Les critiques pleuvent sur le gouvernement japonais, accusé de ne pas avoir pris de dispositions radicales à temps pour endiguer la propagation du coronavirus sur le paquebot Diamond Princess où la première période de quarantaine prend en théorie fin mercredi.
Les 3.711 personnes embarquées sur ce navire battant pavillon britannique avaient été mises en quarantaine au large du Japon le 5 février, après que le coronavirus eut été détecté sur un passager qui avait été débarqué à Hong Kong.
Sur le papier, les règles étaient claires: les passagers étaient confinés dans les cabines, sauf pour de brèves sorties sur le pont, avec port de masques et évitement de contact.
Mais, outre que plusieurs ont dénoncé des comportements inappropriés (certains discutaient sans masque ou fumaient sur le pont), des doutes ont vite surgi quant à l’efficacité des dispositions prises.
En quelques jours, des tests ont répertorié plusieurs centaines de personnes porteuses du virus. Mardi, 542 cas avaient été signalés alors même que tous les résultats n’étaient pas connus.
Quant aux membres d’équipage, ils n’ont pas été placés à l’isolement, partageant les espaces de travail et de vie, les salles de bains, en portant simplement des masques et des gants lors de l’interaction avec les passagers (distribution de repas, de serviettes, de journaux, etc.)
– La « peur » d’un spécialiste –
Au moins deux représentants du gouvernement ont eux-mêmes présenté des tests positifs au virus après avoir travaillé sur le navire.
La critique la plus vive, faite sur un ton direct extrêmement rare au Japon dans les milieux officiels ou universitaires, est venue d’un expert japonais. Pour Kentaro Iwata, professeur à la division des maladies infectieuses de l’Université de Kobe interrogé par l’AFP, la mise en quarantaine à bord du navire est « un échec majeur, une erreur » et justifie le « scepticisme » de l’étranger.
« J’ai été en Afrique pour traiter l’épidémie d’Ebola. J’ai été dans d’autres pays pour le choléra, en Chine en 2003 pour m’occuper du Sras (…) Jamais je n’ai eu peur d’être moi-même infecté », assène-t-il par ailleurs dans une vidéo en anglais où il dit avoir eu « peur » et qualifie tout ce qu’il a vu sur le bateau de « chaotique ».
Des responsables japonais ont cependant défendu cette approche, dont Shigeru Omi, ancien chef régional de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui conseille le gouvernement et selon qui la quarantaine a « un effet très positif » sur la réduction des infections.
« Nous pensons que la majorité des infections se sont produites avant la date à laquelle les mesures de quarantaine ont commencé », a-t-il déclaré aux journalistes.
Cela ne semble pas avoir convaincu les gouvernements des Etats-Unis, de Corée du Sud, d’Italie, du Canada ou encore d’Australie qui ont décidé d’évacuer leurs citoyens.
Plus de 300 Américains ont été rapatriés et plus de 200 Canadiens devraient suivre sous peu.
Nancy Messonier, une fonctionnaire du Centre de contrôle des maladies des États-Unis, a déclaré aux journalistes que « les données provenant du Japon suggèrent qu’il existe un risque plus élevé parmi les personnes à bord du navire ».
Les salves de reproche ont placé les responsables japonais sur la défensive.
– Le Japon « n’est pas parfait » –
« Il n’y avait pas d’accord international établi sur la manière de répondre et sur qui est responsable ni sur quand débarquer », justifie M. Omi, arguant que les bateaux avec des cas de coronavirus ont été refoulés dans de nombreux ports.
Et d’ajouter: « aucune organisation n’est parfaite, le Japon ne fait pas exception. »
Le ministre de la Santé, Katsunobu Kato, a admis mardi l’existence de critiques, mais a déclaré que le gouvernement se concentrait sur la « santé des membres d’équipage et des passagers ».
L’identification du moment où des infections ont pu commencer sur le navire a été rendue plus difficile par la lenteur du déploiement des tests, avec moins de 300 personnes initialement testées et l’éventail n’a été élargi que progressivement pour inclure les groupes à risque.
Le gouvernement japonais a été pris de court, manquant de kits d’examen, mais il a attendu des jours pour demander de l’aide au secteur privé et inviter des experts à ses réunions de crise.
Il n’a terminé les tests à bord sur l’ensemble des passagers qu’un jour avant la fin de la quarantaine.
La manière dont le gouvernement a géré la crise semble avoir entamé la popularité du Premier ministre Shinzo Abe, déjà affecté par un énième scandale de favoritisme.
Selon un récent sondage, 52% des personnes interrogées disent désapprouver la réponse du gouvernement à l’épidémie.
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