Niger- Sous-régions Archives - Journal du niger

Un vent nouveau dans les couloirs de la diplomatie ouest-africaine

Dans le théâtre mouvant des relations internationales en Afrique de l’Ouest, un acte significatif vient de se jouer : Gildas Agonkan Habib a été officiellement investi du titre d’Ambassadeur du Bénin auprès du Burkina Faso. Une décision qui ne se contente pas de remplir une case administrative, mais qui dessine les contours d’une ambition plus vaste : tisser des liens plus étroits entre Cotonou et Ouagadougou. Validée par le Conseil des ministres burkinabè, sous la houlette du Capitaine Ibrahim Traoré, cette nomination s’accompagne d’une particularité remarquable : Agonkan, déjà en poste comme Ambassadeur au Niger depuis juin 2023, portera désormais deux casquettes diplomatiques depuis son siège à Niamey.

Une toile diplomatique en recomposition

Par ailleurs, le choix d’unir sous une même autorité les relations avec le Burkina Faso et le Niger n’est pas anodin. Ces deux nations, voisines du Bénin, partagent avec lui des frontières poreuses et des défis communs, qu’il s’agisse de sécurité ou de dynamiques économiques. Si les relations entre le Bénin et le Burkina Faso ont toujours oscillé entre pragmatisme et prudence, cette nomination semble insuffler une volonté de dépasser les simples échanges de courtoisie pour ancrer une coopération plus tangible. Dans un contexte régional où les équilibres politiques vacillent, cette décision pourrait bien être une réponse aux impératifs d’une solidarité renforcée.

Gildas Agonkan Habib : un homme taillé pour l’épreuve

Gildas Agonkan Habib n’arrive pas en novice dans cette arène. Sa désignation comme Ambassadeur au Niger, il y a un peu plus d’un an, a déjà révélé sa capacité à manœuvrer dans des eaux troubles. Fort de cette expérience, il est aujourd’hui un artisan aguerri, capable de décrypter les subtilités des contextes nationaux tout en défendant les intérêts béninois. De plus, sa nomination au Burkina Faso témoigne de la confiance que les autorités de Cotonou placent en lui pour orchestrer une partition diplomatique à deux voix, un exercice d’équilibre qui exigera autant de finesse que de fermeté.

Gildas Agonkan Habib : un double mandat, un défi singulier

Exercer simultanément ses fonctions depuis Niamey, à des centaines de kilomètres de Ouagadougou, n’est pas une mince affaire. Le Burkina Faso, sous la direction du Capitaine Traoré, traverse une période de mutations profondes, marquée par des choix politiques audacieux et une quête d’autonomie régionale. Le Niger, de son côté, évolue dans une sphère distincte, avec ses propres enjeux. Agonkan devra donc faire preuve d’une agilité rare, jonglant entre des priorités parfois divergentes tout en maintenant une cohérence dans la voix du Bénin. Cette configuration inédite pourrait toutefois se muer en atout : en centralisant ses efforts, il pourrait devenir un pivot, un point de convergence pour des initiatives trilatérales.

Vers un horizon partagé ?

Les Béninois attendent beaucoup de cet ambassadeur. On espère qu’il préservera la stabilité des relations bilatérales et ouvrira de nouvelles perspectives, comme un dialogue accumulé sur la sécurité transfrontalière ou des projets économiques communs. Cependant, de nombreux obstacles se dressent sur son chemin : les différences de tempo entre les deux nations, les pressions internes et externes et la distance physique. Mais ce défi recèle une opportunité : l’ambassadeur peut créer un modèle diplomatique audacieux, où l’optimisation des ressources décuple l’impact.

Alors que Gildas Agonkan Habib entame son périple, une interrogation se pose : cette double mission pourrait-elle, au lieu d’être une contrainte, devenir le moteur d’une diplomatie ouest-africaine renouvelée, où la coopération dépasse les frontières ?

 

Une « Rue des Étoiles » pour célébrer l’excellence africaine à Ouagadougou

Samedi, la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou, s’est parée de lumière et de mémoire avec l’inauguration officielle de la « Rue des Étoiles ». Nichée le long de l’emblématique Avenue Kwame N’Krumah, cette nouvelle artère symbolique rend un vibrant hommage à 140 figures marquantes du Burkina Faso et du continent africain. En effet, parmi elles, des noms résonnent avec force : Thomas Sankara, icône révolutionnaire burkinabè, les légendes du football Didier Drogba, Samuel Eto’o et Sadio Mané, ainsi que d’autres personnalités ayant brillé dans des domaines aussi variés que la politique, le sport, le cinéma ou encore la littérature.

