De nouveaux heurts ont brièvement éclaté vendredi à la frontière gréco-turque entre policiers grecs tirant des grenades lacrymogènes et des migrants lançant des pierres, au moment où l’Union européenne a averti les réfugiés que ses portes leur étaient fermées.
Après ces échauffourées, des centaines de migrants se sont massés devant le poste-frontière de Pazarkule (appelé Kastanies, côté grec), scandant « liberté », « paix » et « ouvrez les portes ! », selon un photographe de l’AFP.
Certains brandissaient au-dessus des barbelés des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Nous voulons vivre en paix ».
« Nous voulons simplement une meilleure vie, une situation meilleure, vivre en liberté », explique à l’AFP Amir Massoud, un Iranien, masque sanitaire sur le visage pour se protéger du gaz lacrymogène.
Après l’annonce le 28 février par le président turc Recep Tayyip Erdogan de l’ouverture de ses frontières vers l’UE, plusieurs milliers de migrants se sont dirigés vers la Grèce, réveillant en Europe le souvenir de la crise migratoire de 2015.
L’Union européenne a vivement dénoncé un « chantage » aux migrants au moment où Ankara réclame un appui occidental en Syrie, pays où la Turquie mène une opération militaire et est confrontée à un afflux de déplacés vers sa frontière.
L’UE a adressé vendredi un message aux migrants visant à les dissuader de se rendre à la frontière turco-grecque.
« Je veux envoyer un message clair: n’allez pas à la frontière. La frontière n’est pas ouverte », a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, après une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres à Zagreb.
– Condamnations à Lesbos –
Les autorités grecques ont accusé vendredi les forces turques de tirer des grenades lacrymogènes et des fumigènes du côté grec de la frontière. « Il y a eu des attaques coordonnées ce matin », a déclaré un responsable grec.
Selon Athènes, les autorités turques distribuent en outre du matériel pour découper les grillages empêchant les migrants de passer du côté grec.
Face à cette frontière terrestre fermée à double tour, plusieurs centaines de migrants ont réussi a gagner les îles égéennes en prenant la mer depuis la semaine dernière.
Dans un contexte déjà particulièrement tendu ces dernières semaines, où les habitants des îles s’opposent à la construction de nouveaux camps de rétention, les nouvelles arrivées ont suscité une explosion de colère à l’encontre des travailleurs humanitaires et des journalistes en particulier.
A Lesbos, deux habitants ont été condamnés vendredi à trois mois de prison avec sursis pour des violences commises le week-end dernier.
Alors que des milliers de migrants sont désormais bloqués à la frontière gréco-turque, des campements de fortune se sont formés du côté turc.
De nombreux migrants dorment à l’air libre malgré le froid. Les plus chanceux, souvent des familles avec enfants, ont confectionné des tentes avec des bâches, dont ils émergent chaque matin le visage exténué.
– Exploités –
Certains d’entre eux exprimaient vendredi leur frustration croissante contre Ankara, estimant avoir été dupés par des autorités turques leur ayant fait croire qu’ils pourraient aisément franchir la frontière.
« On nous a dit: +Soit vous traversez illégalement, soit vous partez d’ici+. Mais nous ne sommes pas venus pour franchir la frontière illégalement », dit à l’AFP Sina, un Iranien. « Nous sommes ici parce que la Turquie nous a autorisés à venir ».
Des autocars garés non loin du poste frontalier de Pazarkule proposaient vendredi d’emmener des migrants vers le fleuve Meriç (Evros, en grec), qui sépare la Turquie et la Grèce.
Toute un système d’exploitation des migrants s’est par ailleurs développé, des vendeurs ambulants turcs écoulant à des prix décuplés des bouteilles d’eau, de la nourriture ou du matériel pour fabriquer des abris.
Un homme vendait ainsi cinq mètres de film plastique étirable pour 200 livres turques (30 euros), contre quelques dizaines de livres dans le marché. Autour de lui, des migrants afghans, pakistanais ou d’autres nationalités se pressaient, billets à la main.
Les nouveaux heurts interviennent au lendemain de la signature, à Moscou, d’un accord de cessez-le-feu dans la région d’Idleb (nord-ouest de la Syrie) entre M. Erdogan et le président russe Vladimir Poutine.
Un responsable de la présidence turque a déclaré à l’agence de presse étatique Anadolu que ce cessez-le-feu ne signifiait pas qu’Ankara allait fermer ses frontières avec l’Europe.
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