela a été le cas ces derniers jours, la légitimité du confinement risque d’être remise en cause, avec des conséquences sanitaires désastreuses », ajoute Plaas.

Cette semaine, la ministre du Développement social Lindiwe Sisulu a promis d’améliorer la distribution alimentaire.

Au cours de la seule première semaine d’avril, un total de 48.441 colis de nourriture ont été livrés.

Mais pour Julian May, le gouvernement devrait préférer la distribution d’argent liquide à celle de nourriture, en utilisant le système, déjà bien rodé, des allocations.

Le gouvernement est « efficace quand il s’agit de donner du liquide », il « ne l’est pas quand il s’agit de distribuer de la nourriture », estime-t-il.

« Ils nous ont dit qu’on aurait des colis. Où sont les colis ? », s’interroge une mère de famille de Mitchells Plain, Nazlie Bobbs.

Joanie Fredericks partage sa colère. « On ne doit pas avoir à choisir entre mourir du Covid-19 ou mourir de faim ! ».

L’Afrique du Sud est le pays d’Afrique subsaharienne le plus touché par la pandémie de nouveau coronavirus, avec près de 2.800 cas d’infection dont 50 décès.

Quand le coronavirus ravive les querelles sur le statut de Jérusalem

L’arrestation récente à Jérusalem de hauts responsables palestiniens pour des activités « illégales » liées au nouveau coronavirus et la fermeture d’une clinique improvisée attisent les tensions entre Israéliens et Palestiniens sur le statut de la ville sainte.

Depuis le début de la crise sanitaire, des responsables palestiniens affirment que la population de Jérusalem-Est, secteur palestinien de la ville occupé et annexé par Israël, est négligée par les autorités israéliennes dans leurs efforts pour freiner la propagation du virus.

Si bien que Adnane Gheith, gouverneur palestinien de Jérusalem, et Fadi al-Hadmi, ministre palestinien des Affaires de Jérusalem, disent avoir tenté d’agir pour protéger ces habitants.

Or début avril, ils ont été arrêtés pour avoir, selon eux, tenté de prendre des mesures, en menant par exemple des opérations de désinfection. Et cette semaine, la police israélienne a fermé une clinique de dépistage de la maladie Covid-19 à Silwan, quartier populaire de Jérusalem-Est. En cause: les tests de dépistage ont été menés sous la supervision de l’Autorité palestinienne, selon la police.

Au coeur de cette polémique: le statut même de Jérusalem, l’une des questions les plus épineuses du conflit israélo-palestinien.

– Activités « illégales » –

Israël considère la ville comme sa capitale « indivisible » tandis que les Palestiniens espèrent faire de Jérusalem-Est la capitale de l’Etat auquel ils aspirent.

Israéliens et Palestiniens s’étaient engagés à continuer leurs négociations sur le statut de Jérusalem dans le cadre des accords d’Oslo qui ont aussi permis la mise en place de l’Autorité palestinienne.

Aujourd’hui, ces pourparlers sont au point mort et le gouvernement palestinien estime que MM. Gheith et Hadmi devraient être en mesure d’exercer leur autorité dans l’est de la ville. Mais les Israéliens considèrent Jérusalem comme étant entièrement sous leur juridiction.

« Toute activité par l’Autorité palestinienne en territoire israélien qui n’est pas coordonnée ou approuvée par les autorités (israéliennes, ndlr) est interdite par la loi et la police doit l’empêcher », a insisté cette semaine le ministère israélien de la Sécurité publique après la fermeture de la clinique à Silwan.

« Rencontrer des directeurs d’hôpitaux à Jérusalem, s’entretenir avec des médias, appeler les gens à rester chez eux pour lutter contre le virus: (pour la police israélienne) ce sont des infractions », déplore à l’AFP Fadi al-Hadmi. « Notre but est de fournir de l’aide à la population de Jérusalem-Est, négligée intentionnellement » par Israël, estime M. Gheith.

Au total, 81 cas de personnes contaminées ont été officiellement recensés dans cette partie de la ville, selon le ministère palestinien de la Santé. Israël a mis en place des centres de dépistage dans les quartiers palestiniens de Jérusalem après un ordre de la Cour suprême, qui avait été saisie par une ONG de défense des droits humains.

Covid-19 ou pas, MM. Gheith et Hadmi sont habitués des brèves arrestations. En deux ans, ils ont été respectivement arrêtés plusieurs fois pour activités politiques « illégales ».

– « Marcher » à Jérusalem –

Les deux hommes habitent à Jérusalem-Est mais en raison des restrictions israéliennes leurs bureaux sont situés à Al-Ram, de l’autre côté de la barrière de béton séparant la ville de la Cisjordanie occupée. « Pour chaque arrestation, (Israël) affirme que nous violons la loi. Si je marche dans la rue, les Israéliens considèrent que c’est un geste politique à cause de mon poste », estime M. Hadmi.

Israël conduit des arrestations pour « graver dans l’esprit de la population l’idée que la ville est soumise à son autorité », estime M. Gheith. Depuis 2001, Israël a fermé plus de 80 institutions palestiniennes à Jérusalem, dit-il.

Et depuis que les Etats-Unis ont reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël en décembre 2017, rompant avec des décennies de diplomatie américaine et de consensus international, Israël a accéléré ses efforts pour « empêcher toute visibilité des Palestiniens à Jérusalem », ajoute-t-il.

« D’un côté, Israël néglige la partie palestinienne de la ville et ne veut pas y investir. De l’autre, il veut que la population palestinienne lui soit loyale », estime de son côté Amal Jamal, professeur de sciences politiques à l’Université de Tel-Aviv.

Dans cette guerre des récits, le maire de Jérusalem, Moshe Lion, s’est félicité cette semaine de l’ouverture de nouveaux centres israéliens de dépistage à Jérusalem-Est. Et un porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu a tenu à rappeler que les autorités israéliennes fournissaient des équipements et de la formation à l’Autorité palestinienne pour affronter la crise.

La nouvelle querelle n’a pas mené à d’affrontements entre Palestiniens et la police israélienne qui a plutôt été prise à partie dans le secteur juif ultra-orthodoxe de Mea Sharim, un des épicentres de la crise du coronavirus où trois policiers ont été blessés.

Face à une demande inédite, les banques alimentaires américaines sur tous les fronts

De longues heures d’attente dans un véhicule: à cause du coronavirus, des millions d’Américains, exsangues, se tournent vers les banques alimentaires, qui multiplient les distributions avec la crainte de ne bientôt plus pouvoir faire face.

Ils étaient 1.000 véhicules à se présenter mardi à une distribution organisée par la banque alimentaire de Pittsburgh (Pennsylvanie), dont les besoins ont augmenté de 38% en mars.

En huit opérations exceptionnelles comme celle-ci, quelque 227 tonnes de nourriture ont été enfournées dans des coffres de voitures, explique Brian Gulish, le vice-président.

« Beaucoup de gens ont recours à nos services pour la première fois », dit-il. « C’est pour ça que ces files sont si longues. Ils ne connaissent pas notre réseau » de plus de 350 points de collecte dans le Sud-Ouest de l’Etat.

Partout, de La Nouvelle-Orléans à Detroit, les mêmes scènes se reproduisent, signes d’une population en détresse, privée de ressources, dans l’attente des chèques promis par le gouvernement fédéral qui commencent à arriver.

Un sommet a sans doute été atteint le 9 avril à San Antonio, au Texas, où environ 10.000 véhicules se sont présentés, certains dès la veille au soir.

« Cela fait des mois que nous n’avons plus de boulot », raconte Alana, lors d’une distribution à Chelsea, dans la banlieue de Boston. « Hier, j’ai vu une femme avec un bébé de 15 jours, deux autres enfants, un mari au chômage, et plus rien dans les placards », dit cette femme qui n’a pas voulu donner son nom de famille.

Les besoins des banques alimentaires n’ont plus rien à voir avec ceux d’avant la crise, en hausse de 30%, par exemple, à Akron, près de Cleveland dans l’Ohio.

« On a construit, sur des années, une chaîne d’approvisionnement qui pouvait répondre à certains besoins », explique Dan Flowers, directeur général de l’Akron-Canton Regional Foodbank. « L’augmenter de 30% du jour au lendemain, c’est quasiment impossible ».

D’autant que les banques alimentaires font également face aux perturbations majeures qui secoue tout le secteur agroalimentaire aux Etats-Unis.

Les consommateurs dévalisent les supermarchés, qui n’ont plus autant d’invendus à donner, tout comme les restaurants, fermés ou tournant au ralenti.

Heureusement, l’industrie agroalimentaire répond globalement présent et continue d’assurer des dons.

Les banques alimentaires, dont les 200 filiales locales du réseau Feeding America, reçoivent même quantité de livraisons exceptionnelles.

Déjà contributeur ordinaire, le géant J.M. Smucker a acheminé des palettes supplémentaires dans l’Ohio, et la distillerie Ugly Dog, du Michigan, un camion entier de gel hydroalcoolique dans des bouteilles de spiritueux, explique Dan Flowers.

– « A bout » –

Les dons affluent aussi en numéraire, de foyers anonymes ou de Jeff Bezos, première fortune mondiale, qui a offert 100 millions de dollars à Feeding America.

Sans ces dons, « ces banques alimentaires ne pourraient pas faire face à la demande », dit Dan Flowers, qui achète actuellement 35% de ses approvisionnements, contre 5% ordinairement, le reste provenant de dons en nature.

Et il ne suffit pas de s’assurer des quantités nécessaires, encore faut-il être livré, alors que les besoins de la grande distribution explosent.

Il n’est plus rare d’attendre six, voire huit semaines, pour voir arriver un camion.

La Food Bank de New York, une des grandes organisations de la métropole, n’hésite plus à augmenter les volumes commandés, explique Zanita Tisdale, « parce que si nous revenons dans une semaine, les prix pourraient avoir monté de manière significative et le délai de livraison s’allonger de façon exponentielle ».

Entre l’approvisionnement, qui s’est complexifié, et les familles, dont le nombre augmente, il y a les équipes des banques alimentaires, qui commencent à tirer la langue, après des semaines à flux tendu.

« Nos employés sont à bout », décrit Dan Flowers. « Ils travaillent tellement dur. On aimerait bien en voir la fin ».

Comme beaucoup d’autres, son organisation n’accepte plus les bénévoles, pour éviter la propagation du virus, ce qui les prive de dizaines de bras.

Pour soutenir cet effort, la Garde Nationale a envoyé des soldats dans beaucoup de points chauds.

« L’approvisionnement est encore suffisant, mais dans un mois, nous ne savons pas », prévient Brian Gulish.

Le plan de soutien exceptionnel à l’économie, voté fin mars par le Congrès, prévoit 850 millions de dollars de nourriture pour les banques alimentaires, rappelle Dan Flowers, qui espère en récolter les premiers bénéfices en juin.

« Ça nous remettra en selle », dit-il. Mais le tout est de tenir jusque-là. « Ce qui m’inquiète, ce sont les six à huit prochaines semaines ».

Confinement: Trump appelle à « libérer » des Etats gouvernés par des démocrates

Le président américain Donald Trump a semblé soutenir vendredi des manifestants qui protestent contre les consignes de confinement visant à lutter contre la propagation du coronavirus, en appelant à « libérer » trois Etats gouvernés par des démocrates.

En majuscules, et à une poignée de minutes d’intervalle, le milliardaire a écrit sur son compte aux près de 80 millions d’abonnés: « Libérez le Minnesota! », « Libérez le Michigan! » et « Libérez la Virginie ».