Inaugurée le 22 février 2025 à Ouagadougou, la « Rue des Étoiles » sur l’Avenue Kwame N’Krumah célèbre 140 figures africaines,

La « Rue des Étoiles » : un hommage gravé dans la pierre

Par ailleurs, la « Rue des Étoiles » n’est pas une simple voie urbaine. Elle se distingue par ses 140 stèles commémoratives, chacune érigée pour célébrer une trajectoire exceptionnelle. Politiciens visionnaires, athlètes aux palmarès impressionnants, cinéastes audacieux, écrivains inspirés : cet espace se veut une ode à l’excellence africaine et à son rayonnement mondial. En choisissant l’Avenue Kwame N’Krumah, baptisée en l’honneur du père du panafricanisme et premier président du Ghana, le Burkina Faso ancre ce projet dans une vision d’unité et de fierté continentale.

En plus, l’initiative, portée par l’Académie des arts cinématographiques africains et de la diaspora, plus connue sous le nom d’Académie des Sotigui, dépasse le simple geste symbolique. Elle aspire à immortaliser les contributions de ces figures dans la conscience collective, tout en inspirant les générations futures. « C’est une manière de dire au monde que l’Afrique a des héros, des modèles, et qu’ils méritent d’être célébrés chez nous, sur notre sol », a souligné un représentant de l’Académie lors de la cérémonie.

Des étoiles aux parcours inspirants

En outre, parmi les personnalités honorées, Thomas Sankara occupe une place particulière. Ancien président du Burkina Faso, assassiné en 1987, il reste une figure tutélaire pour le pays et au-delà, incarnation d’un leadership intègre et visionnaire. Son inclusion dans cette « Rue des Étoiles » résonne comme une reconnaissance éternelle de son combat pour la souveraineté et la dignité africaines.

Le sport, vecteur universel de fierté, est également à l’honneur.

Didier Drogba, l’attaquant ivoirien qui a conquis l’Europe avec Chelsea, Samuel Eto’o, l’avant-centre camerounais au palmarès inégalé, et Sadio Mané, l’ailier sénégalais, champion d’Afrique en titre, voient leurs noms gravés aux côtés d’autres gloires. Ces athlètes, au-delà de leurs exploits sur les terrains, incarnent la persévérance et la capacité de l’Afrique à briller sur la scène mondiale.

Mais la « Rue des Étoiles » ne se limite pas aux politiques et aux sportifs. Des cinéastes, des écrivains et d’autres artisans de la culture y trouvent aussi leur place, reflétant la diversité des talents qui façonnent l’identité africaine. Ce projet ambitieux, pensé comme un « Walk of Fame » à l’africaine, s’inscrit dans une démarche de réappropriation de l’histoire et de valorisation des réussites locales.

Inaugurée le 22 février 2025 à Ouagadougou, la « Rue des Étoiles » sur l’Avenue Kwame N’Krumah célèbre 140 figures africaines,

La « Rue des Étoiles » : Un symbole d’unité et d’ambition

L’inauguration, qui s’est tenue ce samedi sous les regards de dignitaires, d’artistes et de citoyens enthousiastes, a marqué les esprits. Pour beaucoup, cette rue n’est pas seulement un lieu de mémoire, mais aussi un appel à l’action. En célébrant ceux qui ont porté haut les couleurs de l’Afrique, le Burkina Faso invite ainsi ses habitants, et plus largement les Africains, à rêver grand et à écrire les prochaines pages d’une histoire glorieuse.

En somme, la « Rue des Étoiles » se dresse désormais comme un point de repère à Ouagadougou, un espace où l’on vient se recueillir, s’inspirer ou simplement admirer. À travers ce projet, l’Académie des Sotigui pose une pierre dans l’édifice d’une Afrique fière de son passé, confiante en son avenir et déterminée à honorer ses étoiles, qu’elles brillent dans le ciel ou sur la terre ferme.

