Niger : Orano face à la tempête judiciaire après une perquisition musclée à Niamey
Niamey, 13 mai 2025 – Dans les rues poussiéreuses de la capitale nigérienne, un bras de fer aux accents géopolitiques secoue le géant français de l’uranium, Orano. en effet, ce mardi, l’entreprise, anciennement connue sous le nom d’Areva, a brandi l’arme judiciaire, déposant une plainte retentissante auprès du procureur de la République du Niger. En cause : une perquisition musclée, survenue le 5 mai, dans les bureaux de ses filiales Somair, Cominak, Imouraren SA et Orano Mining Niger à Niamey. Cette opération, menée par les forces de sécurité nigériennes, s’est soldée par la saisie de matériel informatique, l’interrogatoire des dirigeants et, surtout, l’arrestation présumée d’Ibrahim Courmo, directeur d’Orano Mining Niger, conduit vers les locaux de la Direction Générale de la Documentation et de la Sécurité Extérieure (DGDSE). Un épisode qui cristallise les tensions entre Niamey et l’ancienne puissance coloniale, sur fond de souveraineté et de ressources stratégiques.
Perquisition musclée et arrestation présumée : le coup de filet nigérien contre Orano
Le 5 mai, les bureaux d’Orano à Niamey, d’ordinaire discrets, ont été le théâtre d’une intervention spectaculaire. Selon des sources concordantes, des agents nigériens ont investi les locaux des filiales Somair, Cominak, Imouraren SA et Orano Mining Niger, confisquant ordinateurs et téléphones portables. Les directeurs généraux ont été interrogés sur place, dans une atmosphère tendue. Mais c’est l’issue de cette opération qui a fait basculer l’affaire dans une crise ouverte : Ibrahim Courmo, figure clé d’Orano au Niger, aurait été emmené vers la DGDSE, où toute communication avec lui demeure impossible à ce jour. « Une arrestation arbitraire, une détention illégale », dénonce Orano dans un communiqué cinglant, fustigeant une intervention « sans cadre légal ni motifs établis ».
Ce raid intervient dans un contexte de relations délétères entre Orano et le gouvernement nigérien, dirigé par le Général Abdourahamane Tiani depuis le coup d’État de juillet 2023. En décembre 2024, Niamey avait déjà saisi le contrôle opérationnel de la mine de Somair, dont Orano détient 63,4 %, marquant un point de rupture. La révocation, en juin 2024, de la licence d’exploitation de l’immense gisement d’Imouraren, l’un des plus grands au monde, avait également sonné comme un avertissement. Ces décisions s’inscrivent dans une volonté affirmée du Niger de reprendre la main sur ses ressources naturelles, l’uranium en tête, qui représente une manne stratégique pour le pays, septième producteur mondial.
La riposte judiciaire d’Orano : des tensions exacerbées par les décisions de Niamey
Pour Orano, présent au Niger depuis plus de cinq décennies, cette perquisition est un coup dur. L’entreprise, qui a extrait des dizaines de milliers de tonnes d’uranium des mines de Somair et Cominak (fermées en 2021 après épuisement des réserves), voit son avenir dans le pays s’assombrir. « Nous sommes indignés par ces méthodes », a déclaré un porte-parole d’Orano, soulignant l’absence de transparence dans l’opération du 5 mai. En réponse, la firme a engagé des poursuites judiciaires au Niger, tout en maintenant plusieurs arbitrages internationaux contre l’État nigérien, lancés après la perte de contrôle de ses filiales en décembre 2024.
Cette escalade judiciaire reflète un divorce profond avec Niamey, exacerbé par le virage anti-français du régime militaire. Depuis le coup d’État, les relations entre la France et le Niger se sont effondrées .L’uranium, vital pour l’industrie nucléaire française, est devenu un symbole de cette lutte d’influence. Alors que des puissances comme la Russie et la Turquie lorgnent les gisements nigériens, Orano se retrouve dans une position précaire, coincé entre impératifs économiques et pressions géopolitiques.
La quête de souveraineté : le Niger affirme son autorité face au géant de l’uranium
Du côté nigérien, l’opération du 5 mai est perçue comme une affirmation d’autorité. « Le Niger ne sera plus une vache à lait pour les multinationales », martèle un cadre proche du pouvoir, sous couvert d’anonymat. Les autorités reprochent à Orano des décennies d’exploitation jugée inéquitable, marquée par des revenus modestes pour l’État (environ 170 milliards de FCFA entre 2016 et 2020, selon un document présidentiel) et des impacts environnementaux dénoncés par les communautés locales d’Arlit. La saisie du matériel et l’arrestation de Courmo pourraient ainsi viser à faire pression sur Orano, voire à accélérer son départ.
Pourtant, ce bras de fer judiciaire n’est pas sans risques. Le Niger, l’un des pays les plus pauvres au monde, dépend encore des revenus de l’uranium, et la transition vers de nouveaux partenaires, comme la Russie ou la Turquie, reste incertaine. Rosatom, le géant nucléaire russe, a déjà entamé des discussions pour reprendre les actifs d’Orano, selon des sources proches du dossier, tandis qu’Ankara a signé un protocole minier en octobre 2024. Ces manœuvres signalent un basculement géopolitique, où Niamey cherche à diversifier ses alliances tout en affirmant sa souveraineté.
Un duel aux enjeux mondiaux : risques, nouvelles alliances et avenir incertain de l’uranium nigérien
À Niamey, le silence des autorités face à la plainte d’Orano contraste avec la ferveur des réseaux sociaux, où certains saluent une « revanche » contre l’ancien colonisateur. « La France a pillé notre uranium pendant des décennies, il est temps de rendre des comptes », écrit un internaute sur X. Mais au-delà de la rhétorique, cette crise pose des questions cruciales : le Niger parviendra-t-il à valoriser ses ressources sans aliéner ses partenaires historiques ? Et Orano, pris dans la tourmente, pourra-t-il préserver ses intérêts dans un Sahel en pleine recomposition ?
En somme, l’avenir d’Orano au Niger semble suspendu à un fil. Cette perquisition, loin d’être un simple incident, est un chapitre brûlant d’une saga dans laquelle se jouent la souveraineté, la richesse et le pouvoir. Dans ce duel entre un géant de l’uranium et un État décidé à reprendre son destin en main, chaque geste compte, chaque mot pèse. Et à Niamey, le monde observe, attentif.