Pour ce dernier Etat, il a ajouté, en référence au droit des Américains à porter des armes: « Et sauvez votre formidable deuxième amendement. Il est assiégé! »

Ces trois Etats sont dirigés par des gouverneurs démocrates qui ont ordonné à leurs habitants de rester chez eux. La pandémie a fait plus de 30.000 morts aux Etats-Unis, qui recensaient vendredi près de 700.000 cas de coronavirus, selon l’université Johns Hopkins.

Le Michigan compte près de 2.000 morts, la Virginie 208 et le Minnesota 87 décès.

Dans ces Etats, des manifestants ont enfreint cette semaine l’ordre de rester chez eux pour protester contre le confinement et appeler leurs gouverneurs à rouvrir l’économie.

Dans le Minnesota, à St Paul, ils étaient justement plusieurs centaines vendredi rassemblés sous le mot d’ordre « Libérer le Minnesota » devant la résidence du gouverneur Tim Walz, d’après la presse locale.

A Lansing, capitale du Michigan, ils étaient environ 3.000 mercredi, parfois armés, à dénoncer la gouverneure démocrate Gretchen Whitmer, certains portant des banderoles en faveur de Donald Trump.

Pressentie parmi les choix de colistières du candidat démocrate à la Maison Blanche Joe Biden, la gouverneure a dit espérer que les tweets de Donald Trump n’allaient « pas encourager plus de manifestations ».

« Il y a beaucoup d’angoisse et je pense que la chose la plus importante que quelqu’un disposant d’une plateforme » comme Twitter puisse faire serait de l’utiliser « pour dire aux gens +Nous allons nous en sortir+ », a-t-elle ajouté lors d’une conférence de presse.

Le gouverneur de Virginie, Ralph Northam a lui affirmé qu’il n’avait « pas le temps de (s’)engager dans des guerres sur Twitter. « Mon équipe et moi sommes en train de mener une guerre biologique » contre le virus, a-t-il asséné devant les journalistes.

M. Northam a promulgué récemment plusieurs lois pour limiter les ventes d’armes et augmenter les contrôles sur les acheteurs (« background checks »), ce qui pourrait expliquer le tweet de Donald Trump.

Quant au dirigeant du Minnesota, Tim Walz, il a rétorqué que sa « première responsabilité » était de protéger la population. « Si je pensais que nous pouvions retourner travailler dès demain, c’est exactement ce que nous ferions ».

Le gouverneur démocrate de l’Etat de Washington, Jay Inslee, s’est indigné des tweets présidentiels car ils encouragent, selon lui, « des actes dangereux et illégaux ».

« Il met des millions de personnes en danger d’attraper le Covid-19. Ses tirades déséquilibrées et ses appels à +libérer+ des Etats pourraient aussi mener à des violences », a-t-il tweeté.

Selon un porte-parole de Twitter, ces tweets de Donad Trump sont trop « vagues et ambigus » pour que le réseau social puisse en « déduire une intention de nuire » et les effacer.

De nouvelles manifestations sont prévues samedi, notamment à Concord dans le New Hampshire, Annapolis dans le Maryland, Austin au Texas et dans le Colorado.

La pandémie galope en Afrique mais peut encore être contenue (OMS)

L’OMS s’est alarmée vendredi de la progression rapide de la pandémie de coronavirus en Afrique, tout en estimant qu’à ce stade elle pouvait encore être contenue.

« Au cours de la semaine écoulée, il y a eu une hausse de 51% du nombre de cas recensés sur mon propre continent, l’Afrique, et une hausse de 60% du nombre de décès recensés », a constaté le directeur général de l’OMS, l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus.

« Compte tenu de la difficulté d’obtenir des kits de diagnostic, il est probable que les nombres réels soient plus élevés », a-t-il affirmé au cours d’une conférence de presse virtuelle depuis Genève.

Selon l’OMS, les pays d’Afrique ont besoin de soutien, de ressources, d’équipements, de transfert de technologies.

« Nous ne pensons pas aujourd’hui que la maladie a passé le stade de ne pouvoir être contenue. Nous pensons que beaucoup peut être fait pour limiter l’impact du virus. Et nous pensons que nous devons accélérer nos efforts alors que le nombre de cas augmente chaque jour », a estimé Michael Ryan, directeur des programmes d’urgence de l’OMS.

L’Afrique peut se prévaloir de « réelles capacités » pour y parvenir avec une « longue histoire de lutte contre les épidémies, un solide programme contre la polio », a-t-il souligné tout en reconnaissant des « contraintes », liées notamment à l’habitat, souvent dense et dans des conditions d’hygiène précaires ou d’accès l’eau limité.

« Nous ne voulons pas que vous perdiez espoir. Contenir (le virus] est possible. Ca va être un combat difficile. Le monde entier veut aider. Nous devons faire plus, nous devons permettre à plus de personnes de tester et d’identifier les cas, d’établir des centres de traitement, de nous assurer que nous puissions observer la distanciation physique, avoir des points d’eau pour se laver les mains là où il n’existe pas d’eau courante », a détaillé une autre responsable de la gestion de la pandémie à l’OMS, Maria Van Kerkhove.

Simultanément à Washington, la banque mondiale et le FMI ont indiqué qu’il manquait 44 milliards de dollars au continent pour lutter contre la pandémie.

Créanciers officiels et privés ont mobilisé ou pourraient mobiliser jusqu’à 70 milliards de dollars, mais l’Afrique a besoin de 114 milliards, selon ces institutions.

A Doha, des musiciens donnent des concerts depuis leurs balcons

Pour lutter contre le blues du nouveau coronavirus, des membres de l’Orchestre philharmonique du Qatar organisent des concerts depuis leurs balcons, faisant résonner l’opéra « Carmen » de Bizet jusque sur une île artificielle construite au large de Doha.

Habitués à jouer devant des salles pleines, les quatre musiciens ravissent depuis trois semaines chaque vendredi les oreilles d’un public plus clairsemé, des Qataris confinés chez eux qui se sont pressés aux fenêtres pour les applaudir.

Outre des airs d’opéra, ils interprètent aussi des chansons plus connues, comme « Can You Feel the Love Tonight » d’Elton John.

« Chacun joue un peu », raconte à l’AFP Nicole Pressler, flûtiste principale de l’Orchestre philharmonique du Qatar. Tout est « très spontané », précise-t-elle.

Une harpiste, une violoniste et un trompettiste — tous de proches voisins– alignent leurs notes avec elle pendant une trentaine de minutes.

Aussi loin que portent leurs instruments, les habitants de the Pearl (La Perle), une île artificielle aux résidences chics, applaudissent les musiciens.

Et parfois, les auditeurs se mettent à danser sur les balcons non loin.

« Cela nous rend heureux de jouer. Nous sommes des amis et des collègues séparés par la distance mais unis. Et l’orchestre me manque encore plus », confie Nicole Pressler.

Fondé en 2007, l’Orchestre philharmonique du Qatar a vu ses représentations annulées dans le cadre de la lutte contre le nouveau coronavirus. Les autorités qataries ont aussi fermé les bars, restaurants, cinémas et mosquées.

Mais rien ne peut empêcher la musique d’adoucir les moeurs, comme le prouve le concert des quatre musiciens.

« C’était bien, il n’y avait pas beaucoup d’écho et le public est de plus en plus nombreux », salue en fin connaisseur Kurt Meister, directeur de l’orchestre.

Le Qatar a dit avoir enregistré 4.663 cas de maladie Covid-19, dont sept décès.

Erigé en « héros », un Britannique de 99 ans collecte 20 millions de livres

Un Britannique de 99 ans est devenu un véritable « héros » dans son pays après avoir collecté plus de 20 millions de livres pour les soignants en parcourant 100 longueurs de son jardin à l’aide de son déambulateur.

Au moment où le pays compte près de 15.000 morts du Covid-19, l’histoire de ce vétéran de la Seconde guerre mondiale, qui a servi en Inde puis en Birmanie, a mis du baume au coeur des Britanniques.

Tom Moore s’était fixé comme objectif de marcher 100 longueurs de 25 mètres de son jardin du Bedfordshire, dans le centre de l’Angleterre, avant de fêter son centième anniversaire le 30 avril. Il comptait lever 1.000 livres sterling pour des associations de soutien aux employés du service public de santé, le National Health Service (NHS), les volontaires venus les aider et les patients.

Mais la générosité du public a dépassé toutes ses attentes, grimpant en flèche et dépassant vendredi soir les 20 millions de livres, soit 23 millions d’euros.

Jeudi, « Capitaine Tom » a accompli les dernières mètres en veste bardée de médailles et cravate, appuyé sur son déambulateur, entre deux rangées de militaires au garde à vous.

« Je me sens bien et j’espère que vous allez tous bien », a déclaré cet ingénieur de formation au micro de la BBC. « C’est une incroyable somme d’argent ».

Sa fille Hannah, également sur la BBC, que l’ancien combattant comptait « continuer de marcher tant que les gens pensent que ca vaut le coup d’investir » dans cette cause.

C’est un effort « héroïque » qui a « touché le coeur de la Nation » et que Boris Johnson cherchera à saluer d’une manière ou d’une autre, a commenté jeudi le porte-parole du Premier ministre au moment où les appels à décerner une médaille au presque centenaire se multiplient.

Des membres du NHS, qui sont applaudis chaque jeudi soir par la population, ont rendu hommage au vieil homme. A l’hôpital universitaire Aintree de Liverpool (Nord), une employée en blouse bleue a ainsi brandi une pancarte « Captain Tom!!! » constellée de coeurs, essuyant ses larmes.

Bien que le défi de l’ancien soldat soit terminé, les dons continuent d’affluer. Près d’un million de personnes ont répondu à son appel, dont le prince William, a indiqué le palais de Kensington sans révéler le montant de son geste.

Tom Moore est devenu « une véritable légende », a déclaré le petit-fils d’Elisabeth II sur la BBC. « Tout le monde a été inspiré par son histoire et sa détermination ».

Son exploit a fait des émules: une nonagénaire compte grimper l’équivalent de la montagne Suilven en Ecosse (731 mètres) en montant 282 fois les marches de son escalier.

Margaret Payne, 90 ans, s’est lancée dimanche dans ce défi qui doit lui prendre deux mois. Vendredi soir, elle avait déjà collecté plus de 140.000 livres pour le NHS, soit cinq fois son objectif initial.

Trump a appelé à « redémarrer l’Amérique »: et maintenant ?

Donald Trump a donné jeudi le coup d’envoi au « redémarrage de l’Amérique » sans fixer de cadre clair. Que va-t-il se passer maintenant dans la première puissance économique mondiale, où le coronavirus poursuit ses ravages ?

– Etat par Etat –

Le président américain caressait le rêve d’une reprise en fanfare. « Ce serait bien de redémarrer avec un Big Bang », déclarait-il encore le 8 avril. Lundi encore, il assurait disposer d’un « pouvoir absolu » qui lui aurait permis d’imposer aux gouverneurs des mesures de déconfinement.

Mais le scénario retenu n’est pas celui-là.

S’appuyant sur des signes de ralentissement de la pandémie, Donald Trump a fixé jeudi le cap mais les gouverneurs restent à la barre. Selon l’évolution du virus dans leur Etat, ce sont eux qui décideront du calendrier et du rythme du redémarrage.

D’après le milliardaire républicain, 29 Etats relativement épargnés par le virus pourraient très rapidement – voire immédiatement – lever les premières mesures de confinement.

Les premiers devraient être les Etats les plus ruraux qui ont pris des mesures assez souples, voire aucune, comme les deux Dakota, le Wyoming ou le Nebraska.

