Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lancé mercredi un remaniement en profondeur de son gouvernement au motif de faibles résultats économiques et sur fond d’un déclin de sa popularité.
Le Parlement ukrainien a nommé au poste de Premier ministre Denys Chmygal, l’un des adjoints de son prédécesseur Oleksiï Gontcharouk, contraint lui à démissionner après six mois en poste au motif de piètres résultats économiques.
« Le précédent gouvernement faisait tout son possible, mais aujourd’hui, les Ukrainiens ont besoin d’un gouvernement qui fera même l’impossible » et œuvrera « pour les gens », a déclaré le président en présentant son candidat aux députés.
Au total, 291 parlementaires ont voté pour sa nomination après avoir entériné plus tôt dans la journée la démission de M. Gontcharouk.
Son successeur de 45 ans a pour sa part promis de s’attaquer « sans délai » aux « défis » économiques du pays. « Chaque Ukrainien doit voir que l’Etat le protège », a-t-dit.
En poste depuis neuf mois, l’ancien comédien Zelensky a été élu président sur la promesse de « casser le système », éradiquer la corruption endémique et introduire de nouveaux visages dans un paysage politique sclérosé.
– « Il ne suffit plus d’être nouveau » –
Dominé par son parti Serviteur du peuple, le Parlement a ainsi nommé fin août un gouvernement comprenant de nombreux novices. M. Gontcharouk devenu à 35 ans le plus jeune Premier ministre de l’histoire de l’Ukraine n’avait alors que quatre mois d’expérience au sein de l’exécutif.
Mercredi, M. Zelensky a fait comprendre que cette stratégie n’avait pas marché. « Ce gouvernement a des acquis » mais « pour les Ukrainiens cela ne suffit pas », a-t-il déclaré, évoquant de nombreux problèmes sociaux qui n’ont pas été réglés et soulignant la nécessité de « corriger les erreurs ».
« Près de 10 millions de nos concitoyens vivent près du seuil de pauvreté », a-t-il affirmé, accusant aussi les forces de l’ordre du laxisme: « On promettait à la société ukrainienne la victoire sur la corruption. Pour l’instant, ce n’est même pas un match nul! »
« Il s’est avéré qu’il ne suffit pas d’être nouveau », a résumé lundi un des dirigeants du parti présidentiel Oleksandr Kornienko.
C’est la chute de sa propre popularité et celle du gouvernement au début de l’année qui est devenue « la dernière goutte » faisant déborder la vase pour M. Zelensky, explique l’analyste politique Volodymyr Fesenko.
La cote d’approbation du président a baissé à 47% en février contre 62% en décembre suite à des scandales impliquant plusieurs responsables gouvernementaux, selon un récent sondage.
Les députés ont nommé la plupart des ministres, dont plusieurs avec une expérience au gouvernement. Le jeune ministre de la Défense Andriï Zagorodniouk a ainsi été remplacé par un général à la retraite, Andriï Taran, 65 ans.
Le chef de la diplomatie Vadym Prystaïko est devenu vice-Premier ministre pour l’intégration européenne et son prédecesseur à ce poste Dmytro Kouleba a été nommé ministre des Affaires étrangères.
Le nouveau Premier ministre avait dirigé la région d’Ivano-Frankivsk (ouest) depuis août dernier et jusqu’à sa nomination au poste de vice-Premier ministre.
S’il avait occupé de 2017 à 2019 des postes importants au sein du groupe DTEK appartenant à Renat Akhmetov, homme le plus riche du pays à la réputation controversée, M. Chmygal n’est pas considéré comme un proche de l’oligarque.
– Pause avec le FMI –
« Il était l’un des gouverneurs les plus favorables aux affaires que j’ai rencontré en Ukraine », a commenté pour l’AFP Andy Hunder, président d’American Chamber of Commerce (ACC) en Ukraine en le décrivant comme un homme « à la tête froide, prudent et sérieux ».
En revanche, « le timing du remaniement est assez mauvais » en raison de l' »incertitude » globale liée à la propagation mondiale du nouveau coronavirus, qui risque de provoquer « un ralentissement des marchés mondiaux », prévient M. Hunder.
Le changement du gouvernement et notamment le remplacement de la ministre des Finances Oksana Markarova très prisée des Occidentaux par un ancien risque de compliquer les négociations sur une nouvelle tranche d’aide financière du Fonds monétaire international (FMI), préviennent les experts.
Cette aide est cruciale pour Kiev, confronté à une guerre avec les séparatistes prorusses dans l’est et à de lourdes difficultés économiques. « Le FMI est comme un sceau d’approbation pour les investisseurs qui vont voir ce que le FMI fera », souligne M. Hunder.