Le chef de l’Etat nigérien souligne la nécessité de l’alternance politique, seul préalable à la mise en oeuvre des principes démocratiques.
Mesdames, Messieurs,
En Afrique, le débat sur le constitutionnalisme pour la consolidation de la démocratie et le transfert pacifique du pouvoir se concentre surtout sur un point essentiel : celui de la limitation du nombre de mandats.
La question de la durée du mandat présidentiel et sa limitation n’est pas récente. Aux Etats Unis, la plus vieille démocratie représentative au monde, la constitution ne prévoyait au départ aucune limitation. Ce fut Georges Washington qui initia la tradition de la limitation à deux mandats, limitation qui n’a été formalisée par le 22eme amendement après quatre mandats de Franklin Delano Roosevelt.
En France la dernière limitation de mandat date du 23 juillet 2008. Rappelons que la constitution de la deuxième République Française celle de 1848 prévoyait l’élection du Président de la République pour un mandat de quatre ans et une réélection après un intervalle de quatre ans.
Le premier président élu pour un mandat de quatre ans qui ne pouvait être renouvelé qu’après une interruption de quatre ans, Louis Napoléon Bonaparte, tenta vainement de faire modifier la constitution. N’ayant pu aboutir à ses fins par les voies légales, il organisa un coup d’Etat et se proclama empereur sous le nom de Napoléon III. Cet exemple montre, comme beaucoup d’autres, que le pouvoir engendre la volonté de s’y maintenir. Par ailleurs il est évident que les détenteurs du pouvoir sont portés à en abuser et cela se vérifie d’autant plus que leur présence au pouvoir est longue. C’est dire que l’usure du pouvoir peut conduire au despotisme, au clanisme et à l’inefficacité.
Le peuple aspire au changement de manière périodique et la limitation de mandats lui offre cette opportunité. Est-ce pour cela que le système démocratique avec limitation de mandats du président de la république est le plus répandu dans le monde y compris en Afrique ? En effet, en Afrique, 35 pays limitent les mandats, 12 n’ont aucune limitation, six ont aboli la limitation et deux ont modifié la limitation. Mais la tendance, aujourd’hui, sur notre continent est donc à la limitation des mandats. C’est le lieu de rendre un hommage à un digne fils de l’Afrique, Nelson Mandela, qui malgré les pressions, a décidé de ne faire qu’un seul mandat alors qu’il était le mieux fondé à réclamer une présidence à vie.
Néanmoins, certains se posent les questions suivantes :
– Les droits de l’homme englobent-ils le droit à la réélection ? si oui quelles sont les limites de ce droit ?
– Les limitations de mandat restreignent-elles les droits de l’homme et les droits politiques des candidats à l’élection ?
– Les limitations de mandat restreignent-elles les droits de l’homme et les droits politiques des électeurs ?
– Quelle est la meilleure manière de modifier les limitations de mandat dans un Etat constitutionnel ?
La réponse à ces questions est donnée par l’histoire qui nous montre que les limitations de mandat renforcent à long terme les institutions démocratiques et contribuent à la passation pacifique du pouvoir car :
– Les dirigeants se sentent davantage obligés de produire des résultats pour laisser un héritage positif à leur successeur.
– Personne ne devient indispensable ;
– L’alternance démocratique peut se réaliser sans heurts ;
– De nouveaux dirigeants peuvent émerger ;
– Elle favorise la naissance d’une opposition responsable et conforte le rôle des partis politiques ; etc.
Ainsi, même si elles restreignent les possibilités de choix, les limitations de mandat garantissent l’exercice, à intervalles réguliers, d’une expression libre du peuple. Elles ont donc un caractère démocratique.
Mesdames Messieurs,
Permettez-moi de préciser que la limitation de mandat, qui a de loin ma préférence n’est pas une panacée et chaque pays doit adopter la formule qui s’adapte le mieux à sa situation particulière. En effet chaque pays a son histoire.
Par ailleurs, au-delà de la limitation de mandat présidentiel, nous avons le devoir de veiller à l’établissement d’institutions démocratiques fortes et crédibles. Nous devons veiller à la mise en œuvre de la bonne gouvernance politique et économique. C’est la condition pour que la démocratie puisse tenir sa promesse, celle du système politique le moins mauvais de tous les systèmes politiques. C’est la condition nécessaire pour que les institutions démocratiques soient fortes et comme l’a dit Barack Obama ancien président Américain, lors de son voyage au Ghana en 2009 « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions solides ».
Les institutions fortes, pour l’Afrique, sont celles qui sont fondées sur des principes démocratiques et qui sont conformes aux normes et standards généralement admis. Ces normes et standards proviennent de la déclaration universelle des droits de l’homme, de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples, des protocoles de l’union africaine et de la CEDEAO sur la prévention et la gestion des conflits ainsi que le protocole CEDEAO sur la bonne gouvernance et la démocratie.
Ce protocole réaffirme que toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes, et transparentes et que tout changement anticonstitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir. De même il précise qu’ « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques. »
Mesdames Messieurs,
Au Niger nous avons fait de la consolidation des institutions démocratiques une des huit priorités du programme de renaissance du Niger.
Gérer le pouvoir de manière démocratique, en garantissant les libertés, c’est-à-dire en tenant les promesses de notre constitution, promouvoir le dialogue politique à travers le Conseil National de Dialogue Politique, promouvoir la bonne gestion des affaires publiques, transformer le pays à travers la sécurité des personnes et des biens, la réalisation d’infrastructures, la mise en œuvre de l’initiative « 3N » « les Nigériens Nourrissent les Nigériens », le développement du capital humain à travers la promotion de l’éducation et de la santé, garantir l’accès à l’eau et offrir des emplois notamment aux jeunes, sont autant d’activités qui crédibilisent et consolident nos institutions. Les élections que nous organiseront dans un délai d’un an et demi les renforceront davantage. C’est mon ambition.
Ainsi que je l’ai affirmé à plusieurs reprises, je respecterai scrupuleusement les dispositions de la constitution de la République du Niger qui stipule en son article 47 « Le président de la République est élu au suffrage universel, libre, direct, égal et secret pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ou proroger le mandat pour quelque motif que ce soit. »
Je crois à la nécessité de l’alternance démocratique qui permet la respiration démocratique. La respiration démocratique favorise la stabilité des institutions. Par ailleurs je reste convaincu que la stabilité des institutions réside dans leur légitimité et leur légitimité résulte des élections libres et transparentes.
Mon désir le plus ardent est de passer le pouvoir en 2021 à un successeur démocratiquement élu, ce sera ma plus belle réalisation, ce sera une première dans l’histoire de notre pays depuis son accession à l’indépendance.
En vous souhaitant pleins succès, je déclare ouvert les travaux du forum sur le constitutionnalisme pour la consolidation de la démocratie et le transfert pacifique du pouvoir en Afrique.
Je vous remercie.