Au Nord, dans la région des Grands Lacs, plus touchée, plusieurs Etats espèrent rouvrir partiellement leur économie d’ici deux semaines. « J’espère avoir des assouplissements le 1er mai », a ainsi déclaré vendredi avec prudence la gouverneure du Michigan.

En revanche, les Etats les plus sévèrement touchés attendront. Le confinement a été prolongé jusqu’au 15 mai dans l’Etat de New York, le plus touché avec 15.000 morts, près de la moitié du bilan total.

« On n’est pas du tout prêt » pour un déconfinement, a renchéri vendredi le gouverneur du Maryland, Larry Hogan, qui prévoit un « pic » des contaminations la semaine prochaine dans la région de la capitale Washington.

– Secteur par secteur –

« On a un plan pour faire redémarrer l’Ohio, mais ce sera graduel, une chose après l’autre », a tweeté de son côté le gouverneur Mike DeWine.

La Floride rouvrira certaines plages pendant quelques heures dès vendredi et les parcs et restaurants pourraient suivre prochainement

Dans l’Etat de Washington (nord-ouest), le géant de l’aéronautique Boeing compte reprendre graduellement la production la semaine prochaine.

En Californie, les restaurants pourraient rouvrir, mais avec un nombre de couverts réduit de moitié et des serveurs gantés, voire masqués.

Dans la capitale fédérale, les écoles ne rouvriront pas avant les vacances d’été, a prévenu la maire.

– Une reprise sous surveillance –

Les experts répètent qu’il faut pouvoir surveiller la résurgence du virus et réagir vite le cas échéant, ce qui passe par des capacités massives de dépistage et un programme efficace de traçage de leurs contacts.

Les Etats-Unis ont connu de gros couacs au début de la pandémie avec des tests insuffisants, mais ont déployé de gros efforts depuis. Plus de 3,4 millions de personnes ont désormais été testées.

« Les capacités restent insuffisantes », a cependant déploré le gouverneur démocrate de l’Etat de New York Andrew Cuomo.

Quant à l’identification des personnes ayant croisé les malades, des applications sur téléphones portables sont à l’étude. Mais Tom Frieden, ancien directeur des Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) estime qu’il faudra recruter massivement pour avoir environ 300.000 « traceurs de contact ».

« Leur travail sera un retour aux bases de la santé publique: parler aux gens, traiter les patients comme s’ils étaient des VIP, gagner leur confiance, les aider à se souvenir », a-t-il expliqué à l’AFP.

– Les enjeux –

Dès le début, Donald Trump a affiché son impatience face à des mesures de confinement qui plombent l’économie et handicapent sa campagne de réélection.

En début de mois, il souhaitait les lever pour Pâques. Il s’est ensuite ravisé, mais ne cesse de déplorer le coût pour les entreprises et les salariés de cette mise à l’arrêt de pans entiers du pays.

De fait, plus de 22 millions de personnes se sont inscrites au chômage au cours des quatre dernières semaines, les ventes au détail ont chuté de 8,7%, la construction immobilière de 22,3%…

Partout dans le pays, des manifestants, proches des partisans les plus à droite du président, se sont rassemblés ces derniers jours pour réclamer la fin du confinement. « Nous voulons travailler » ou « Vivre libre ou mourir »: des centaines de personnes ont ainsi défilé dans le Michigan.

Soufflant sur les braises, Donald Trump a appelé dans des tweets vendredi à « LIBERER » le Michigan, le Minnesota et la Virgina, trois Etats gouvernés par des démocrates.

Mais selon un sondage Pew publié jeudi, deux tiers des Américains se disent inquiets d’une levée des restrictions trop rapide.

Afrique du Sud: l’inquiétant « cluster » de la prison d’East London

C’est l’un de ces fameux « foyers » de l’épidémie de coronavirus tant redoutés par les autorités sud-africaines. En quelques jours, pas moins de 55 détenus et 25 gardiens de la prison d’East London, dans le sud du pays, ont été déclarés positifs, à la grande inquiétude de leurs familles.

Ayanda Botha est même plus que préoccupée. Elle redoute le pire pour son neveu, incarcéré dans le centre pénitentiaire de cette ville.

« C’est une bombe à retardement », lâche-t-elle à l’AFP. « Aucune distanciation sociale n’est respectée dans cette prison, absolument aucune. Comment voulez-vous empêcher que la maladie se propage ? »

Souvent surpeuplées et insalubres, les prisons constituent l’un des nids favoris du Covid-19, qui a infecté plus de 2 millions de personnes et en a tuées au moins 145.000 dans le monde. Au point que de nombreux pays n’ont pas hésité à les vider en partie, à grands coups d’amnisties ou de remises de peine.

L’Afrique du Sud est le pays africain le plus touché par l’épidémie, avec plus de 2.600 cas dont 48 mortels.

Mais elle n’a pas libéré, pour cause de pandémie, un seul de ses 160.000 détenus incarcérés dans ses 242 établissements pénitentiaires.

Seules deux prisons ont pour l’heure rapporté des cas d’infection entre leurs quatre murs.

Le ministre de la Justice Ronald Lamola a préféré traiter la plupart des infections sur place.

Les détenus de la prison d’East London les plus malades ont bien été hospitalisés, mais les autres ont été isolés dans des cellules individuelles. Les gardiens malades ont, eux, été placés en quarantaine hors du site.

« Nous avons une confiance totale en l’efficacité de nos mesures », a assuré cette semaine le ministre Lamola, « elles permettront de libérer nos prisons du virus ».

– ‘La peur dans le regard’ –

La prison d’East London, qui accueille plus de 300 détenus et emploie quelque 80 salariés, a été entièrement désinfectée. Et comme dans tous les autres établissements du pays, les autorités y ont suspendu les visites aux détenus et renforcé leur campagne de dépistage.

Pas de quoi toutefois rassurer Ayanda Botha. « Même en faisant plus de tests, je ne suis pas convaincue qu’ils réussiront à contrôler tous les prisonniers », déplore-t-elle.

A East London, c’est un gardien qui a introduit dans la prison le Covid-19, contracté lors de funérailles dans la ville voisine de Port-Elizabeth.

Le ministère a assuré étudier des mesures pour prévenir ce type de contaminations à l’avenir.

Deux autres cas d’infection pénitentiaire ont été officiellement recensés dans la même province du Cap-Oriental, dans le centre de détention de Saint-Albans.

Leur confirmation a causé un vent de panique dans les cellules. « Les détenus ne l’ont pas pris à la légère, ils ont vraiment peur », a confié sous couvert d’anonymat à l’AFP une animatrice sociale qui intervient dans l’établissement. « J’ai vu la peur dans les yeux de certains d’entre eux. »

« Vu la surpopulation, ça peut se propager très rapidement. Le personnel pénitentiaire a adopté des mesures d’urgence pour l’empêcher », a-t-elle ajouté en mentionnant la distribution de masques et de gants aux détenus.

« Le dépistage a été intensifié aussi bien à East London qu’à Saint-Albans », insiste l’animatrice. « Le personnel comme les détenus sont testés dans des pièces séparées et toutes les règles d’hygiène sont appliquées. »

Incarcéré à Saint-Albans, le frère de Mavuyi Themba a été testé positif au nouveau coronavirus. Il est inquiet mais fait confiance au personnel pour protéger les détenus.

« Je vois le travail qu’ils font pour lutter contre la maladie et je suis plutôt optimiste », assure M. Themba à l’AFP. « Il y a beaucoup de monde là-dedans, mais les gardiens font de leur mieux pour isoler les malades et appliquer les règles d’hygiène. »

Covid-19: quel est ce labo chinois pointé du doigt?

Au sommet d’une colline à Wuhan, un laboratoire de virologie conçu avec l’aide de la France nourrit les soupçons américains sur l’origine du Covid-19, apparu dans cette métropole du centre de la Chine.

Selon la plupart des scientifiques, le nouveau coronavirus a probablement été transmis à l’homme depuis un animal. Un marché de la ville a été incriminé car il aurait vendu des animaux sauvages vivants.

Mais l’existence à quelques kilomètres de là d’un Institut de virologie alimente depuis des mois les hypothèses d’une fuite du SARS-CoV-2 depuis ces installations sensibles.

A la suite d’articles de presse, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a évoqué cette semaine une « enquête » pour creuser cette théorie, qui ne s’appuie pour l’instant sur rien de très tangible.

Voici les principales questions sur l’Institut de virologie de Wuhan:

Quel est ce site ?

Selon le quotidien Washington Post, l’ambassade des Etats-Unis à Pékin, après plusieurs visites à l’institut, a alerté en 2018 les autorités américaines sur des mesures de sécurité apparemment insuffisantes dans un laboratoire qui étudiait les coronavirus issus de chauves-souris.

La chaîne américaine Fox News, citant « plusieurs sources » anonymes, a incriminé le laboratoire P4 (pour pathogène de classe 4) du site. Il s’agit d’une installation de très haute sécurité, qui héberge les souches les plus dangereuses des virus connus — comme Ebola.

Ce lieu ultrasensible a été réalisé avec la collaboration de la France. Il permet de mener des recherches de pointe. Ambition: réagir plus rapidement à l’apparition de maladies infectieuses.

D’un coût d’environ 40 millions d’euros, le laboratoire a été financé par la Chine. Les chercheurs y travaillent en confinement absolu. Il existe moins d’une trentaine de P4 dans le monde, dont la moitié aux Etats-Unis.

L’Institut de virologie de Wuhan possède par ailleurs la plus grande collection de souches de virus en Asie, avec 1.500 spécimens différents, selon son site internet.

Bien que la presse américaine évoque à chaque fois le P4, les germes moins pathogènes comme les coronavirus sont en théorie plutôt étudiés dans les P3, un type de laboratoire dont dispose également l’institut.

Interrogé, l’institut a refusé de répondre aux questions de l’AFP. Le chercheur français qui y travaille n’a pas voulu non plus s’exprimer, invoquant son « devoir de réserve ».

L’AFP n’est donc pas en mesure de confirmer formellement que des coronavirus ont bien été étudiés avant l’épidémie dans ces laboratoires.

Est-ce la source du coronavirus?

Rien ne permet de le dire.

Le Washington Post et Fox News citent des sources anonymes. Ces dernières font part de leur inquiétude quant à une potentielle fuite accidentelle du virus.

Selon la chaîne de télévision, le « patient zéro » à l’origine de l’épidémie pourrait être un employé de l’institut, contaminé, qui aurait ensuite diffusé sans le vouloir l’agent pathogène ailleurs à Wuhan.

Interrogé sur cette hypothèse, le président américain Donald Trump a déclaré entendre « de plus en plus cette histoire ». D’après lui, elle fait actuellement l’objet d’un « examen très approfondi » de Washington.

Plusieurs théories incriminant l’Institut de virologie de Wuhan, plus ou moins exubérantes, ont fleuri ces derniers mois sur internet.

L’institut avait publié en février un communiqué démentant les premières rumeurs.

Il avait également déclaré avoir reçu dès le 30 décembre des échantillons du virus alors inconnu qui circulait à Wuhan (identifié ensuite comme le SARS-CoV-2), avoir séquencé son génome le 2 janvier puis avoir transmis ces informations à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 11 janvier.

L’OMS avait effectivement indiqué avoir reçu la séquence du génome le 11 janvier de la Chine.

Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a rejeté vendredi les accusations américaines visant l’institut.

« Toute personne sensée comprend vite que l’objectif de ces allégations est de créer la confusion, de détourner l’attention et de fuir ses responsabilités », a-t-il déclaré.

Que disent les scientifiques ?

De l’avis de nombreux chercheurs, le nouveau coronavirus est sans doute né chez la chauve-souris. Ils pensent toutefois qu’il est passé par une autre espèce avant de se transmettre à l’homme.