Libye : arrestation de Mahmoud Salah, figure clé de la rébellion nigérienne, à Gatrun

Gatrun, 24 février 2025 Le dimanche matin, dans la ville désertique de Gatrun, située dans le sud de la Libye, Mahmoud Salah, président du Front Patriotique de Libération (FPL), a été appréhendé par les forces de l’unité 87 de l’Armée Nationale Libyenne (ANL). Selon des sources proches du mouvement rebelle et des témoignages libyens, cette arrestation marque un tournant dans la traque de ce chef rebelle nigérien, connu pour son opposition farouche au régime militaire en place à Niamey depuis le coup d’État du 26 juillet 2023. Les forces de l’unité 87 de l’ANL ont également capturé plusieurs membres influents du FPL, créé dans la foulée de ce putsch, lors de cette opération.

Mahmoud Salah : du juriste au leader rebelle

Mahmoud Salah, juriste de formation et natif de la région pétrolifère du Kawar au Niger, s’est imposé ces dernières années comme une figure incontournable de la dissidence armée. Ancien leader de l’Union des Forces Patriotiques et Révolutionnaires (UFPR), il avait transformé ce mouvement en FPL après le renversement du président nigérien Mohamed Bazoum par le général Abdourahamane Tiani et son Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). Revendiquant un retour à l’ordre constitutionnel et la libération de Bazoum, toujours retenu captif avec son épouse à Niamey, Salah a multiplié les actions audacieuses, dont le sabotage d’un oléoduc stratégique reliant le Niger au Bénin en juin 2024. Cette opération spectaculaire avait mis en lumière la capacité de nuisance de son groupe, composé principalement de combattants toubous, une ethnie saharienne à cheval entre le Niger, le Tchad et la Libye.

La traque intense de l’ANL aboutit à Gatrun.

L’arrestation à Gatrun, une localité reculée proche de la frontière nigéro-libyenne, intervient après des mois de pression croissante sur le FPL. Affaibli par des défections, notamment celle de son porte-parole Idrissa Madaki, qui s’est rendu aux autorités nigériennes en novembre 2024, le mouvement de Salah semblait en perte de vitesse. Les autorités de Niamey, en collaboration avec des forces libyennes loyales au maréchal Khalifa Haftar, auraient intensifié leur chasse à l’homme dans cette zone poreuse, théâtre de trafics et d’activités rebelles. L’unité 87 de l’ANL, une brigade d’intervention rapide réputée pour ses opérations dans le sud libyen, aurait agi sur des renseignements précis, capturant Salah et ses lieutenants dans un raid matinal.

Les réactions divergentes face à l’arrestation de Salah

« C’est une victoire significative pour la stabilité régionale », a déclaré un officier libyen sous couvert d’anonymat, soulignant les liens supposés du FPL avec des « mercenaires étrangers » et un « pays voisin » — une allusion probable au Tchad ou à des soutiens extérieurs non identifiés. Du côté nigérien, cette arrestation pourrait conforter le régime militaire, qui fait face à une montée des tensions internes et externes, entre insurrections rebelles et menaces jihadistes dans le nord du pays.

Le sort incertain de Mahmoud Salah et les défis régionaux

Pourtant, l’avenir de Mahmoud Salah reste incertain. Déchu « provisoirement » de sa nationalité nigérienne en novembre 2024, aux côtés de sept autres figures liées à l’ancien régime de Bazoum, il est accusé par Niamey d’« actes terroristes » et d’« intelligence avec une puissance étrangère ». Son extradition vers le Niger, réclamée par le CNSP, pourrait toutefois se heurter à la complexité des relations entre Tripoli et l’est libyen, contrôlé par Haftar, où les rivalités politiques et les agendas locaux prédominent. « Mahmoud reste un symbole pour beaucoup au Niger. » « Ils scruteront de près son sort, » confie une source proche des cercles toubous.

Cette opération relance également les débats sur la porosité des frontières sahéliennes et le rôle de la Libye comme refuge ou base arrière pour les mouvements armés. Alors que le FPL perd son chef, d’autres groupes pro-Bazoum, comme le Front Patriotique pour la Justice (FPJ), pourraient chercher à combler le vide, dans un contexte dans lequel la paix au Niger semble encore hors de portée. À Gatrun, sous le ciel aride du Fezzan, l’arrestation de Salah résonne comme un coup dur pour la rébellion, mais aussi comme un rappel des défis persistants d’une région fracturée.