Au moins vingt villageois ont été tués lors d’une attaque de nuit dans le village malien d’Ogossagou (centre), théâtre du massacre attribué à des chasseurs dogons de quelque 160 Peuls il y a un an, a-t-on appris vendredi auprès de responsables locaux.
« J’ai fait le décompte en présence des militaires et des services de santé. Nous avons 20 morts, certains étaient calcinés », a déclaré à l’AFP le chef du village, Aly Ousmane Barry.
Un élu de la localité s’exprimant sous le couvert de l’anonymat pour des raisons de sécurité a évoqué le même nombre de morts, ainsi que 28 disparus et a mis en cause les chasseurs traditionnels dogon, sans que ces accusations puissent être corroborées de manière indépendante dans un premier temps.
L’attaque menée par une trentaine d’hommes armés dans la nuit de jeudi à vendredi a été favorisée par le retrait, quelques heures auparavant, de l’armée malienne de la localité, a expliqué le chef du village, des propos également tenus par l’élu parlant de manière anonyme.
Le village a été partiellement incendié, selon Aly Ousmane Barry. Les stocks alimentaires ont été détruits et du bétail emporté, d’après des témoignages sur place.
Le 23 mars 2019, l’attaque par des hommes armés de ce village peul d’Ogossagou, dans la zone de Bankass, près de la frontière avec le Burkina Faso, avait fait 160 morts civils. Attribuée à des chasseurs dogons, elle avait été le point culminant de violences intercommunautaires alors en cours dans le centre du pays.
– Cycle de représailles –
Cette région est prise dans un tourbillon de violences depuis 2015 et l’apparition d’un groupe jihadiste emmené par le prédicateur peul Amadou Koufa, qui a largement recruté parmi sa communauté, et rejoint le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance jihadiste du Sahel affiliée à Al-Qaïda, dès sa création en 2017.
Les affrontements se sont multipliés entre les Peuls, majoritairement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, qui pratiquent essentiellement l’agriculture. Ces dernières ont créé des groupes d’autodéfense en s’appuyant sur les chasseurs traditionnels dozos.
Quelque 500 civils ont été tués et des centaines d’autres blessés dans le centre du Mali en 2019, « l’année la plus mortelle pour les civils depuis le début de la crise politique et militaire dans ce pays en 2012 », selon l’ONG Human Rights Watch.
La principale association de chasseurs dogons, Dan Nan Ambassagou, avait été officiellement dissoute au lendemain du massacre à Ogossagou, mais elle n’a jamais cessé d’opérer. Elle a de nouveau été montrée du doigt par les Peuls après l’attaque de la nuit.
Une accalmie avait été enregistrée durant l’été 2019 avec la signature d’accords locaux. Si le rythme des attaques d’envergure a ralenti, les actes de violences quotidiennes n’ont jamais cessé dans cette région frontalière.
A ce cycle d’attaques et de représailles s’est greffée une explosion de la criminalité de droit commun, brigandage et vol de bétails notamment. Les autorités, qui peinent à répondre à la crise multiforme qui dure depuis 2012 au Mali, sont peu présentes dans la région.
– Mondoro à nouveau attaqué –
L’armée est bien implantée dans plusieurs camps, mais elle a perdu ces derniers mois des dizaines de soldats dans les assauts des jihadistes.
L’un de ses camps, Mondoro, déjà pris pour cible en septembre avec celui voisin de Boulkessi dans une double attaque qui avait fait 40 morts, a de nouveau été attaqué dans la nuit de jeudi à vendredi. Un garde national a été tué, a-t-on appris de sources sécuritaires.
Mercredi, un militaire malien a également été tué dans une attaque « terroriste » – qualificatif attribué aux jihadistes par les autorités maliennes – à Dialloubé, également dans le centre du pays, a annoncé l’armée malienne vendredi. Cinq « terroristes » ont été tués dans les combats, a-t-elle dit.
La force antijihadiste française Barkhane vient d’annoncer son passage de 4.500 à 5.100 hommes d’ici à fin février afin d’inverser le rapport de force sur le terrain. Elle mène des opérations notamment dans la région dite des trois frontières – entre Mali, Burkina Faso et Niger – zone de prédilection du groupe État islamique au grand Sahara (EIGS), récemment désigné par Paris comme l’ennemi numéro un au Sahel.
Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a reconnu lundi l’existence d’une démarche pour dialoguer avec les chefs d’autres groupes jihadistes.
L’armée malienne est par ailleurs revenue jeudi à Kidal (nord), bastion rebelle touareg et ville symbole d’où elle était absente depuis des années et où son retour est censé manifester le rétablissement de la souveraineté de l’Etat sur le territoire.