Des scientifiques chinois ont affirmé que cet animal intermédiaire pourrait être le pangolin, petit mammifère menacé d’extinction car exploité en raison de ses écailles.

Seulement voilà: des études publiées par d’autres chercheurs chinois dans des revues scientifiques réputées affirment que le premier patient connu n’a pas fréquenté le marché de Wuhan incriminé.

« L’origine de l’épidémie est toujours une question en suspens », déclare à l’AFP Filippa Lentzos, chercheuse en biosécurité au King’s College de Londres.

Rien ne vient accréditer l’hypothèse d’une fuite de virus depuis un laboratoire et il n’existe « aucune vraie preuve » que le nouveau coronavirus provienne bien du marché de Wuhan, souligne-t-elle.

Coronavirus: l’armée marocaine en renfort, prête à un afflux de patients

L’armée marocaine a mobilisé tous ses moyens médicaux pour aider les hôpitaux publics à gérer la pandémie de Covid-19 et faire face à un éventuel afflux massif de patients, comme l’a dit l’état-major médical lors d’une visite pour la presse étrangère.

« La crise nous a incités à envoyer en renfort des équipes médicales pour qu’il y ait une prise en charge correcte, pour faire un état des lieux, améliorer les équipements » et renforcer les effectifs de la santé publique, explique le colonel major Zbir El Mehdi, médecin chef de l’hôpital militaire de Rabat.

Les hôpitaux militaires ont été réorganisés pour accueillir le maximum de patients.

Deux structures de campagne ont été déployées dans la région de Casablanca, des équipes médicales comprenant médecins et infirmières ont été envoyés dans 45 structures à travers le pays pour « assurer une prise en charge correcte » des patients, selon la même source.

« On domine encore la situation », souligne le colonel Zbir El Mehdi. Ainsi, l’hôpital militaire de Rabat accueille actuellement 30 patients hospitalisés pour 144 lits disponibles et 30 en isolement.

Cet hôpital modèle est considéré comme la structure médicale la plus moderne du pays. Plusieurs chefs d’Etat africains y sont venus se faire soigner par le passé.

Plus de 70% de ses capacités sont désormais dédiées au nouveau coronavirus, avec une réorganisation complète de ses circuits d’accueil.

Son centre de virologie et des maladies infectieuses se consacre entièrement au dépistage de la maladie Covid-19, avec plus de 6.000 tests menés depuis la mobilisation décrétée par le roi, selon les chiffres communiqués à la presse.

Les effectifs militaires dédiés à la pandémie ne sont pas connus. L’armée marocaine compte plus de 170.000 actifs, selon des estimations.

Le Maroc décomptait vendredi 2528 cas de contamination, avec 133 décès et 273 guérisons. Environ 12.000 tests ont été menés dans ce pays de 35 millions d’habitants.

Pour limiter la contagion, le royaume a imposé des mesures de confinement, sous contrôle étroit des forces de l’ordre, après avoir suspendu les liaisons aériennes et fermé ses frontières.

Et même si le nombre de patients hospitalisés semblait marquer le pas cette semaine, selon le ministère de la Santé, les autorités n’excluent pas de prolonger l’état d’urgence sanitaire au-delà du 20 avril. Le ramadan, grande période de sociabilisation au Maroc, doit commencer le 24 avril.

Confinement: bien en sortir pour éviter d’y retomber

Le verrou du confinement va s’entrouvrir dans plusieurs pays ces prochaines semaines, mais il faut le faire avec prudence et méthode : le risque d’une sortie ratée, c’est une deuxième vague épidémique et l’obligation de revenir à cette mesure extrêmement lourde économiquement et socialement.

« Au moment où la décision (du confinement) a été prise, c’était notre seule arme pour espérer amorcer le contrôle de l’épidémie » de Covid-19, « en diminuant le nombre d’hospitalisations et de passages en réanimation », dit à l’AFP l’épidémiologiste française Dominique Costagliola.

Mais cette mesure prise « dans l’urgence » n’est « pas supportable au long cours, ni pour les personnes ni pour le pays », ajoute-elle.

« Le confinement est une invention chinoise », déclare de son côté à l’AFP Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève.

« La version chinoise appliquée avec rigueur et violence à Wuhan (d’où est partie l’épidémie, ndlr) ayant semblé avoir eu des effets, les pays les moins préparés, c’est-à-dire la plupart des pays occidentaux, n’ont pas eu d’autre choix que d’appliquer une version adaptée lorsqu’ils se sont retrouvés en face de la vague pandémique », poursuit-il.

Mais « les effets sociaux, économiques et sanitaires du confinement s’accumulent, et il arrivera un point de bascule où ses coûts dépasseront ses bénéfices », prévoit la Pr Linda Bauld, spécialiste de santé publique à l’Université d’Edimbourg (Ecosse).

La plupart des experts s’accordent à dire que le confinement a sauvé des milliers de vie.

Le revers de la médaille est une récession économique mondiale, d’un niveau historique. Elle a poussé l’économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI) à nommer cette crise « Grand confinement », sur le modèle de la « Grande dépression » de 1929.

S’y ajoutent des risques sociaux redoutés par les spécialistes : accroissement des inégalités, violences domestiques, montée de l’anxiété et de la consommation d’alcool, aggravation des problèmes de santé autres que le Covid-19…

Encouragés par des signes de ralentissement de l’épidémie (tassement des hospitalisations et des morts), plusieurs pays envisagent un allègement de leurs mesures de confinement, en rouvrant progressivement les écoles et en renvoyant les confinés au travail.

– Un parcours de funambule –

En Europe, l’Allemagne, la France, la Belgique, la Suisse, le Danemark, l’Italie ou l’Espagne, parmi d’autres, sauteront le pas d’ici la mi-mai ou y réfléchissent. Donald Trump, lui, a jugé qu’il était temps de « faire redémarrer l’Amérique ».

Quel que soit le pays, la sortie ressemblera davantage au parcours d’un funambule qu’à une autoroute vers la liberté. Le balancier dont dépendra l’équilibre? Le nombre de personnes contaminées en moyenne par chaque malade (ou « taux de reproduction »).

Avant le confinement, « il était à 3,4 ou 3,5 », selon le président du comité scientifique qui conseille les autorités françaises, Jean-François Delfraissy.

La France comme l’Allemagne assurent que le confinement a fait descendre ce chiffre sous 1, barre qui correspond au contrôle de l’épidémie. Mais l’allègement le fera mécaniquement remonter, puisque le confinement empêche le virus de circuler. La marge de manoeuvre est donc très étroite.

« A 1,1, nous pourrions atteindre les limites de notre système de santé en termes de lits en réanimation d’ici octobre », a prévenu cette semaine la chancelière allemande Angela Merkel. « A 1,2, nous atteindrons les limites de notre système de santé en juillet. Avec un taux à 1,3 nous y arriverons déjà en juin ».

« Le fond du problème avec la décision du confinement, c’est que la sortie nous ramène automatiquement au point de départ : la situation d’avant le confinement », assure à l’AFP l’épidémiologiste français Laurent Toubiana.

Voix discordante dans la communauté scientifique, il juge que les conséquences négatives du confinement sont « sans commune mesure » avec celles de l’épidémie elle-même.

A cause de cette marge de manoeuvre étroite, l’allègement sera très progressif. « On ne va pas passer du noir au blanc, mais du noir au gris foncé », a insisté le Pr Delfraissy.

– Singapour: « l’avertissement » –

Surtout, il doit s’accompagner d’une stratégie qui a porté ses fruits en Corée du Sud, pays fréquemment cité en exemple : tester massivement, mettre en quarantaine les cas positifs, et tracer les personnes avec lesquelles ils ont été en contact, pour les tester à leur tour.

Or, cette stratégie est impossible à mettre en oeuvre « sans que les moyens nécessaires soient en place », souligne Dominique Costagliola.

Ces moyens, ce sont un nombre de tests suffisant et une logistique permettant d’assurer le traçage des malades potentiels, avec des applications numériques, mais pas seulement.

La Corée du Sud avait « une brigade de 20.000 personnes » pour réaliser ces procédures appelées contact tracing, a rappelé le Pr Delfraissy, qui met en garde contre le « fantasme » du tout-numérique.

En outre, même quand elles fonctionnent, les stratégies plus légères que le confinement ne sont pas une garantie sur le long terme.

Après avoir d’abord contrôlé l’épidémie grâce à une politique similaire à celle de la Corée du Sud, Singapour combat aujourd’hui une deuxième vague d’infections, et a dû cette fois se résoudre à des mesures sévères, dont la fermeture de la majorité des lieux de travail.

« Singapour devrait être un avertissement pour nous tous », a commenté sur Twitter le Pr Vincent Rajkumar, du réseau hospitalier américain Mayo Clinic.

« Il est possible qu’aucune des options seules ne soient suffisantes pour contrer les vagues pandémiques ultérieures (…) et qu’il soit nécessaire de les combiner pour parvenir aux meilleurs résultats sanitaires, tout en préservant au mieux la vie sociale et économique de nos pays », prédit le Pr Flahault.

C’est ce que dit aussi une étude américaine parue cette semaine dans la revue Science : selon elle, il faudra sans doute alterner entre périodes de confinement et d’ouverture jusqu’en 2022, le temps de découvrir des traitements efficaces ou un vaccin.

Chine: avec retard, le bilan du virus bondit de 40%

Un nombre de morts qui s’alourdit brutalement de près de 40%: le bilan chinois du coronavirus compte depuis vendredi près de 1.300 décès supplémentaires, alors même que les critiques s’accumulent à Paris, Londres et Washington envers la gestion de l’épidémie par Pékin.

La ville de Wuhan (centre de la Chine), où le virus est apparu fin 2019, a révisé à la hausse sa totalisation du nombre des victimes du Covid-19, annonçant 1.290 décès supplémentaires.

Ce nouveau décompte porte à 4.632 le bilan des décès enregistrés dans le pays le plus peuplé du monde, trois mois après l’annonce d’un premier mort du coronavirus le 11 janvier.

Dans un communiqué, la ville mise en quarantaine de fin janvier à début avril a expliqué qu’au plus fort de l’épidémie, certains patients étaient décédés chez eux faute de pouvoir être pris en charge par les hôpitaux.

Ils n’avaient donc pas été comptabilisés jusqu’à présent dans les statistiques officielles, qui ne prennent en compte que les personnes décédées à l’hôpital.

Commentant ces chiffres et les doutes venus de l’étranger quant à la maîtrise de l’épidémie sur le sol chinois, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a reconnu « des retards, des omissions et des imprécisions » dans l’enregistrement des décès. Mais il a démenti toute « dissimulation » de la part de Pékin.

– « Questions difficiles » –

Le pouvoir chinois affirme avoir largement endigué l’épidémie mais, à l’étranger, de nombreuses voix mettent en doute le bilan des autorités.

Le président français Emmanuel Macron a ainsi estimé jeudi qu’il existait des zones d’ombre dans la gestion de l’épidémie par la Chine, déclarant au quotidien Financial Times qu’il y avait « manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas ».

Le Royaume-Uni, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Dominic Raab, a averti Pékin qu’il devrait répondre à des « questions difficiles sur l’apparition du virus, et pourquoi il n’a pas été stoppé plus tôt ».

L’administration américaine accuse de son côté depuis des semaines le régime communiste d’avoir « dissimulé » la gravité de l’épidémie.

– Transparence totale –

La révision annoncée vendredi reste très en-deçà de certaines estimations qui circulent en Occident, relève le sinologue Jean-Pierre Cabestan, de l’Université baptiste de Hong Kong.

