Le président français se rend ce vendredi au Tchad pour assister aux obsèques du président Idriss Deby dont la mort a été annoncée mardi matin. C’était le meilleur allié militaire de la France en Afrique.Toute mort attriste, fut-elle celle d’un homme sur lequel les futurs chroniqueurs qui raconteront sa vie oublieraient difficilement de souligner qu’il était tout sauf un enfant de cœur: Idriss Deby, 68 ans dont 30 à la tête du Tchad grâce, en grande partie aux armes et à la force.
La mort annoncée mardi 20 avril d’Idriss Deby Itno a affecté beaucoup de monde. Au Tchad, en Afrique mais aussi en France, l’ancienne puissance coloniale qui perd ainsi celui qui était, sans aucun doute son « meilleur soldat africain ». .
Cette proximité exceptionnelle entre Paris et l’ancien officier stagiaire des écoles miliaires françaises, explique d’ailleurs la promptitude avec laquelle l’Elysée a annoncé le déplacement d’Emmanuel Macron, ce vendredi 23 avril, aux obsèques nationales du défunt président tchadien.
Né voici 68 ans environ dans une famille modeste de bergers, Bidayat – un sous-groupe du clan des Zaghawa, à cheval entre le Tchad et le Soudan – Idriss Déby se lie à la France alors qu’il n’était encore qu’un obscur officier africain envoyé dans les années 1980 pour un banal stage dans une école militaire de l’hexagone. Remarqué par les «africanistes» de l’état-major français, il est alors coopté pour être l’œil de Paris au Tchad. De retour dans son pays, les conseillers français, qui avaient la haute main sur l’armée du président Hissène Habré, l’appuient pour obtenir le poste de numéro deux de l’armée, derrière son cousin Hassan Djamous, un autre «homme de la France».
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Accusés de tentative de coup d’Etat, les deux hommes s’enfuient en avril 1989 vers le Soudan, où seul Déby parvient à s’installer, Djamous ayant été rattrapé dans sa fuite par les hommes du président Habré avant d’être ramené dans la capitale puis exécuté.
Au Soudan, Idriss Déby crée le Mouvement patriotique du salut (MPS), essentiellement composé de Zaghawas mais ouvert à d’autres groupes ethniques dont les Arabes et les Hadjéraïs, mais aussi les Saras du Sud, tous en mauvais termes avec le régime d’Hissène Habré. L’officier déserteur voyage: Tripoli, Lomé, Ouagadougou et Paris. Quand, en novembre 1990, il lance ses colonnes sur les provinces de l’est du pays, c’est à peine s’il rencontre des adversaires. Suréquipé par les Libyens et bien conseillé en secret par des experts français, il entre victorieux à N’djamena le 1er décembre.
Prisons vidées, liberté d’expression autorisée: les premiers mois de pouvoir d’Idriss Déby se déroulent dans l’euphorie. Mais très vite, l’ancien chef de guerre installe à son tour un régime autoritaire, où malgré l’instauration du multipartisme en 1993, le pouvoir, ses attributs et ses fruits sont confisqués par la petite minorité de partisans et proches chef du de l’Etat.
C’est dans ce contexte que les forages entrepris dans le sud par des compagnies américaines révèlent l’existence d’importants gisements de pétrole, dont l’exploitation en 2003 est censée assurer au Tchad un quart de siècle de confort. Mais au lieu de servir à renforcer la cohésion du clan Déby, l’arrivée de cette manne va au contraire nourrir les rivalités au sein de l’entourage proche du chef de l’Etat qui va connaître ses premières fissures graves.
Deux événements vont précipiter les déchirures au sein du clan Déby. Le premier est le conflit au Darfour: la rébellion soudanaise étant en grande partie composée de Zaghawas, beaucoup de proches du président tchadien ne lui ont jamais pardonné sa réticence à venir au secours des «frères» soudanais qu’ils estiment victimes de la répression du régime de Khartoum et ses milices janjawids. Ils sont donc entrés en dissidence.
Le second événement est la révision de la Constitution pour qu’Idriss Déby puisse briguer un troisième mandat – il a été élu en 1996 et réélu en 2001. Elle signifie pour d’autres membres du clan qu’Idriss Déby prépare une présidence à vie, ce qui aboutirait à terme à leur mise à l’écart du pouvoir alors qu’ils y étaient jusqu’ici associés au nom d’un supposé pacte de collégialité ou de solidarité.
