La Côte d’Ivoire, cible récemment de deux attaques jihadistes dans le nord, illustre les ambitions des groupes islamistes armés basés au Sahel d’étendre leur champ d’action aux pays du Golfe de Guinée.C’était dans la nuit du 28 au 29 mars. Ce soir-là, des hommes armés ont attaqué deux positions de l’armée ivoirienne situées à la frontière avec le Burkina Faso. C’était dans les localités de Kafolo et Kolobougou. Ces attaques opérées de manière simultanée ont occasionné six morts et plusieurs blessés. Parmi les personnes tuées : trois soldats et trois assaillants. Un peu moins d’un an auparavant, le 11 juin 2020, un assaut djihadiste, le premier survenu en Côte d’Ivoire, a fait une dizaine de morts chez les militaires ivoiriens déjà à.…Kafolo.
La première de ces nouvelles attaques jihadistes en territoire ivoirien, a eu lieu dans cette même localité de Kafolo, près de la ville de Kong, dans le Nord-Ouest. L’attaque a eu lieu entre minuit et 1 heure du matin. Une soixantaine d’hommes lourdement armés, venus du Burkina Faso, ont alors ouvert le feu sur un poste avancé de l’armée, faisant deux soldats tués et quatre blessés.
Dans les combats, les assaillants perdront trois hommes. Quatre autres seront interpellés, selon l’Etat-major général des armées de Côte d’Ivoire, qui affirme que du matériel (armement, radio, munitions et motos) a été saisi.
L’armée régulière a, au bout d’une heure de combat intense, repoussé les assaillants. Ensuite, s’en est suivie une opération militaire de ratissage sur le terrain pour rechercher les assaillants en fuite ainsi que leurs éventuels complices.
La deuxième attaque est survenue à Kolobougou, à 60 Km au nord-ouest du département de Téhini, faisant frontière avec le Burkina Faso où un poste de la gendarmerie a été pris d’assaut.
Selon une note de l’Etat-major des armées de Côte d’Ivoire, « un gendarme ivoirien a été tué et un autre blessé ». Aucune victime cependant n’a été enregistrée du côté des auteurs de l’attaque sur ce poste-frontière.
L’assaut contre ce poste de gendarmerie à Kolobougou a eu lieu entre « 2 h et 3h du matin », a indiqué à APA une source locale, rapportant que « les populations actuellement sont gagnées par la frayeur et ne peuvent pas sereinement aller dans leurs champs et vaquer à leurs occupations ».
Les postes sont sous surveillance de l’armée ivoirienne dans la localité et la présence des militaires venus en renfort fait que les riverains ont un peu peur, poursuit cet habitant de la région qui a requis l’anonymat.
La Côte d’Ivoire dans le viseur des djihadistes
« Ces attaques dénotent du fait que la Côte d’Ivoire est clairement dans le projet expansionniste des groupes terroristes », analyse Lacina Diarra, spécialiste des questions de sécurité dans la région Sahel-Sahara. Les jihadistes « veulent se créer un sanctuaire au niveau de la zone frontalière entre le Burkina-Faso, le Mali et la Côte d’Ivoire », explique cet expert ivoirien, confortant une thèse soutenue récemment par le chef du renseignement extérieur français, Bernard Emié.
Lors d’une réunion consacrée au contre-terrorisme tenue début février sur la base aérienne d’Orléans, en France, le patron des 7.000 espions et analystes français de la DGSE avait prévenu qu’il fallait se préparer à la fois des attentats des grande ampleur et l’expansion jihadiste vers les pays du golfe comme la Guinée, la Côte d’Ivoire ou le Bénin.
Pour une grande partie des experts en sécurité, pour mieux se préparer à contrer une telle éventualité, le gouvernement ivoirien doit s’atteler rapidement « à casser la chaîne de recrutement, développer des stratégies transnationales tout en impliquant les communautés et la société civile ».
Opération « frontières étanches »
Suite à la première attaque survenue l’année dernière à Kafolo, le gouvernement ivoirien a adopté un décret portant création d’une « Zone opérationnelle Nord » qui s’étend dans les régions situées sur les frontières entre la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina Faso.
Cette « Zone opérationnelle Nord » vise à passer de la phase de surveillance des frontières à une posture défensive avec une importante capacité de réversibilité en mission offensive en vue d’empêcher toute infiltration de ces groupes armés sur le sol ivoirien.
Avec un commandement unique pour les opérations militaires et celles relevant de la défense du territoire, l’Etat ivoirien veut permettre à l’ensemble des forces de défense et de sécurité d’avoir une rapide réactivité sur les missions au niveau des frontières.
Visite aux troupes
Le chef d’Etat-major général des armées, le général de corps d’armée Lassina Doumbia, a d’ailleurs effectué, lundi 31 mars, une visite aux troupes, en compagnie du commandant supérieur de la gendarmerie, le général de corps d’armée Apalo Touré. « Je voudrais vous féliciter, vous dire nos encouragements, vous adresser nos condoléances et vous dire que vous avez été braves, au vu des circonstances et des efforts que vous avez faits, on ne peut que vous le reconnaître », a dit le général Lassina Doumbia à ses hommes, à Kafolo.
« À mon avis, de par mon expérience, en combat de nuit alors qu’on est surpris, perdre deux hommes, c’est que vous êtes bons (soldats), vous savez vous battre parce que la nuit, quand on voit quelqu’un passer, on ne sait pas si c’est son ami ou c’est son ennemi. Entre nous-mêmes, on peut s’allumer parce que c’est compliqué », a-t-il ajouté.
Pour sa part, le commandement supérieur de la gendarmerie, a demandé aux soldats « d’avoir de la réaction », car « il faut être prêt à utiliser son arme », a-t-il martelé.