Elle ne suffira pas « à juguler les doutes dans le reste du monde à l’égard des chiffres chinois », ajoute-t-il, notant que le bilan affiché par Pékin est largement inférieur à celui des pays européens, pourtant beaucoup moins peuplés.

Si Wuhan et sa province, le Hubei, ont été placées en quarantaine à partir du 23 janvier, des milliers de personnes potentiellement contaminées ont pu se répandre dans le reste du pays avant cette date, souligne le sinologue.

Quant à l’armée, largement mobilisée à Wuhan pour combattre le virus, elle ne compte officiellement aucun cas de contamination dans ses rangs, s’étonne-t-il.

En relevant le bilan, le régime cherche « à projeter une image de transparence totale », relève le sinologue Willy Lam, de l’Université chinoise de Hong Kong. Mais la totalisation pourrait s’envoler si toutes les provinces révisent à leur tour leurs bilans, prévoit-il.

– Dents de scie –

Avec un système politique qui pousse à cacher les mauvaises nouvelles, les autorités locales ont dans un premier temps tenté d’étouffer l’information.

Des médecins qui avaient alerté leur entourage ont été convoqués par la police. L’un d’entre eux, le docteur Li Wenliang, décédé du Covid-19 début février, fait désormais figure de héros national.

La comptabilisation des cas de contamination a depuis évolué en dents de scie. Mi-février, elle a brusquement augmenté de 15.000, lorsque les autorités du Hubei ont décidé d’inclure les malades dépistés « cliniquement », par exemple via une radio des poumons.

Mais ces patients ont finalement été retirés des statistiques à la fin du même mois.

Plus récemment, le ministère de la Santé a commencé à dénombrer les porteurs asymptomatiques du virus, à savoir ceux qui sont contaminés sans être malades.

Sur les réseaux sociaux, la plupart des commentateurs saluaient la révision des statistiques, avec parfois une pointe d’insolence en direction du pouvoir: « on dirait que vous ressentez la pression de l’étranger, non? Pas facile d’embrouiller tout le monde avec cette épidémie… Il vaudrait mieux être honnête ».

En Afrique du Sud, des médecins mettent au point une boîte pour isoler les malades du Covid-19

Des médecins sud-africains ont conçu un outil inédit pour isoler les patients atteints du Covid-19 et protéger au mieux le personnel soignant: une boîte en plexiglas, à trois côtés et plusieurs trous qui couvre le visage et le torse des malades.

« On a regardé ce qui existait déjà sur le marché et on a trouvé une boîte toute simple avec deux trous. On l’a essayée mais on ne l’a pas jugée assez efficace » notamment pour les intubations, a expliqué à l’AFP la Dr Feroza Motara, à la tête des urgences de l’hôpital public Charlotte Maxeke à Johannesburg.

Son équipe a donc planché et conçu une boîte plus adaptée que le modèle taïwanais déjà disponible.

Derrière son masque chirurgical doublé d’un masque en plexiglas, Jana Du Plessis, médecin sud-africaine, en fait la démonstration en intubant un mannequin. « Cette boîte va créer un espace hermétique » autour du malade, explique la jeune femme de 32 ans.

Pour certains actes médicaux, « il faut débrancher le patient de son respirateur, et s’il tousse ça peut être très dangereux pour le personnel », détaille-t-elle.

« En faisant en sorte que tout cela se fasse à l’intérieur de la boîte, on isole le patient, et donc le virus ne peut pas contaminer d’autres patients ou l’équipe soignante », ajoute la Dr Du Plessis.

Deux sociétés sud-africaines ont financé une première série de 500 boîtes de ce type, baptisées « intuboxes », aussitôt distribuées à des établissements hospitaliers publics et privés en Afrique du Sud.

Des discussions sont en cours pour en fabriquer un millier d’autres.

Le brevet de cette « intubox », facturée 200 dollars (183 euros) l’unité, va être mis gracieusement à la disposition d’autres fabricants intéressés.

La Dr Motara explique avoir déjà reçu des appels intéressés du monde entier, « de l’Amérique, à Dubaï et en passant par le reste de l’Afrique ».

Elle a cependant rappelé que l' »intubox » ne remplaçait en rien les équipements de protection. « La boîte ne signifie pas qu’on oublie tout le reste », a-t-elle souligné.

L’Afrique du Sud est le pays d’Afrique subsaharienne le plus touché par la pandémie de Covid-19 avec 2.506 cas confirmés, dont 34 décès.

Virus en Libye: le gouvernement de Tripoli annonce un confinement général

Le Gouvernement d’union nationale (GNA) a annoncé un confinement général de dix jours dans les zones qu’il contrôle dans l’ouest de la Libye, dont la capitale Tripoli, afin de limiter la propagation du nouveau coronavirus dans le pays en guerre.

Un « couvre-feu » de 24 heures entre en vigueur vendredi, a indiqué le GNA basé à Tripoli et reconnu par l’ONU, dans un communiqué publié dans la nuit de mercredi à jeudi.

Cette mesure ne s’applique pas à l’est du pays contrôlé par le maréchal Khalifa Haftar, ainsi qu’à une grande partie du sud qui échappe au contrôle des deux camps rivaux.

Plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est déchirée aujourd’hui par une lutte de pouvoir entre Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen, et le GNA.

Le maréchal Haftar tente depuis un an de s’emparer de Tripoli, et le conflit a fait jusqu’ici des centaines de morts, dont des dizaines de civils, ainsi que plus de 200.000 déplacés.

La situation humanitaire risque de s’aggraver davantage en cas de propagation de la pandémie Covid-19 dans le pays, qui a officiellement enregistré jusqu’ici un décès et 48 cas, dont quatre dans l’est, selon le Centre de lutte contre les maladies basé à Tripoli.

Pendant le confinement, les hypermarchés seront fermés, mais les boutiques et commerces de proximité resteront ouverts entre 5H00 et 10H00 GMT, selon le communiqué.

Durant cette période, il est permis à chacun de faire des courses, d’après la même source.

Mercredi, le ministre de la Santé du GNA, Ehmed Ben Omar, a estimé devant la presse que la situation sanitaire en Libye n’était « pas très mauvaise », mais « pas rassurante non plus ».

Il a appelé les Libyens à une « prise de conscience » et au respect des mesures de confinement.

Le GNA avait déjà annoncé le 22 mars la fermeture des frontières terrestres et aériennes et imposé un couvre-feu de 17H00 à 5H00 GMT.

Dans l’est du pays, les forces du maréchal Haftar imposent depuis plusieurs semaines un couvre-feu entre 18H00 et 5H00 GMT.

Le Sénégal prolonge la suspension de tous les vols

Le Sénégal a prolongé jusqu’au 31 mai la suspension de tous les vols au départ et à destination de son territoire pour contenir le Covid-19, a indiqué le ministre des Transports Alioune Sarr dans la nuit de mercredi à jeudi.

Le ministre ne donne pas plus de précisions sur son compte Twitter. La suspension des liaisons aériennes concernait le transport de passagers et non de fret quand elle a été annoncée mi-mars.

Elle s’appliquait d’abord à la France, l’Italie, l’Espagne et un certain nombre de pays d’Europe et d’Afrique du Nord avant d’être généralisée.

Le Sénégal a officiellement déclaré plus de 300 cas de contamination et deux décès depuis le 2 mars.

La suspension des liaisons aériennes fait partie d’une série de mesures prises par le gouvernement pour empêcher la propagation du nouveau coronavirus, comme l’instauration d’un couvre-feu nocturne, l’interdiction de circuler entre les villes et la fermeture des écoles.

Le Sénégal s’est jusqu’alors gardé d’établir le confinement. Il représenterait un défi considérable dans ce pays pauvre dont une bonne partie de la population vit au jour le jour.

Dans plusieurs pays d’Afrique centrale, le masque devient obligatoire

Dans plusieurs pays d’Afrique centrale, le port du masque est devenu obligatoire dans l’espace public afin de freiner la propagation du nouveau coronavirus, ont annoncé ces derniers jours leurs gouvernements.

Au Gabon, le masque est obligatoire depuis mercredi matin, tout comme en Guinée équatoriale, qui demande aussi à ses citoyens de porter des gants lors de leur sortie.

Conscient de la difficulté des Gabonais à se procurer des masques médicaux, Libreville a recommandé à ses citoyens le port « du masque alternatif ». De nombreux ateliers de couture au Gabon et ailleurs se sont mis à produire des masques en tissu, moins efficaces mais qui limitent toutefois la propagation du virus.

Lundi, le gouvernement tchadien avait également décrété le port obligatoire du masque sur son territoire avant de revenir sur sa décision le lendemain à cause du manque d’offre sur le marché.

Le Cameroun – l’un des pays les plus touchés par le virus en Afrique avec 855 cas déclarés officiellement mercredi – avait déjà adopté cette mesure jeudi dernier.

Dans ces pays d’Afrique centrale, ces dispositions s’ajoutent à celles déjà prises, comme l’instauration de couvre-feux nocturnes, la fermeture des écoles, des frontières et des lieux de culte ainsi que les restrictions sur les rassemblements.

Libreville, la capitale du Gabon, et ses environs sont également confinés depuis lundi pour 14 jours.

L’Afrique reste pour l’heure relativement moins touchée par l’épidémie. Mais de nombreux experts continuent de redouter une catastrophe sanitaire sur ce continent pauvre et aux systèmes de santé défaillants.

L’Ethiopie veut fermer un camp de réfugiés érythréens malgré l’épidémie de coronavirus

L’Ethiopie s’apprête à fermer un camp de réfugiés érythréens et à réinstaller des milliers d’entre eux dans des camps, selon l’ONU, déjà pleins, malgré les craintes qu’une telle opération puisse les rendre plus vulnérables au coronavirus.

Le camp de Hitsats est l’un des quatre camps de la région du Tigré (nord), qui abritent au total près de 100.000 réfugiés venus d’Erythrée, selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), sur plus de 170.000 réfugiés érythréens dans tout le pays.

Début mars, les responsables éthiopiens avaient informé le HCR de leur intention de fermer Hitsats, dans le cadre d’un plan de restructuration, mais ce plan a été retardé après que l’Ethiopie a enregistré ses premiers cas de Covid-19 à la mi-mars.

Les préparatifs pour la fermeture du camp de Hitsats se sont cependant poursuivis. Les réinstallations pourraient commencer d’ici fin avril, a déclaré cette semaine à l’AFP le directeur général adjoint de l’Agence éthiopienne pour les réfugiés et les rapatriés, Eyob Awoke.

« Nous sommes prêts à commencer. Mais nous ne pouvons pas commencer avec un grand nombre (de réfugiés). Nous pouvons commencer avec un petit nombre », a-t-il dit. « Nous pouvons même commencer avant la fin de ce mois », a ajouté M. Eyob.

Les réfugiés de Hitsats pourront se réinstaller dans deux autres camps ou obtenir un permis pour vivre et travailler de manière indépendante en Éthiopie.

La décision de fermer Hitsats – qui, selon le gouvernement, abrite 13.022 réfugiés – est en partie liée aux coupes budgétaires du HCR, a déclaré M. Eyob. Le gouvernement pense aussi qu’il peut mieux accueillir les réfugiés en restructurant les camps du Tigré, a-t-il ajouté.

– Peur et confusion –

L’Ethiopie a commencé l’année avec une réduction de 14% du financement de l’organisation mais cela ne justifie pas la fermeture d’un camp, a déclaré à l’AFP Ann Encontre, représentante du HCR en Ethiopie.

Déplacer les réfugiés de Hitsats vers les autres camps de la région du Tigré les rendrait « sans aucun doute » plus vulnérables au Covid-19, a-t-elle ajouté.