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La première fissure qui lézarde le mur du clan éclate en mai 2004. Des gardes zaghawas tentent d’assassiner leur cousin Idriss Déby dans son palais. Ils échouent et sont arrêtés. En octobre 2005, un second coup, cette fois plus rude, est porté au cœur du système. Après avoir essayé de tuer le chef de l’Etat,, plusieurs de ses proches dont une bonne partie des chefs de la garde présidentielle ainsi que ses deux hommes de confiance, les frères, Tom et Timan Erdimi, ses neveux, fuient vers le Soudan où ils créent le Socle pour le changement, l’unité nationale et la démocratie (Scud).
A la différence du Front uni pour le changement (FUC) – allié du Soudan et auteur le 13 avril 2006 d’un assaut sur N’Djamena qui a failli sonner la fin du régime Déby -, auquel manque l’atout déterminant d’un appui d’une grande puissance, le Scud avait alors d’une bonne presse à Washington. Un argument qui fait peur autant à Idriss Déby qu’à la France, ancienne puissance coloniale et protectrice du régime de Ndjamena. Déjà absents de l’exploitation du pétrole tchadien, les français ne pouvaient guère voir d’un bon œil l’arrivée d’un régime qui ne jouerait pas dans son camp, surtout dans un pays central de son dispositif militaire et diplomatique d’Afrique.
Scud, Fuc ou encore les différentes coalitions de rebelles qui prennent les relais, aucun adversaire armé ne parvient à défaire l’homme fort de Ndjamena. Éternel victorieux, Idriss Deby Itno ne l’aurait sans doute pas été si, à chaque fois, l’ancienne puissance coloniale qui dispose d’une base militaire dans la capitale et d’une autre à Abéché, dans l’est, n’avait envoyé ses avions intercepté les assaillants ou conseillé et armer discrètement son armée.
Un bon « guerrier » comme il aime se présenter, étant aussi un homme d’honneur, Idriss Deby n’hésite pas une seconde quand ses amis français sollicitent son aide à la veille du déclenchement de l’opération Serval en janvier 2013 au Mali. Paris mobilise alors’ d’immenses moyens humains et logistiques pour intervenir au Mali. Mais’la France a besoin d’hommes supplémentaires, de préférence issue des armées de la région. Le Tchad envoie immédiatement pres de 2000 soldats. Ils vont se révéler décisifs Cpi cours de plusieurs batailles.
Quatre ans plus tard, Idriss Deby récidive. Le Niger et le Cameroun, deux pays importants pour la France, sont menacés par les islamistes basés au Nigeria, de Boko Haram. Les incursions jihadistes dans ces deux pays se multiplient. Le Tchad est aussi touché. Il perd plusieurs soldats. L’homme fort de Ndjamena envoie plusieurs unités qui infligent de lourdes pertes aux islamistes, parfois sous son commandement personnel. Ce qui lui vaut d’ailleurs d’être élevé en août dernier à une dignité, au souvenir pourtant funeste dans cette partie du monde, de… « Maréchal » par une session spéciale de l’Assemblée nationale.
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Juste avant sa mort en début de semaine, armes à l’a man, face aux combattants du FACT (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad), cette rébellion partie de Libye le 11 avril dernier, jour où Idriss Deby sollicitait un sixième mandat qu’elle voulait empêcher, il volait encore au secours d’un voisin. 1200 de ses soldats viennent d’être déployés au Niger pour chasser les jihadistes de la zone des trois frontières entre ce pays, le Burkina et le Mali.
Une grande partie de ce corps expéditionnaire étant issu des soldats d’élite de la puissante garde présidentielle, son chef n’est autre que Mahamat Idriss Deby Itno, fils du président défunt. Actuellement général quatre étoiles, 37 ans, c’est lui qui a succédé à son père après que l’armée a pris le pouvoir, mardi, et l’a désigné comme président d’un Comité militaire de transition (CMT). Il est censé organiser dans un délai de 18 mois un processus politique pour un retour à des institutions élues.
Ce vendredi 23 avril, c’est lui qui va donc présider la cérémonie d’hommage à son père prévue dans la capitale N’djamena, en présence de nombreux chefs d’Etat dont le français. Emmanuel Macron. C’est lui qui va aussi diriger le rapatriement de la dépouille paternelle à Am Djarass pour être enterrée dans le cimetière familial situé dans ce village non loin du Soudan.
À N’djamena, parmi les témoignages qui y seront prononcés, celui d’Emmanuel Macron est, sans doute, le plus attendu. Sera t-il juste le plus touchant ou audacieusement tranchant ?