Les flux d’armes vers l’Afrique subsaharienne connaissent une transformation profonde. Tandis que la Russie et la Chine ont entre 2014 et 2018 dominé ce marché, de nouveaux acteurs émergent, modifiant ainsi les équilibres géopolitiques et les dynamiques régionales.
Une étude récente de l’Institut italien d’études politiques internationales (ISPI), s’appuyant sur les données du SIPRI, révèle une baisse significative des exportations d’armes russes de 44 % et chinoises de 23 % vers la région entre 2019 et 2023. Cette tendance est attribuable à plusieurs facteurs : les contraintes économiques liées à la guerre en Ukraine, les changements dans les relations internationales et les problèmes de chaîne d’approvisionnement.
La Chine, malgré cette baisse, reste le principal fournisseur d’armes de la région, dépassant la Russie depuis 2019. Son offre se diversifie, allant des armes légères aux technologies plus avancées comme les drones de combat. Toutefois, Pékin maintient un contrôle strict sur ses exportations d’armes les plus protégées, préservant ainsi son avantage militaire.
La Russie, quant à elle, voit ses exportations fortement réduites, en partie à cause de l’invasion de l’Ukraine qui a considérablement affaibli la position de Moscou. Des pays comme l’Angola, autrefois principal importateur d’armements russes en Afrique, l’Angola, sous la présidence de João Lourenço, a initié la production locale d’armes russes en 2019.
Cependant, en 2022, le pays a manifesté son intention de réduire sa dépendance aux armes russes, tout en désirant renforcer ses relations avec les États-Unis. Lourenço a exprimé cette volonté en invitant les États-Unis à collaborer sur le programme militaire angolais, marquant un écart avec la traditionnelle influence soviétique sur l’équipement militaire angolais. Pendant ce temps, malgré le retrait de certains pays, la Russie continue de fournir des armements dans des régions en conflit, comme au Soudan, au Mali et à l’Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar.
Transferts d’armes: de nouveaux acteurs sur la scène
Face à ce recul des deux géants, d’autres pays renforcent leur présence sur le marché africain des armes. L’Italie, les Émirats Arabes Unis et les États-Unis sont particulièrement actifs.
L’Italie, par exemple, de 2019 à 2023, a représenté 4,9 % des exportations d’armes vers la région. Il a conclu un important contrat avec le Nigeria, notamment pour la livraison de 24 avions de combat légers. Cette commande, combinée à des achats plus modestes par d’autres pays, pourrait faire de l’Italie le plus grand fournisseur d’armes du Nigeria et renforcer son classement en tant que fournisseur d’armes dans la région.
Il est aussi prévu que le Nigeria accroisse ses importations d’armements en provenance des États-Unis, particulièrement avec l’arrivée de douze hélicoptères de combat de pointe dans les années à venir. Cette expansion fait suite à l’assouplissement par les États-Unis des contraintes régissant les importations d’armes vers ce pays.
Les Émirats arabes unis, quant à eux, se sont positionnés comme un fournisseur de choix pour les pays d’Afrique de l’Est, en leur fournissant des véhicules blindés et d’autres équipements militaires. C’est le car du groupe Streit, un constructeur privé de véhicules blindés émirati disposant d’une usine en Ouganda, fournissant des véhicules à la République démocratique du Congo, au Mali, au Nigeria, au Soudan du Sud et au Soudan. Un autre constructeur émirati de véhicules blindés livre des armes au Tchad, à la RDC, à l’Éthiopie, à la Mauritanie, au Mozambique, au Rwanda et au Soudan.
Les conséquences de cette évolution sont multiples.
L’évolution du marché des armes a des répercussions significatives sur la dynamique géopolitique, en particulier en Afrique. Avec une diversification des fournisseurs d’armes, les pays africains bénéficient désormais d’une autonomie accrue, leur permettant de négocier des accords plus avantageux et de s’adapter aux changements rapides des besoins sécuritaires.
Cette indépendance vis-à-vis d’un unique fournisseur contribue à une meilleure capacité de réponse face aux défis tels que le terrorisme et la criminalité organisée. Par ailleurs, les accords d’armement ne sont pas seulement des transactions commerciales ; ils peuvent aussi tisser des liens politiques et économiques plus étroits entre les nations.
Cependant, cette situation alimente également une compétition stratégique entre grandes puissances désireuses d’étendre leur influence en Afrique, souvent par le biais de contrats d’armement. Cette compétition peut avoir des implications profondes, non seulement pour la sécurité régionale, mais aussi pour l’équilibre des pouvoirs au niveau international.
Les enjeux pour la stabilité régionale
Les flux d’armes entraînent des changements aux implications importantes pour la stabilité régionale. La prolifération des armes légères et de petit calibre ainsi que la présence de groupes armés non étatiques demeurent une menace sérieuse pour la sécurité en Afrique. Il est crucial d’instaurer des mécanismes efficaces de contrôle et de suivi des transferts d’armes pour prévenir les conflits et réduire les violences. Ces mesures sont essentielles pour maintenir la paix et la sécurité sur le continent.
En conclusion, le marché des armes en Afrique subsaharienne est en pleine mutation. La baisse des exportations russes et chinoises ouvre de nouvelles perspectives pour d’autres acteurs, mais aussi de nouveaux défis pour la stabilité régionale. Il est essentiel de suivre de près ces évolutions pour comprendre les enjeux géopolitiques et sécuritaires qui en découlent.