Dans les deux autres camps, « il n’y a pas assez d’eau, il n’y a pas assez d’installations sanitaires, il n’y a pas assez de services médicaux et de santé », a précisé Mme Encontre. « Il n’y a pas assez d’installations et d’abris pour un afflux aussi important » de réfugiés.

L’Ethiopie a jusqu’à présent rapporté 92 cas de Covid-19, aucun d’entre eux dans les camps de réfugiés.

Le système de service national obligatoire en Erythrée a conduit à décrire ce pays comme étant une « prison en plein air », semblable à la Corée du Nord.

Une guerre frontalière, qui a éclaté en 1998 entre l’Éthiopie et l’Érythrée, a fait des dizaines de milliers de morts.

Le président érythréen Issaias Afeworki et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ont conclu un accord de paix surprise en 2018, mais aucun signe de réforme politique n’a été observé en Érythrée depuis, et les demandeurs d’asile continuent d’affluer en Éthiopie, en franchissant la frontière entre les deux pays.

L’Ethiopie a récemment changé sa politique d’asile envers les Erythréens: elle ne leur accorde plus automatiquement le statut de réfugié mais examine les dossiers au cas par cas.

Pour M. Eyob, de nombreux Erythréens venus s’installer en Ethiopie ne remplissaient pas les critères de l’asile politique.

« Certains d’entre eux viennent vivre en Ethiopie simplement parce qu’ils jugent leurs conditions de vie difficiles en Erythrée », a-t-il fait valoir.

Selon Mme Encontre, cette nouvelle politique a conduit à une diminution du nombre d’enregistrements de nouveaux réfugiés érythréens.

Pour Laetitia Bader, chercheuse pour l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, la nouvelle approche du gouvernement de M. Abyi envers les réfugiés érythréens « crée de la peur et de la confusion » dans leurs rangs.

« Le gouvernement doit faire en sorte d’annoncer publiquement et d’expliquer tout changement de doctrine, et également doit engager de vraies consultations avec les communautés de réfugiés et les acteurs humanitaires », a-t-elle plaidé.

Coronavirus au Nigeria: 18 personnes tuées par les forces de sécurité depuis fin mars

Les forces de sécurité ont tué 18 personnes depuis fin mars au Nigeria, accusées de ne pas avoir respecté les mesures de confinement pour tenter d’enrayer l’épidémie de coronavirus, presque impossibles à appliquer pour les plus pauvres.

La commission nationale de surveillance des droits de l’Homme a enregistré 105 actes de violations des droits de l’Homme « perpétrés par les forces de l’ordre » et « 18 personnes tuées » dans des exécutions extra-judiciaires, dans un rapport publié mercredi soir.

Cet organe officiel a accusé les forces de sécurité d’un « usage disproportionné de la force, d’abus de pouvoir, de corruption et de non-respect des lois nationales et internationales ».

Le nombre de personnes tuées par les forces de sécurité est plus élevé que celui des victimes décédées du coronavirus au Nigeria où 407 cas ont été recensés, dont 12 morts.

Depuis le 31 mars, de nombreux Etats au Nigeria ont adopté des mesures de confinement, particulièrement strictes à Lagos, Abuja ou dans l’Etat d’Ogun, où la population a l’obligation de rester à la maison, sauf pour acheter de la nourriture un jour sur deux.

Des vidéos de violences policières postées sur les réseaux sociaux, où l’on voit des policiers détruire des étals de marché, ou encore tabasser la population ont fait scandale dans le pays, où les forces de sécurité sont régulièrement accusées d’abus de pouvoir et de corruption.

Segun Awosanya, à la tête d’une puissante organisation de la société civile de surveillance des violences policières (Social Intervention Advocacy Foundation, SIAF) a également dénombré 18 morts depuis le début du confinement.

Deux personnes ont notamment été tuées mercredi dans l’Etat d’Anambra (sud-est) et un chauffeur de poids-lourd transportant de la nourriture dans l’Etat d’Abia (sud-est) a été abattu, vraisemblablement pour avoir refusé de donner un pot-de-vin au barrage de la Nigerian Civil Defense Corps, l’une des nombreuses agences de sécurité dans le pays, selon des témoins.

« Mais il pourrait y en avoir bien plus », explique à l’AFP M. Awosanya, aussi connu sous le nom de « Sega l’Eveilleur ». « Ca, ce ne sont que les cas qui nous sont signalés par les familles ».

La SIAF travaille ensuite avec la police pour procéder à une enquête interne. « Nous avons vu une explosion des plaintes depuis 15 jours, et particulièrement de gens arrêtés et emmenés au poste », poursuit l’activiste.

– Très tendu –

« Tout le monde est très tendu. La police et les agences de sécurité qui n’ont pas d’équipement pour se protéger du virus, aucune sécurité, aucune logistique pour se défendre contre la criminalité qui a très fortement augmenté aussi », concède « Sega l’Eveilleur ».

Interrogé par l’AFP, le porte-parole de la police Frank Mba a regretté que « la commission reste trop générale dans ses accusations ».

Elle « aurait du donner des détails sur ceux qui ont été tués par la police, leur nombre exact, leur nom et le lieu de l’incident, ainsi nous pourrions prendre des sanctions adéquates », a-t-il déclaré à l’AFP.

Il a affirmé que les membres des forces de police coupables d’abus seront punis.

Le Nigeria compte le plus grand nombre de personnes vivant sous le seuil de l’extrême pauvreté au monde (plus de 87 millions en 2018), selon l’organisation World Poverty Clock.

Les rares aides gouvernementales ne parviennent à calmer ni la faim ni la colère de la population, et la Banque mondiale a mis en garde la semaine dernière contre un risque de « crise alimentaire » en Afrique.

La question d’un confinement stricte et obligatoire a soulevé de très nombreuses interrogations et critiques en Afrique sub-saharienne où la grande majorité de la population dépend de l’économie informelle pour se nourrir et où même la petite classe moyenne ne dispose pas d’économies suffisantes pour vivre sans travailler.

De nombreux incidents ont été recensés sur le continent depuis ces dernières semaines.

La police sud-africaine a dispersé mardi par des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes des habitants affamés d’une banlieue pauvre du Cap (sud-ouest), furieux de ne pas avoir reçu de distributions alimentaires.

Moratoire sur la dette des pays pauvres: un geste positif, mais très insuffisant pour l’Afrique

Un geste positif mais il faudra aller beaucoup plus loin: c’est l’avis largement partagé en Afrique après l’annonce d’un moratoire sur la dette pour aider les pays pauvres à faire face à la pandémie de coronavirus et à son impact dévastateur.

« C’est une bouffée d’oxygène », estime Qutes Hassane Boukar, responsable de l’Analyse budgétaire d’Alernative espace citoyen (AEC), une des plus importantes ONG du Niger, après la décision du G20 mercredi de suspendre pour un an le service de la dette pour les pays les plus pauvres, dont une quarantaine de pays africains.

« Il y a beaucoup de dépenses prévues dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus, le fait qu’il y ait un moratoire permet à ces Etats de mobiliser les ressources qu’ils auraient pu engager pour rembourser la dette publique », explique M. Bukar.

L’Afrique est encore relativement peu touchée par l’épidémie, selon les bilans officiels, mais l’on craint une flambée de la maladie sur un continent où les systèmes de santé sont notoirement insuffisants, ainsi que des conséquences économiques dévastatrices.

La Banque Mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont averti que l’Afrique subsaharienne connaitra en 2020 sa première récession économique généralisée depuis 25 ans.

« Cette suspension de dette va permettre au pays africains de respirer un peu, mais elle ne vaut pas annulation », souligne Djidénou Kpoton, analyste économique béninois.

Le moratoire sur la dette des pays pauvres devrait « libérer 20 milliards de dollars », a précisé mercredi le ministre des Finances saoudien Mohammed al-Jadaan à l’issue du G20. L’endettement total du continent africain est estimé à 365 milliards de dollars, dont environ un tiers dû à la Chine.

Le moratoire « va permettre aux économies africaines de ne pas plonger dans l’immédiat, mais si on ne trouve pas d’autres solutions on va à la catastrophe », juge l’économiste ivoirien Jean Alabro.

– « Une insulte » –

« La plupart de nos économies dépendent de l’extérieur. Les deux tiers des exportations sont des matières premières ou des produits semi-finis. Or la demande internationale va s’effondrer et les prix avec », avertit l’économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé, directeur du Forum africain des alternatives.

« La décision du G20 est ridicule, ce n’est pas à la hauteur de la situation. C’est une insulte à l’égard des pays pauvres », affirme-t-il.

Plutôt qu’un simple sursis pour les remboursements, économistes et acteurs de la société civile réclament une annulation complète des dettes.

En effet le moratoire « ne permet ni d’enclencher un cercle vertueux ni de donner un coup d’arrêt au processus d’endettement chronique des pays africains », explique Christian Abouta, évaluateur des politiques publiques au Bénin.

Pour l’économiste congolais Noël Magloire Ndoba, « c’est une manœuvre cosmétique (…) le vrai problème est celui de la dette en tant que telle, il faut l’annuler purement et simplement ».

Annuler, oui, mais « sous réserve de réformes majeures. Car tant que nous avons des dirigeants qui confondent leur poche et la poche du pays, peu importe le nombre de moratoires ou d’annulations de dette, ça ne changera rien », fulmine l’opposant tchadien Masra Succès, président du Parti Les Transformateurs.

Au delà des questions de la dette et de la mauvaise gouvernance, qui sont cruciales, il faut aussi réformer en profondeur les économies africaines pour qu’elles soient moins dépendantes des marchés mondiaux et plus résilientes face aux crises, analyse Jean Alabro.

« Aujourd’hui les ministres des Finances africains sont considérés comme bons quand ils arrivent à emprunter de l’argent. Il faut qu’ils s’intéressent davantage à favoriser les entreprises locales plutôt que les multinationales, pour promouvoir la production locale et pour créer des emplois. Les dirigeants africains doivent bâtir des économies tournées vers l’intérêt des populations », conclut-il.

En Guinée, un barrage géant engloutit les terres ancestrales de milliers de paysans

Vêtu d’un boubou traditionnel, Naby Soumah observe sombrement la masse grise à l’horizon. Construit sur fonds chinois dans le centre de la Guinée, le barrage de Souapiti doit fournir en électricité un pays qui en manque cruellement, inondant au passage les terres ancestrales de milliers de paysans.

« Ici, il n’y a pas de commerçants ou d’intellectuels. Nos enfants qui ont fait des études ne trouvent pas d’emploi. Nous vivons de cette terre », explique, adossé à un manguier, l’aîné du village de Bouramaya Sousou.

Il promène son regard sur un champ d’arachide dévasté lorsque les ingénieurs du barrage ont fermé les vannes et inondé les terres alentour, lors d’un essai à quelques mois de la date prévue pour sa mise en service, en principe d’ici à la fin de l’année.

« Nous avons faim », dit le vieil homme.

Les habitants des villages proches du barrage, le plus grand d’Afrique de l’Ouest, ne pourront pas rester.

Certains ont déjà été déplacés vers de nouvelles implantations, plus modernes que leurs huttes de terre crue. Mais ils manquent de terres pour les cultures ou le bétail. Beaucoup ont dit à l’AFP peiner à se nourrir. Ils se plaignent aussi de ne pas avoir été dédommagés.

Paradoxalement, ils souffrent d’un manque d’eau. Dans le nouveau village Madina Tayire, ils sont une dizaine à attendre pour se servir à l’unique robinet en face de la mosquée.

