La police vénézuélienne a dispersé mardi à Caracas une manifestation de l’opposition contre Nicolas Maduro à laquelle avait appelé Juan Guaido, dans l’espoir de raviver le mouvement de protestation contre le président socialiste et exiger une nouvelle élection présidentielle.
En début de soirée, l’opposition a dénoncé l’arrestation d’un député d’opposition, Renzo Prieto, appréhendé par les FAES, un corps controversé de la police vénézuélienne, quelques heures après la manifestation. De même source, deux autres députés d’opposition ont été brièvement arrêtés puis relâchés.
Plus tôt dans la journée, quelques milliers de manifestants anti-Maduro s’étaient élancés d’une place dans l’Est de Caracas pour rejoindre l’Assemblée nationale, avec Juan Guaido en tête de cortège.
Mais peu de temps après le début de la manifestation, la Police nationale bolivarienne (PNB) a bloqué le cortège. Juan Guaido a tenté d’entamer un dialogue avec les agents qui ont alors tiré du gaz lacrymogène pour disperser la manifestation, selon un journaliste de l’AFP.
Certains manifestants ont répondu en lançant des pierres et des bâtons en direction des agents.
« Tout cela me fait mal, mais je me sens encore plus valeureuse, j’ai encore plus envie de continuer à protester », a dit à l’AFP Katherine Croquer, une manifestante de 54 ans.
Les manifestants comptaient se diriger vers le siège du Parlement pour exiger une nouvelle élection présidentielle et faire entendre leurs revendications sociales et économiques.
Le Parlement unicaméral est l’unique organe aux mains de l’opposition au président Maduro, mais ses décisions sont systématiquement annulées par la Cour suprême.
Juan Guaido a été réélu à sa tête en janvier avec les seules voix de l’opposition, mais le pouvoir chaviste n’a pas reconnu cette élection.
-« Selfie »-
Empêchés de s’approcher du Parlement, Juan Guaido, des élus d’opposition et des sympathisants se sont finalement rendus sur une place à quelques centaines de mètres de là et ont organisé une séance de l’Assemblée nationale. Les élus ont approuvé un texte qui exige la tenue d’une nouvelle élection présidentielle, deux ans après le scrutin « frauduleux », selon eux, qui a permis à Nicolas Maduro de se maintenir au pouvoir.
« N’ayez pas peur », a lancé Juan Guaido à la foule.
Au même moment, plusieurs milliers de personnes s’étaient réunies à l’appel du pouvoir pour une « contre-manifestation » dans le centre de Caracas avec comme mot d’ordre la « défense de la souveraineté » du Venezuela face aux « agressions » économiques du président américain Donald Trump.
Washington, principal soutien de Juan Guaido à l’international, a pris un éventail de sanctions pour accentuer la pression sur Nicolas Maduro que l’opposant tente, en vain, d’évincer depuis un peu plus d’un an.
Diosdado Cabello, numéro deux du PSUV, le parti présidentiel, a ironisé sur les élus d’opposition dont la manifestation a été dispersée par la police. « Ils ont commis des actes de violence pour une photo. Ils pensent qu’en prenant un +selfie+ ils vont réussir à renverser le gouvernement révolutionnaire », a-t-il dit.
Avec cette nouvelle mobilisation, Juan Guaido, que près d’une soixantaine de pays reconnaissent comme président par intérim, comptait relancer le mouvement de protestation contre le chef de l’Etat qu’il qualifie de « dictateur ».
Ces derniers mois, ses appels à manifester ont rencontré un écho bien moindre que début 2019, lorsque des dizaines de milliers de Vénézuéliens se mobilisaient chaque semaine.
Il s’agit de la première manifestation d’envergure de l’opposition depuis le retour mi-février de Juan Guaido d’une tournée internationale au cours de laquelle Donald Trump et le président français Emmanuel Macron, entre autres, lui ont réitéré leur soutien.
De son côté, Nicolas Maduro a toujours l’appui de la Russie, de Cuba, de la Chine et de l’état-major de l’armée, clef de voûte du système politique vénézuélien.
« La situation (du Venezuela) est catastrophique. Les droits des travailleurs ne sont pas respectés, nous exigeons que cela change », a déclaré Ofelia Rivera, 58 ans, une éducatrice à la retraite interrogée par l’AFP avant le début de la manifestation à Caracas.
Le Venezuela traverse la pire crise de son histoire récente, avec, entre autres maux, des pénuries de médicaments et une hyperinflation qui a atteint 9.585,5% en 2019, selon la Banque centrale.
D’après la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Michelle Bachelet, 4,9 millions de personnes ont « abandonné » le Venezuela, qui compte 30 millions d’habitants, depuis fin 2015.