« Ils n’ont rien prévu pour nous. Les gens ici sont excessivement pauvres. Qu’est-ce que ça va être dans 10 ans ? C’est une bombe », explique le porte-parole de l’Union pour la défense des sinistrés de Souapiti, Oumar Aïssata Camara.

– Reconstruire sa vie –

Le barrage, un ouvrage d’un kilomètre de long et de 120 mètres de haut, aura bientôt une capacité de 450 mégawatts, de quoi en principe répondre aux besoins en électricité de la Guinée, où les coupures sont monnaie courante, et même d’en exporter vers les pays voisins.

Cette construction pharaonique est l’un des grands projets du président Alpha Condé, en butte depuis six mois à une contestation qui a fait des dizaines de morts. Son achèvement pourrait renforcer ses positions au meilleur moment si, comme l’opposition l’en soupçonne, il se présente à un troisième mandat à la fin de l’année.

« Vous ne pouvez pas simplement arracher les gens de leurs terres ancestrales », dit le directeur de la communication de la Société de gestion et d’exploitation de Souapiti, Alphakaba Diakité. Selon lui, le projet a une vocation « sociale »: « changer la vie des personnes déplacées ».

Dans un rapport publié jeudi, Human Rights Watch (HRW) estime à 16.000 le nombre de personnes déplacées par le barrage, dont les eaux vont recouvrir plus de 250 kilomètres carrés de terres et engloutir plus de 550.000 arbres fruitiers. Une cinquantaine de villages ont été évacués l’an dernier et des dizaines d’autres devraient suivre cette année, selon l’ONG.

La besoin réel et criant en électricité « ne doit pas constituer une excuse pour piétiner les droits » des populations, estime Yasmin Dagne, chercheuse citée dans le rapport.

L’ONG demande aux autorités de s’assurer que les déplacés « auront accès aux terres et aux ressources nécessaires pour reconstruire leur vie ».

Elle juge aussi « particulièrement important », en cette période de Covid-19 que les populations aient accès à de l’eau saine, à des installations sanitaires et aux services de santé.

– Financement chinois –

La Guinée est surnommée le « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest » en raison de la forte pluviométrie et des cours d’eau qui y trouvent leur source, dont les fleuves Sénégal, Gambie et Niger, qui irriguent toute la sous-région.

« Le potentiel est énorme », explique Jean-Michel Natrella, de la société d’ingénierie Tractebel (Engie), associée au projet, pour qui il n’y avait « pas d’autre choix que d’exploiter » l’énergie hydroélectrique.

Les premiers projets d’exploitation de cette énergie renouvelable remontent à 1944, sous l’administration coloniale française. Après l’indépendance de la Guinée en 1958, plusieurs tentatives de relance ont échoué, généralement par manque de financement.

C’est finalement un prêt chinois de 1,2 milliard d’euros au gouvernement de Conakry qui a permis de lancer les travaux du barrage en 2016.

Ce projet s’inscrit dans un vaste programme du gouvernement chinois, doté de milliards de dollars, de construction d’infrastructures dans des dizaines de pays en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

En Guinée, pays pauvre de 13 millions d’habitants mais dont les gisements de minerais attisent les convoitises, il a pris la forme d’un partenariat public-privé entre le gouvernement et la société chinoise CWE, filiale de la Three Gorges Corporation (gestionnaire du gigantesque barrage des Trois-Gorges en Chine), qui en assure la construction, en sera co-propriétaire et sera chargée de son exploitation.

Les milliardaires africains, appelés à l’aide pour lutter contre la pandémie

Sous un soleil de plomb, des menuisiers, trempés de sueur, s’activent pour construire des planchers à grand coups de marteaux. A Kano, la grande ville du nord du Nigeria, un centre d’isolement flambant neuf pourra bientôt accueillir les patients du Covid-19.

Derrière cette initiative se trouve l’homme le plus riche d’Afrique, Aliko Dangote, dont la fortune est estimée à plus de 15 milliards de dollars (Bloomberg 2019). Deux immenses tentes blanches d’environ 250 lits ont été érigées sur le stade de foot de la cité commerçante qui a vu naître le roi du ciment.

Dans le pays anglophone de 200 millions d’habitants, des décennies de mauvaise gestion des pouvoirs publics ont laissé un système de santé exsangue, alors dans la lutte contre le coronavirus, comme bien souvent, le secteur privé est appelé à la rescousse.

Créée fin février, la Coalition du secteur privé contre le Covid-19 (Cacovid), pilotée par Dangote et le groupe bancaire nigérian Access Bank, rassemble une cinquantaine d’entreprises qui ont promis près de 22 milliards de nairas (57 millions de dollars) pour le pays, selon un document interne que l’AFP a pu consulter.

« Si chacun fait les choses dans son coin, ça crée une cacophonie, alors en fonction de sa taille, chacun met ce qu’il peut et on mutualise nos moyens », assure à l’AFP Zouera Youssoufou, directrice générale de la Fondation Dangote.

– La mobilisation s’accélère –

Le secteur privé va ainsi bâtir sept centres d’isolement dans les grandes villes (Kano, Lagos, Abuja, Maiduguri, Port-Harcourt…), et chercher à augmenter les capacités de diagnostique du Nigeria, qui n’a réalisé que 5.000 tests depuis le début de l’épidémie.

L’Afrique semble pour l’instant moins touchée que le reste du monde avec un total de quelque 16.200 cas officiellement recensés pour près de 900 morts, selon un décompte de l’AFP.

Mais les experts invitent à la prudence, estimant que l’ampleur réelle de la pandémie pourrait être sous-estimée – notamment en raison du manque de tests disponibles.

Alors, un peu partout, la mobilisation s’accélère. En Afrique du Sud, le magnat des mines, Patrice Motsepe (African Rainbow Minerals), de même que les familles Rupert (fonds d’investissement Remgro Limited) et Oppenheimer (diamants De Beers) ont chacun promis un milliard de rands (53,3 millions de dollars).

A l’échelle continentale, la Banque africaine de développement (BAD) a annoncé la semaine dernière la création d’un fonds de 10 milliards de dollars pour soutenir les économies africaines.

Et l’Union africaine (UA) a lancé le 7 avril un fonds spécial contre le Covid-19 auquel les Etats membres ont déjà accepté de contribuer à hauteur de 17 millions de dollars.

– « Plan Marshall » pour l’Afrique –

« Nous devons maintenant (…) mobiliser toutes les ressources pour contenir cette pandémie et empêcher l’effondrement d’économies et de systèmes financiers déjà en difficulté », a déclaré dimanche le président en exercice de l’UA, le Sud-africain Cyril Ramaphosa.

Reste à convaincre les institutions régionales et internationales, mais aussi les milliardaires africains d’y participer. L’objectif du fonds spécial est de réunir à terme quelque 400 millions de dollars pour financer en priorité la réponse sanitaire, puis les économies.

Contacté par l’AFP, l’homme d’affaires et philanthrope nigérian Tony Elumelu, président de la banque UBA, présente dans 20 pays, appelle à un « plan Marshall » pour l’Afrique après avoir annoncé un don de 14 millions de dollars au Nigeria et au reste du continent.

« Il est urgent que les gouvernements africains et les partenaires internationaux intensifient leur programme de relance économique Covid-19 pour le continent » avec « une réponse internationale coordonnée », affirme-t-il

Toute la difficulté est de trouver de l’argent disponible rapidement. Les institutions, comme la Banque mondiale ou la BAD qui ont promis des milliards, sont soumis à des procédures contraignantes, et leurs aides mettent souvent plusieurs mois avant d’être débloquées.

Quant aux grandes fortunes, malgré leurs discours récurrents sur le panafricanisme, elles se montrent encore frileuse lorsqu’il s’agit d’élargir leur solidarité au continent.

– « Effets d’annonce » –

« Pour l’instant, personne n’a encore vraiment participé » explique sous couvert d’anonymat à l’AFP un haut fonctionnaire de l’UA. « Les plus enclins à donner et rapidement, ce sont les Chinois. C’est pour cela que nous avons reçu aussi vite des aides de Jack Ma », le fondateur du géant de la vente en ligne Alibaba.

« On aimerait que les milliardaires africains suivent l’exemple, malheureusement cela reste souvent des effets d’annonce », poursuit cette source. « En 2015 avec Ebola, beaucoup de promesses ont été faites, mais en dehors de Dangote et de Motsepe, très peu ont vraiment débloqué l’argent ».

Toutefois, le groupe Ecobank, qui possède des filiales dans une quarantaine de pays, s’apprête à lancer une plateforme de soutien aux PME africaines, selon la même source.

Du côté de l’empire Dangote, présent dans toute l’Afrique à travers des usines de ciment, de sucre, ou encore de farine, Zouera Youssoufou assure également vouloir « s’engager pour le continent » même si elle reconnait que priorité est pour l’instant donnée au Nigeria.

« Nous sommes panafricains par essence », dit-elle. « Mais on met d’abord son propre masque à oxygène avant d’aider les autres ».

Les Maliens élisent leur parlement malgré la guerre et le virus

Guerre, coronavirus, principal opposant enlevé… Le contexte est aussi sombre avant le second tour des législatives au Mali dimanche qu’il l’était avant le premier, mais le gouvernement a choisi de maintenir le scrutin.

« En démocratie, rien ne vaut la pleine légalité constitutionnelle ainsi que le jeu normal des institutions », a déclaré le président Ibrahim Boubacar Keïta il y a quelques jours, s’adressant à la nation un masque protecteur sur le visage.

Il y va de la nécessité d’apporter des réponses autres que strictement militaires à la profonde crise sécuritaire, politique ou économique que traverse le pays depuis des années, a justifié le chef d’Etat.

Malgré l’adversité, la majorité de la classe politique soutient le maintien de ce scrutin reporté à plusieurs reprises.

L’enjeu est de taille: renouveler un parlement élu en 2013 et dont le mandat devait s’achever en 2018, et faire enfin progresser l’application de l’accord de paix d’Alger.

Celui-ci, signé en 2015 entre les groupes armés indépendantistes et Bamako, prévoit plus de décentralisation via une réforme constitutionnelle qui doit passer par l’Assemblée. Or la légimité du parlement sortant est contestée.

Mais comment motiver des Maliens qui remettent en cause la capacité de leurs dirigeants à sortir le pays de la guerre et de la pauvreté ?

– Menaces jihadistes –

D’abord concentrée dans le nord du pays en proie à des rebellions indépendantistes, la crise a dégénéré avec l’arrivée sur l’échiquier sahélien de groupes jihadistes à partir de 2012.

La violence frappe quotidiennement le centre et le nord du Mali et les voisins burkinabé et nigérien. Les attaques contre les soldats et les civils alternent avec les explosions de mines artisanales, les morts se comptent par milliers et les déplacés par centaines de milliers. Vingt-cinq militaires, selon le gouvernement, ont été tués entre les deux tours dans une opération revendiquée par un groupe affilié à al-Qaïda.

« Dans le centre et dans le nord, est-ce que les populations pourront voter librement ? Dans le centre, les groupes terroristes sont en train de menacer les populations » pour les dissuader de voter, affirme Ibrahima Sangho, chef de mission de la Synergie, plateforme d’organisations qui déploient des observateurs lors d’élections.

Le premier tour du 29 mars a été marqué par des enlèvements de présidents de bureau et le vol et la destruction d’urnes. Dans les zones rurales de Tombouctou, les jihadistes ont conduit de nombreux raids d’intimidation à moto. « Ne votez pas ou vous aurez affaire à nous », disaient-ils en substance aux habitants, selon un rapport interne de l’ONU consulté par l’AFP.

Un millier de bureaux environ, sur plus de 22.000, n’ont pas ouvert, a admis le ministre de l’Administration territoriale Boubacar Alpha Bah, selon des propos rapportés par la télévision publique.

Dans certaines régions du nord, le large taux de participation (plus de 85% à Kidal pour une moyenne nationale de 35,6%, avec des députés élus avec 91% ou 97% des suffrages) laisse envisager « une possibilité de fraude », dit un diplomate sahélien.

Dans la capitale, la participation a été de 12,9%. Ces faibles taux de participation sont dans la norme malienne, rappelle M. Sangho, l’observateur.

– Défi sanitaire –

Sur les 147 sièges de députés, 22 ont été pourvus au premier tour.

Parmi eux: Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition kidnappé le 25 mars alors qu’il était en campagne. A défaut de preuve formelle, tous les soupçons pèsent sur le groupe jihadiste d’Amadou Koufa. Des négociations secrètes sont menées pour sa libération, selon son parti.

« Soumaïla Cissé est un gros poisson qui pourra être échangé contre d’autres gros poissons emprisonnés », pense Bréma Ely Dicko, sociologue à l’Université de Bamako.

Ce rapt sans précédent n’avait pas dissuadé les autorités de s’en tenir au calendrier électoral, pas plus que l’officialisation, fortuitement simultanée, des premiers cas de contamination par le nouveau coronavirus. La campagne, déjà discrète, a dès lors disparu des débats, en dehors des affiches qui résistent à Bamako.

Le Mali a officiellement déclaré 171 patients et 13 décès. Ici comme ailleurs, l’inquiétude est grande quant à la capacité de faire face à une prolifération. Un couvre-feu nocturne a été institué, les écoles ont été fermées, des restrictions imposées aux activités.

Mais dans la capitale d’un des pays les plus pauvres de la planète dont une grande part de la population vit au jour le jour, les marchés, les mosquées, les transports en commun n’ont pas désempli.

« Ce n’est pas partout que les mesures contre le Covid-19 ont été appliquées » au premier tour, rapporte M. Sangho.

Le président malien a pris l’engagement que « toutes les mesures sanitaires et sécuritaires requises (seront) rigoureusement appliquées » dimanche.

Traumatisés par la guerre : le théâtre pour panser les blessures psychiques en Afghanistan

Alors qu’il assistait à Kaboul à une pièce de théâtre sur le traumatisme, Hussain s’est mis à sangloter, la représentation ravivant ses souvenirs d’une scène de guerre dans laquelle il a manqué perdre la vie en Afghanistan.

« Je ne pouvais pas m’arrêter de pleurer », raconte l’étudiant de 22 ans, qui a survécu à un attentat-suicide ayant tué 57 personnes dans la capitale afghane en 2018. « Je fais encore des cauchemars de ce moment, le sang, les bouts de corps et les personnes blessées qui crient à l’aide. »

Hussain, qui refuse de communiquer son nom de famille, assistait à « Tanhayee » (« Solitude »), une pièce de théâtre narrant l’histoire de deux femmes : une survivante d’un attentat-suicide et une victime d’agression sexuelle.

Dans un pays conservateur ayant connu quatre décennies de guerre et de déplacements de population, ses producteurs espèrent alerter par ce biais sur l’impact durable d’évènements traumatisants.

« Chaque individu dans ce pays a été d’une manière ou d’une autre affecté par un traumatisme mental », affirme Jebrael Amin, un porte-parole de l’ONG Peace of Mind (Tranquillité d’esprit) Afghanistan, qui finance la pièce. « Le théâtre est un bon moyen de sensibiliser les gens, car ils se rendent compte qu’autour d’eux, beaucoup partagent les mêmes douleurs ».

Quelque 85 % des Afghans ont vécu ou assisté à au moins un événement traumatisant, selon une enquête de l’Union européenne datant de 2018. Les données du ministère de la Santé montrent qu’environ un Afghan sur deux souffre de détresse psychologique.

« Il ne fait aucun doute que la guerre et la violence qui y est associée sont les plus grands facteurs de détresse mentale et de traumatisme en Afghanistan », remarque Bashir Ahmad Sarwari, chef du département de la santé mentale du ministère.

– Stigmatisation –

Mais moins de 10 % des Afghans ont reçu un soutien psychosocial suffisant de la part de l’État, selon l’ONG Human Rights Watch.

La situation est encore pire hors des grandes villes, où les infrastructures sanitaires manquent. De grands pans de l’Afghanistan rural sont en outre sous le contrôle des talibans, peu portés sur l’accompagnement psychologique.

Le gouvernement afghan a formé environ 850 conseillers en santé mentale cette dernière décennie. Mais la peur d’être stigmatisé dans une société patriarcale et conservatrice fait que de nombreuses personnes s’abstiennent de demander de l’aide.

« C’est un gros problème car les personnes souffrant de problèmes de santé mentale sont étiquetées comme faibles, stupides ou même folles », rappelle M. Sarwari.

L’impact peut être dévastateur. Najib, qui a refusé de donner son nom complet par peur des critiques, a commencé à souffrir de dépression et d’anxiété après avoir perdu sa mère dans un attentat dans Kaboul en 2017.

Lorsqu’il s’est ouvert auprès de ses amis, il affirme avoir été rejeté. « J’ai pensé au suicide », se souvient-il.

Najib s’est senti impuissant et isolé pendant des années, jusqu’à ce qu’on le persuade de consulter un psychologue.

Pour que, comme lui, davantage de malades franchissent le pas, les professionnels de santé afghans se tournent désormais vers des moyens non conventionnels, projets artistiques et autres représentations théâtrales.

« Tanhayee » a ainsi été joué 15 fois. Mais la pièce a dû être interrompue pour éviter la propagation du nouveau coronavirus.

– Rôle réel –

Selon le ministère de la Santé, plus de deux millions d’Afghans sur les 35 que compte le pays ont visité des cliniques de santé mentale l’année dernière. Ils étaient à peine quelques milliers il y a 10 ans.

« Nous sommes sur le bon chemin », se félicite Wahid Majroh, conseiller principal au ministère. « Mais le niveau de traumatisme (…) ici est tel que les services ou la sensibilisation à la santé mentale ne peuvent pas suivre. »

Les expériences violentes sont si répandues en Afghanistan que la souffrance décrite dans « Tanhayee » a fait pleurer de nombreux spectateurs.

La catharsis fonctionne dans les deux sens. L’actrice Jamila Mahmoodi, qui joue la victime d’un attentat, estime que la pièce l’a aidée à surmonter le fait qu’elle avait elle-même échappé de justesse à un attentat-suicide.

Pendant des mois, la jeune femme de 21 ans dit avoir lutté contre le stress post-traumatique. « J’ai l’impression que jouer sur scène m’aide », observe-t-elle. « Je me sens en paix tout en jouant le rôle que moi et des milliers d’autres avons douloureusement vécu dans la vraie vie. »

Les Maliens élisent leur parlement malgré la guerre et le virus

Guerre, coronavirus, principal opposant enlevé… Le contexte est aussi sombre avant le second tour des législatives au Mali dimanche qu’il l’était avant le premier, mais le gouvernement a choisi de maintenir le scrutin.

« En démocratie, rien ne vaut la pleine légalité constitutionnelle ainsi que le jeu normal des institutions », a déclaré le président Ibrahim Boubacar Keïta il y a quelques jours, s’adressant à la nation un masque protecteur sur le visage.

Il y va de la nécessité d’apporter des réponses autres que strictement militaires à la profonde crise sécuritaire, politique ou économique que traverse le pays depuis des années, a justifié le chef d’Etat.

Malgré l’adversité, la majorité de la classe politique soutient le maintien de ce scrutin reporté à plusieurs reprises.

L’enjeu est de taille: renouveler un parlement élu en 2013 et dont le mandat devait s’achever en 2018, et faire enfin progresser l’application de l’accord de paix d’Alger.

Celui-ci, signé en 2015 entre les groupes armés indépendantistes et Bamako, prévoit plus de décentralisation via une réforme constitutionnelle qui doit passer par l’Assemblée. Or la légimité du parlement sortant est contestée.

Mais comment motiver des Maliens qui remettent en cause la capacité de leurs dirigeants à sortir le pays de la guerre et de la pauvreté ?

– Menaces jihadistes –

D’abord concentrée dans le nord du pays en proie à des rebellions indépendantistes, la crise a dégénéré avec l’arrivée sur l’échiquier sahélien de groupes jihadistes à partir de 2012.

La violence frappe quotidiennement le centre et le nord du Mali et les voisins burkinabé et nigérien. Les attaques contre les soldats et les civils alternent avec les explosions de mines artisanales, les morts se comptent par milliers et les déplacés par centaines de milliers. Vingt-cinq militaires, selon le gouvernement, ont été tués entre les deux tours dans une opération revendiquée par un groupe affilié à al-Qaïda.

« Dans le centre et dans le nord, est-ce que les populations pourront voter librement ? Dans le centre, les groupes terroristes sont en train de menacer les populations » pour les dissuader de voter, affirme Ibrahima Sangho, chef de mission de la Synergie, plateforme d’organisations qui déploient des observateurs lors d’élections.

Le premier tour du 29 mars a été marqué par des enlèvements de présidents de bureau et le vol et la destruction d’urnes. Dans les zones rurales de Tombouctou, les jihadistes ont conduit de nombreux raids d’intimidation à moto. « Ne votez pas ou vous aurez affaire à nous », disaient-ils en substance aux habitants, selon un rapport interne de l’ONU consulté par l’AFP.

Un millier de bureaux environ, sur plus de 22.000, n’ont pas ouvert, a admis le ministre de l’Administration territoriale Boubacar Alpha Bah, selon des propos rapportés par la télévision publique.

Dans certaines régions du nord, le large taux de participation (plus de 85% à Kidal pour une moyenne nationale de 35,6%, avec des députés élus avec 91% ou 97% des suffrages) laisse envisager « une possibilité de fraude », dit un diplomate sahélien.

Dans la capitale, la participation a été de 12,9%. Ces faibles taux de participation sont dans la norme malienne, rappelle M. Sangho, l’observateur.

– Défi sanitaire –

Sur les 147 sièges de députés, 22 ont été pourvus au premier tour.

Parmi eux: Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition kidnappé le 25 mars alors qu’il était en campagne. A défaut de preuve formelle, tous les soupçons pèsent sur le groupe jihadiste d’Amadou Koufa. Des négociations secrètes sont menées pour sa libération, selon son parti.

« Soumaïla Cissé est un gros poisson qui pourra être échangé contre d’autres gros poissons emprisonnés », pense Bréma Ely Dicko, sociologue à l’Université de Bamako.

Ce rapt sans précédent n’avait pas dissuadé les autorités de s’en tenir au calendrier électoral, pas plus que l’officialisation, fortuitement simultanée, des premiers cas de contamination par le nouveau coronavirus. La campagne, déjà discrète, a dès lors disparu des débats, en dehors des affiches qui résistent à Bamako.

Le Mali a officiellement déclaré 171 patients et 13 décès. Ici comme ailleurs, l’inquiétude est grande quant à la capacité de faire face à une prolifération. Un couvre-feu nocturne a été institué, les écoles ont été fermées, des restrictions imposées aux activités.

Mais dans la capitale d’un des pays les plus pauvres de la planète dont une grande part de la population vit au jour le jour, les marchés, les mosquées, les transports en commun n’ont pas désempli.

« Ce n’est pas partout que les mesures contre le Covid-19 ont été appliquées » au premier tour, rapporte M. Sangho.

Le président malien a pris l’engagement que « toutes les mesures sanitaires et sécuritaires requises (seront) rigoureusement appliquées » dimanche.